Conseil d'Etat, Juge des référés, du 27 octobre 2005, 285698, inédit au recueil Lebon
Conseil d'Etat, Juge des référés, du 27 octobre 2005, 285698, inédit au recueil Lebon
Conseil d'Etat - JUGE DES REFERES
statuant
au contentieux
- N° 285698
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
jeudi
27 octobre 2005
- Président
- Mme Hagelsteen
- Avocat(s)
- SCP THOUIN-PALAT
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 3 octobre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société PHARMA CONCEPT SAS, dont le siège est ..., prise en la personne de son représentant légal en exercice ; elle demande au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
- la décision du 25 avril 2005 par laquelle le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a, d'une part, suspendu la fabrication, l'exploitation, l'exportation, la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux, la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, la publicité, l'utilisation, la prescription, la délivrance et l'administration du médicament dénommé Viralgic commercialisé par la société PHARMA CONCEPT SAS et distribué à l'exportation par la société Intermed, jusqu'à sa mise en conformité au regard des dispositions de l'article L. 5121-8 du code de la santé publique et, d'autre part, ordonné à la société PHARMA CONCEPT SAS de s'assurer du retrait effectif de ce produit, en tout point où il se trouve sur le territoire national ;
- la décision implicite par laquelle le directeur général de l'AFSSAPS a rejeté sa demande tendant à la suspension immédiate de l'interdiction de fabrication et d'exploitation, en vue de l'exportation, prononcée par la décision du 25 avril 2005 ;
2°) de mettre à la charge de l'agence la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
la société soutient qu'elle commercialise le Viralgic à l'export en Asie et en Afrique par le biais des sociétés Intermed et Transgalaxy ; que les décisions attaquées préjudicient de manière grave et immédiate à ses intérêts financiers et commerciaux ; qu'elles remettent également en cause ses engagements avec ces deux entreprises ; qu'en outre, elles privent de Viralgic le Centre intégré de recherches biocliniques d'Abidjan qui suit et traite plus de 3000 personnes séropositives ; que la condition d'urgence doit, par conséquent, être considérée comme remplie ; que plusieurs moyens sont, en l'état de l'instruction, susceptibles de créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision du 25 avril 2005 ; que le directeur de l'AFSSAPS était incompétent pour prendre une telle décision sur le fondement de l'article L. 5121-8 du code de la santé publique ; qu'en effet, cet article, qui soumet à une obligation d'autorisation de mise sur le marché française ou européenne tout médicament destiné à être distribué ou commercialisé sur le marché national, ne régit pas les produits voués à l'exportation hors du territoire de l'Union européenne ; que des autorisations d'importation ou de mise sur le marché ont au demeurant été délivrées à la société par les pays importateurs qui sont seuls compétents en matière de protection de la santé publique sur leur territoire ; que la décision est insuffisamment motivée ; que les indications portées sur l'étiquetage du Viralgic ne permettent pas de le caractériser comme un médicament par présentation au sens de l'article L. 5111-1 du code de la santé publique ; qu'en effet, la mention antiviral spécifique des virus HIV 1 et 2 , qui n'est qu'une simple référence aux propriétés antivirales des plantes entrant dans la composition du Viralgic, fait état d'une action pharmacologique et non de propriétés thérapeutiques ; que la relation entre les virus HIV 1 et 2 et le SIDA n'est ni explicite ni implicite dans la présentation du Viralgic ; que l'existence d'une posologie ne suffit pas non plus à caractériser l'existence d'un médicament par présentation ; que la société requérante n'avait donc pas à solliciter d'autorisation de mise sur le marché pour ce produit ; qu'en conséquence, le directeur de l'AFSSAPS a commis une erreur de droit en estimant que le Viralgic présentait un danger grave pour la santé publique au seul motif que la réglementation en matière d'autorisation de mise sur le marché avait été méconnue et que, par suite, aucune évaluation de la qualité, de la sécurité d'emploi et de l'efficacité du Viralgic n'était intervenue ; qu'il a également commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant le Viralgic comme dangereux dès lors que les études sur la base desquelles les autorisations de commercialisation ont été délivrées par les Etats importateurs attestent des effets bénéfiques du produit ; que l'article L. 5124-11 du code de la santé publique ne pouvait pas non plus servir de fondement à la décision du 25 avril 2005 ; qu'en effet, conformément au premier alinéa de cet article, un certificat de l'AFSSAPS a été délivré à l'établissement pharmaceutique qui fabrique le Viralgic ; que l'alinéa 4, qui prescrit que l'établissement pharmaceutique qui