Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 20/04/2005, 254909, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 mars 2003 et 19 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE INTERNATIONAL METAL SERVICE (IMS), dont le siège est 35 rue du Pont à Neuilly-sur-Seine (92522) ; la SOCIETE INTERNATIONAL METAL SERVICE (IMS) demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler l'arrêt du 20 décembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 30 avril 2002 du tribunal administratif de Paris ayant annulé la décision en date du 10 novembre 1998 par laquelle le ministre de l'emploi et de la solidarité a confirmé la décision de l'inspecteur du travail en date du 18 mai 1998 autorisant le licenciement de M. Jean-Marie X ; 2°) statuant au fond, d'annuler le jugement du 30 avril 2002 du tribunal administratif de Paris et de rejeter la demande présentée devant ce tribunal par M. X ; 3°) de mettre à la charge de M. X une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code du travail ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Jean-Luc Sauron, Maître des Requêtes, - les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la SOCIETE INTERNATIONAL METAL SERVICE (IMS) et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Jean-Marie X, - les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par une décision en date du 10 novembre 1998, le ministre de l'emploi et de la solidarité a confirmé l'autorisation administrative de licenciement délivrée à la SOCIETE INTERNATIONAL METAL SERVICE (IMS), par l'inspecteur du travail le 18 mars 1998, à l'encontre de M. X, salarié protégé ; que, saisi par ce dernier, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision ministérielle par jugement en date du 30 avril 2002, jugement confirmé par la cour administrative d'appel de Paris par son arrêt en date du 20 décembre 2002, contre lequel la SOCIETE INTERNATIONAL METAL SERVICE se pourvoit en cassation ; Considérant qu'aux termes de l'article L. 514-2 du code du travail : (…) Le licenciement par l'employeur d'un salarié exerçant les fonctions de conseiller prud'homme (…) est soumis à la procédure prévue par l'article L. 412-18 du présent code (…) ; qu'aux termes de l'article L. 412-18 du même code : Le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ou de l'autorité qui en tient lieu (…) ; qu'en vertu de ces dispositions, le licenciement des salariés investis des fonctions de conseiller prud'homme ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions prud'homales exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale des mandats dont il est investi ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, que M. X, a eu, à l'égard du personnel féminin travaillant ou venant travailler dans la SOCIETE INTERNATIONAL METAL SERVICE, un comportement généralement ambigu et parfois indécent ; que ces faits ont constitué une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; que, par suite, en estimant qu'un tel comportement, pour regrettable qu'il soit, n'était pas de nature à constituer une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de M. X, la cour a inexactement qualifié les faits de l'espèce ; que la SOCIETE INTERNATIONAL METAL SERVICE est ainsi fondée, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ; Considérant qu'aux termes des dispositions de l'alinéa 1er de l'article L. 122-44 du code du travail : Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; Considérant que s'il ressort des pièces du dossier que la société IMS, employeur de M. X, a été informée par un tiers dans la première quinzaine du mois d'octobre 1997 des propos indécents et incorrects que l'intéressé avait tenus à une salariée de l'entreprise chargée du nettoyage de ses locaux et que ces faits ont été débattus, le 15 octobre 1997, lors d'un entretien auquel le directeur général adjoint d'IMS avait convoqué M. X, les dirigeants de cette société n'ont eu pleine connaissance de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits qu'à la réception d'une lettre adressée, le 22 décembre 1997, par la salariée de l'entreprise de nettoyage dénonçant ces faits de manière précise et circonstanciée ; que, dès lors, la convocation de M. X à l'entretien préalable le 6 janvier 1998, n'a pas été postérieure au délai fixé par les dispositions précitées de l'article L. 122-44 du code du travail ; qu'il suit de là que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-44 du code du travail pour annuler la décision ministérielle en date du 10 novembre 1998 ; Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le tribunal administratif de Paris à l'encontre de la décision ministérielle du 10 novembre 1998 ; Sur la régularité de l'enquête : Considérant qu'aux termes de l'article R. 436-4 du code du travail : L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat ; qu'il résulte des pièces du dossier que M. X, conseiller prud'homal, a été entendu par l'inspecteur du travail qui lui a donné connaissance de l'ensemble des comportements qui lui étaient reprochés tant par la salariée de l'entreprise de nettoyage que par plusieurs collaboratrices de la société IMS ; que ni la circonstance que l'inspecteur du travail a conduit son enquête tant dans les locaux de l'inspection qu'au siège de l'entreprise, ni celle que l'inspection du travail a eu connaissance des documents relatifs à une plainte pénale classée sans suite, ni le défaut de confrontation entre les témoins et M. X ne sont de nature à établir l'absence d'objectivité de ladite enquête et à entacher d'irrégularité la procédure suivie ; Sur la motivation de la décision ministérielle : Considérant qu'en estimant qu'il est établi que le salarié a à plusieurs reprises fait des remarques déplacées puis des avances à une employée de la société GNS chargée du nettoyage des locaux de la société IMS ; que ce récit ainsi que le comportement généralement ambigu de l'intéressé à l'égard du personnel féminin ont été corroborés par des témoignages concordants ; que ces agissements constituent une faute d'une gravité suffisante pour justifier une mesure de licenciement, le ministre a suffisamment motivé sa décision ; Sur la réalité des comportements reprochés à M. X : Considérant, que, comme il est écrit ci-dessus, les pièces versées au dossier permettent d'établir la réalité des faits reprochés à M. X ; que, par suite, les dispositions de l'article L. 122-43 du code du travail aux termes duquel Si le doute subsiste, il profite au salarié ne trouvent pas à s'appliquer ; Sur la discrimination : Considérant, que contrairement à ce que soutient M. X, la procédure de licenciement engagée à son encontre est sans rapport avec ses fonctions représentatives ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 10 novembre 1998 par laquelle le ministre de l'emploi et de la solidarité a confirmé la décision de l'inspecteur du travail en date du 18 mai 1998 autorisant son licenciement ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. X une somme de 4 500 euros au titre des frais exposés par la SOCEITE INTERNATIONAL METAL SERVICE (IMS) et non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que les sommes que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens soient mises à la charge de la société INTERNATIONAL METAL SERVICE (IMS) qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante ;
D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt en date du 20 décembre 2002 de la cour administrative d'appel de Paris et le jugement en date du 30 avril 2002 du tribunal administratif de Paris sont annulés. Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions devant la cour administrative d'appel de Paris et devant le Conseil d'Etat sont rejetés. Article 3 : M. X versera la somme de 4 500 euros à la SOCIETE INTERNATIONAL METAL SERVICE (IMS) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE INTERNATIONAL METAL SERVICE (IMS), à M. Jean-Marie X et au ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.
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