Conseil d'État, Section du Contentieux, 01/02/2006, 271676, Publié au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 31 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, et les mémoires complémentaires, enregistrés les 1er et 16 septembre 2004 et le 15 juin 2005 présentés par M. Henri-Jacques X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 13 août 2004 par lequel le Président de la République lui a infligé la sanction de l'exclusion définitive du service en qualité de commissaire de police stagiaire de la police nationale ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder sans délai à sa réintégration dans le corps des commissaires de police et de l'autoriser à poursuivre sa scolarité pour être titularisé ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

Vu le décret n° 86-592 du 18 mars 1986 portant code de déontologie de la police nationale ;

Vu le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 ;

Vu le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 modifié ;

Vu le décret n° 95-655 du 9 mai 1995 modifié ;

Vu l'arrêté du 23 janvier 2004 portant organisation de la formation initiale et de la formation continue des commissaires de police à l'Ecole nationale supérieure de la police ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Damien Botteghi, Auditeur,


- les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ;




Considérant que M. X demande l'annulation du décret du Président de la République en date du 13 août 2004 prononçant son exclusion définitive du service en qualité de commissaire stagiaire de la police nationale et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de le réintégrer dans le corps des commissaires de police ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire ;

Sur la légalité externe :

Considérant qu'en vertu de l'article 3 du décret du 9 mai 1995 portant statut particulier du corps de conception et de direction de la police nationale, alors en vigueur, les commissaires de la police nationale qui constituent ce corps « sont nommés par décret du Président de la République sur proposition du Premier ministre et du ministre de l'intérieur » ; qu'il ressort des articles 4 et 5 de ce décret que le corps comprend trois grades dont le premier, celui de commissaire de police, comporte un échelon d'élève, un échelon de stagiaire et huit échelons ; qu'aux termes de l'article 8 : « Les candidats reçus aux concours ou recrutés au choix sont nommés élèves commissaires de police à l'Ecole nationale supérieure de la police » ; qu'enfin selon l'article 17 du décret : « Les décisions autres que la nomination et les sanctions disciplinaires concernant les commissaires de police sont prononcées par arrêté du ministre de l'intérieur. Celui-ci peut cependant prononcer à l'encontre de ces fonctionnaires l'avertissement et le blâme » ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la nomination dans le corps de direction et de conception de la police nationale s'effectue à l'entrée dans ce corps en qualité d'élève commissaire et qu'il appartient au Président de la République de la prononcer ; qu'il était par suite compétent pour décider, par le décret attaqué, d'infliger la sanction d'exclusion définitive du service à M. X, commissaire stagiaire de la police nationale, alors même que celui-ci avait été nommé par arrêté du ministre de l'intérieur ;

Considérant que M. X, ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire, ne peut utilement soutenir que le décret attaqué aurait dû être précédé des consultations prévues à l'article 7 du décret du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics, et à l'article 17 de l'arrêté du 23 janvier 2004 portant organisation de la formation initiale et de la formation continue de commissaire de police à l'Ecole nationale supérieure de la police, lesquelles ne sont applicables qu'aux procédures de licenciement pour insuffisance professionnelle ;

Considérant que l'ampliation, certifiée conforme par le secrétaire général du gouvernement, fait foi, contrairement à ce que soutient le requérant, de ce que le décret a été signé par le Président de la République et contresigné par le Premier ministre et le ministre de l'intérieur ;

Considérant que le décret attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et satisfait ainsi aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Considérant que les circonstances dans lesquelles la notification du décret attaqué a été faite à M. X sont sans influence sur sa légalité ;

Sur la légalité interne :

Considérant qu'ainsi que le rappelle l'article 7 du code de déontologie édicté par le décret du 18 mars 1986, le fonctionnaire de la police nationale « ne se départit de sa dignité en aucune circonstance » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, alors qu'il était en congé durant sa période de stage à la circonscription de sécurité publique de Nantes, a été expulsé d'un établissement de nuit après une rixe à laquelle il avait pris part ; qu'en état d'ivresse caractérisée, il s'est prévalu, afin de pouvoir pénétrer à nouveau dans l'établissement, de sa qualité de commissaire stagiaire pour demander l'appui des forces de police appelées sur place ; qu'il était en possession de son arme de service contrairement aux prescriptions du règlement général d'emploi de la police nationale qui lui imposait de remiser son arme à l'armurerie de service pendant un congé ; que ces faits, alors au surplus que son comportement antérieur avait déjà justifié des observations de la part de ses supérieurs, étaient de nature à justifier légalement une sanction ; que la sanction de l'exclusion définitive du service prononcée à raison de ces faits, qui doivent s'apprécier compte tenu de la qualité de commissaire de police stagiaire de l'intéressé et des obligations déontologiques de dignité et d'exemplarité qui s'imposaient à lui, tout particulièrement dans un lieu public et alors même qu'il n'était pas en service, n'est pas manifestement disproportionnée ; que le requérant ne saurait utilement se prévaloir de la circonstance que l'un de ses collègues aurait bénéficié d'une sanction plus clémente après avoir commis des faits analogues ;

Considérant que le détournement de procédure allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation du décret qu'il attaque ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que la présente décision, qui rejette la requête de M. X, n'appelle aucune mesure d'exécution au sens des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ; que, dès lors, les conclusions à fin d'injonction qu'il a présentées ne peuvent qu'être rejetées ;



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Henri-Jacques X, au Premier ministre et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

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