exporte un médicament et ne bénéficie pas d'une autorisation de mise sur le marché est tenu de fournir une déclaration exposant les raisons pour lesquelles une autorisation n'est pas disponible pour le produit, ne lui est pas applicable dès lors que le Viralgic a fait l'objet d'autorisations de mise sur le marché dans plusieurs Etats africains et que ces dispositions ne précisent pas quelle doit être l'origine de l'autorisation de mise sur le marché ; que les décisions litigieuses contreviennent aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2005, présenté par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) qui tend au rejet de la requête ; elle soutient que la demande de suspension de la décision du 25 avril 2005, qui intervient après une ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat en date du 21 juillet 2001 rejetant la demande de suspension présentée à l'encontre de la même décision par M. X... en tant que propriétaire de la formule Viralgic, présente un caractère abusif ; qu'à titre subsidiaire, la condition d'urgence n'est pas remplie ; qu'en effet, la société requérante n'apporte aucune précision quant au préjudice commercial et financier subi ; que le directeur de l'AFSSAPS n'a pas à prendre en compte l'effet de ses décisions sur les relations commerciales de la société avec d'autres opérateurs ; que le préjudice allégué résulte du comportement de la requérante à qui il appartient de se conformer à la législation applicable si elle souhaite voir les décisions litigieuses suspendues ; qu'au surplus, ces dernières étaient prévisibles depuis le 9 août 2001, date de la première mise en demeure de la société par l'Agence ; qu'il n'est pas établi que l'arrêt du produit ait des effets néfastes pour ses consommateurs ; que l'intérêt général tenant à la protection de la santé publique et à la nécessité d'empêcher la poursuite d'agissements illégaux commande l'exécution des mesures litigieuses ; qu'il n'existe pas, en l'état de l'instruction, de doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ; que le directeur de l'AFSSAPS était compétent pour prendre la décision du 25 avril 2005 sur le fondement de l'article L. 5121-8 du code de la santé publique dès lors qu'il est attesté que le Viralgic est disponible sur le territoire national ; que la décision du 25 avril 2005 est suffisamment motivée ; que les mentions figurant sur l'étiquetage du Viralgic en font un médicament par présentation au sens de l'article L. 5111-1 du code de la santé publique ; qu'en effet, pour un public moyennement averti, l'indication d'une activité antivirale est comprise comme celle du traitement de la maladie induite par le virus ; que la distinction opérée entre effet pharmacologique et effet thérapeutique est sans fondement ; que toute posologie est implicitement liée à la notion de médicament ; que le Viralgic, dont il établi qu'il est disponible sur le territoire, est par conséquent soumis à l'obligation d'autorisation de mise sur le marché ; que le directeur de l'AFSSAPS n'a donc pas commis d'erreur de droit en estimant que le Viralgic présentait un danger grave pour la santé publique au motif que la réglementation en matière d'autorisation de mise sur le marché avait été méconnue et qu'aucune évaluation de la qualité, de la sécurité d'emploi et de l'efficacité du Viralgic n'était intervenue ; que la décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que les propriétés revendiquées par le Viralgic sont de nature à inciter à son utilisation dans des pathologies graves et risquent d'avoir des conséquences néfastes sur les patients en retardant le recours à un traitement efficace ; que la société ne peut valablement se prévaloir de l'octroi pour le Viralgic d'autorisations de mise sur le marché par des Etats tiers à l'Union pour attester de l'innocuité de son produit ; que l'article L. 5124 -11 du code de la santé publique pouvait également servir de fondement à la décision du 25 avril 2005 s'il était avéré que la spécialité n'était destinée qu'à l'exportation ; qu'en effet, le Viralgic n'est pas fabriqué par un établissement pharmaceutique dûment autorisé par l'AFSSAPS en méconnaissance de l'alinéa premier de cet article ; que la société n'a pas fourni la déclaration prescrite à l'alinéa 4 de ce même article ; que l'autorisation de mise sur le marché mentionnée dans cet alinéa ne désigne pas les autorisations délivrées par des pays tiers à L'Union ; que l'atteinte alléguée au droit de propriété de la société requérante est justifiée au regard de l'objectif constitutionnel de protection de la santé publique ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la société PHARMA CONCEPT SAS et d'autre part, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 26 octobre 2005 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société PHARMA CONCEPT SAS ;
- le représentant de la société PHARMA CONCEPT SAS ;
- les représentants de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ;
