Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 06/12/2006, 287453

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu 1°), sous le n° 287453, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 novembre 2005 et 22 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mme Corinne A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler sa fiche de notation et d'évaluation au titre de l'année 2004 ;

2°) d'ordonner le retrait immédiat de ce document de son dossier individuel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les frais exposés dans la présente instance et le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu 2°), sous le n° 288158, l'ordonnance du 30 novembre 2005, enregistrée le 15 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal par Mme Corinne A ;

Vu la demande, enregistrée le 23 novembre 2005 au greffe du tribunal administratif de Paris par Mme Corinne A et tendant à :

1°) annuler sa fiche de notation et d'évaluation au titre de l'année 2004 ;

2°) ordonner le retrait de ce document de son dossier individuel ;

3°) mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................


Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu les trois notes en délibéré, enregistrées le 8 novembre 2006, présentées par Mme A ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 2002-682 du 29 avril 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Lallet, Auditeur,

- les conclusions de M. Luc Derepas, Commissaire du gouvernement ;





Considérant que les requêtes de Mme A, qui doivent être regardées comme étant dirigées contre sa fiche de notation et d'évaluation au titre de l'année 2004, sont dirigées contre la même décision ; qu'il y a lieu de les joindre afin qu'il soit statué sur ces requêtes par une seule décision ;

Sur les conclusions aux fins de récusation :

Considérant qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions, présentées avant la clôture de l'instruction, tendant à la récusation de MM. Jacky B, Frédéric E et Yves C, ainsi que de Mmes Christine D et Charlotte F qui n'ont pas siégé dans la présente instance ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 du décret du 29 avril 2002 : « Le pouvoir de fixer les notes et appréciations générales exprimant la valeur professionnelle des fonctionnaires (...) est exercé par le chef de service, après avis, le cas échéant, du ou des supérieurs hiérarchiques du fonctionnaire à noter » ; qu'aux termes de l'article 8 du même décret : « Il est établi, pour chaque fonctionnaire, une fiche de notation comprenant : «1° Une appréciation générale arrêtée sur la base des critères prévus à l'article 6, exprimant la valeur professionnelle de l'agent et tenant compte de son évaluation ; 2° Une note fixée selon les niveaux et les marges d'évolution et établie en cohérence avec l'appréciation générale mentionnée au 1° ci-dessus » ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 2 de ce même décret : « Les fonctionnaires font l'objet d'une évaluation, qui comporte un entretien et qui donne lieu à un compte rendu » ; qu'aux termes de l'article 3 : « L'entretien d'évaluation est conduit par le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire » et qu'aux termes de l'article 4 : « Le compte rendu de l'entretien d'évaluation est établi par le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B, directeur général de l'administration et de la fonction publique, a procédé le 23 septembre 2005 à l'entretien d'évaluation de Mme A, administrateur civil, affectée dans sa direction au titre de l'année 2004 et a fixé sa notation au titre de la même année ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas contesté que M. B n'était pas le supérieur hiérarchique direct de Mme A au sens du décret du 29 avril 2002 ; qu'il suit de là que si M. B pouvait, en tant que chef de service, procéder à la notation et à l'appréciation générale de Mme A pour l'année 2004, il ne pouvait en revanche procéder lui-même à l'entretien d'évaluation de l'intéressée ; qu'ainsi, cette évaluation a été réalisée dans des conditions irrégulières ; que, par suite, la notation de Mme A pour l'année 2004 est entachée d'illégalité et doit être annulée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que l'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; qu'il y a lieu, au titre de ces dispositions, de faire droit aux conclusions de la requérante tendant à ce que sa fiche de notation et d'évaluation pour l'année 2004 soit retirée sans délai de son dossier administratif individuel ;

Sur les conclusions de Mme A tendant à ce que son nom ne soit pas mentionné lors de la publication de la présente décision :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : « La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1./ Elle contient le nom des parties, (...) » ;

Considérant que, dès lors que ne peuvent trouver à s'appliquer en l'espèce les conditions tenant à la sauvegarde de l'ordre public ou au respect de l'intimité des personnes ou de secrets protégés par la loi auxquelles l'article L. 731-1 du code de justice administrative subordonne la possibilité de déroger au principe de publicité des audiences énoncé à l'article L. 6 du même code, ce principe ainsi que celui de publicité des jugements figurant à l'article L. 10 impliquent nécessairement que toute personne puisse obtenir copie de la présente décision ; qu'il suit de là que les conclusions mentionnées ci-dessus de Mme A ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de récusation présentées par Mme A.

Article 2 : La fiche de notation et d'évaluation de Mme A pour l'année 2004 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de la fonction publique de procéder sans délai au retrait de la feuille de notation de Mme A pour l'année 2004 de son dossier administratif individuel.

Article 4 : L'Etat versera à Mme A une somme de 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Corinne A et au ministre de la fonction publique.

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