Considérant qu'en vertu du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code justice administrative, la possibilité pour le juge des référés d'ordonner la suspension de l'exécution d'une décision administrative est subordonnée non seulement à la circonstance que soit invoqué un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision, mais également à la condition qu'il y ait urgence ; que l'urgence ne justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif que pour autant que son exécution porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés saisi d'une demande tendant à la suspension d'un tel acte, d'apprécier concrètement compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celui-ci sur la situation de ce dernier ou, le cas échéant des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; Considérant que la société PHARMA CONCEPT SAS soutient, pour justifier l'urgence, que la décision de suspension de fabrication et d'exploitation en vue de l'exportation du Viralgic prise par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) et le refus du directeur général de cette agence de rapporter cette décision lui causent un très important préjudice commercial, financier et même moral à l'égard de certains de ses partenaires commerciaux ; qu'elle soutient également que ces décisions l'empêchent de remplir ses engagements à l'égard de certaines institutions sanitaires de pays en voie de développement consistant dans la fourniture gratuite de Viralgic en vue d'essais thérapeutiques et peuvent priver certains patients de la perte de chance de bénéficier de traitements qu'ils étaient en droit d'attendre ; que, toutefois, en l'état de l'instruction, la société requérante n'apporte aucun commencement de justification des préjudices qu'elle invoque ; qu'elle n'établit pas davantage les conséquences graves et immédiates qui résulteraient, pour les malades traités à l'étranger, des décisions contestées ; qu'ainsi, la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut, en l'espèce, être regardée comme satisfaite ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de la société PHARMA CONCEPT SAS doit être rejetée ainsi que par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E : ------------------ Article 1er : La requête de la société PHARMA CONCEPT SAS est rejetée . Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société PHARMA CONCEPT SAS et au directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Copie de la présente ordonnance sera transmise pour information au ministre de la santé.
Considérant qu'en vertu du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code justice administrative, la possibilité pour le juge des référés d'ordonner la suspension de l'exécution d'une décision administrative est subordonnée non seulement à la circonstance que soit invoqué un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision, mais également à la condition qu'il y ait urgence ; que l'urgence ne justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif que pour autant que son exécution porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés saisi d'une demande tendant à la suspension d'un tel acte, d'apprécier concrètement compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celui-ci sur la situation de ce dernier ou, le cas échéant des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; Considérant que la société PHARMA CONCEPT SAS soutient, pour justifier l'urgence, que la décision de suspension de fabrication et d'exploitation en vue de l'exportation du Viralgic prise par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) et le refus du directeur général de cette agence de rapporter cette décision lui causent un très important préjudice commercial, financier et même moral à l'égard de certains de ses partenaires commerciaux ; qu'elle soutient également que ces décisions l'empêchent de remplir ses engagements à l'égard de certaines institutions sanitaires de pays en voie de développement consistant dans la fourniture gratuite de Viralgic en vue d'essais thérapeutiques et peuvent priver certains patients de la perte de chance de bénéficier de traitements qu'ils étaient en droit d'attendre ; que, toutefois, en l'état de l'instruction, la société requérante n'apporte aucun commencement de justification des préjudices qu'elle invoque ; qu'elle n'établit pas davantage les conséquences graves et immédiates qui résulteraient, pour les malades traités à l'étranger, des décisions contestées ; qu'ainsi, la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut, en l'espèce, être regardée comme satisfaite ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de la société PHARMA CONCEPT SAS doit être rejetée ainsi que par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E : ------------------ Article 1er : La requête de la société PHARMA CONCEPT SAS est rejetée . Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société PHARMA CONCEPT SAS et au directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Copie de la présente ordonnance sera transmise pour information au ministre de la santé.