Conseil d'Etat, 1ère et 6ème sous-sections réunies, du 20 mai 2005, 274400, mentionné aux tables du recueil Lebon
Conseil d'Etat, 1ère et 6ème sous-sections réunies, du 20 mai 2005, 274400, mentionné aux tables du recueil Lebon
Conseil d'Etat - 1ERE ET 6EME SOUS-SECTIONS REUNIES
statuant
au contentieux
- N° 274400
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
vendredi
20 mai 2005
- Président
- M. Stirn
- Rapporteur
- M. Luc Derepas
- Avocat(s)
- SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 novembre et 20 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. François Y, demeurant ... ; M. Y demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 19 octobre 2004 par lequel le tribunal administratif de Dijon, sur la protestation de Mme Katherine X, l'a déclaré inéligible en qualité de conseiller général pour une durée d'un an et annulé son élection en qualité de conseiller général du canton de Dijon V le 28 mars 2004 ;
2°) de rejeter la protestation présentée par Mme X ;
3°) de mettre à la charge de Mme X la somme de 5 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Luc Derepas, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Y,
- les conclusions de M. Jacques-Henri Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Sur la requête de M. Y : Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 524, L. 5211 et L. 5212 du code électoral que les dépenses électorales engagées par un candidat ou pour son compte dans l'année qui précède le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où l'élection est acquise doivent être retracées de façon exhaustive dans un compte de campagne et sont soumises à un plafond institué par la loi ; que l'article L. 528 du même code interdit que des personnes morales autres que des partis ou groupements politiques puissent participer au financement de la campagne d'un candidat en lui consentant des dons ou en lui fournissant des biens, services ou avantages à des prix inférieurs à ceux habituellement pratiqués ; qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 5215 et L. 1183 du même code, lorsque le juge de l'élection rejette le compte de campagne d'un candidat pour un autre motif que le dépassement du plafond des dépenses, il peut prononcer l'inéligibilité du candidat pour un an ou ne pas prononcer d'inéligibilité lorsque la bonne foi du candidat est établie ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que ni le format ni la périodicité de la revue municipale « Dijon notre ville » n'ont été modifiés pendant la période prévue à l'article L. 524 du code électoral ; que les extraits à caractère local de cette revue mentionnés par Mme X dans sa protestation se bornent à traiter, sous forme d'éditoriaux du maire, ou d'articles, de la situation de la commune et des réalisations de la municipalité, sans excéder l'objet habituel d'une telle publication et sans faire référence aux élections cantonales ; que la circonstance que les éditoriaux et plusieurs autres passages soient accompagnés de photographies de M. Y ne suffit pas par ellemême à conférer à ces extraits un caractère de propagande électorale ; que les passages de la revue relatifs à des sujets de politique nationale ne peuvent, eu égard aux thèmes abordés et au ton employé, être regardés comme ayant un tel caractère ; que les numéros de la revue « Grand Dijon », qui contiennent une description principalement technique des réalisations et projets de la communauté d'agglomération, et ceux de la revue « Entre nous », destinée aux seuls agents de la commune, ne peuvent, eu égard à leur contenu ou à leur diffusion, être regardés comme des documents de propagande électorale ; qu'il suit de là que la diffusion de différents numéros des trois revues susmentionnées ne peut être regardée comme un avantage procuré à M. Y dont le coût devrait être réintégré dans son compte de campagne ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que, si la commune a mis gracieusement à la disposition de M. Y une salle municipale, le même avantage a été accordée à Mme X ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, d'inclure dans le compte de campagne de M. Y les sommes qui correspondraient à l'utilisation de cette salle ; qu'il y a lieu, en revanche, d'inclure le coût de réalisation du carton d'invitation à la réunion de déclaration de candidature de M. Y, soit 18,15 euros selon les dires non contestés de l'intéressé, et le coût de la diffusion de ce carton d'invitation, qui peut être évalué à 45 euros ; Considérant qu'il est constant que le coût de la lettre de candidature diffusée par M. Y figure déjà dans le compte de campagne de l'intéressé ; qu'il n'est pas contesté que les réunions publiques de présentation du budget de la commune ont lieu tous les ans à la même époque et qu'il ne résulte pas de l'instruction que celles qui ont été conduites au premier trimestre de 2004 auraient été détournées à des fins de propagande électorale ; qu'il est constant que les photographies appartenant à la commune qui ont été utilisées dans les documents de campagne de M. Y ont été acquises par celuici au tarif fixé par la régie municipale chargée d'en assurer la commercialisation ; que l'adresse électronique du maire, destinée à permettre aux usagers de s'adresser aux services de la commune, ne peut être regardée comme un équipement à caractère électoral dont le coût devrait être réintégré dans le compte de campagne ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de réintégrer la somme de 63,15 euros dans le compte de campagne de M. Y ; que, compte tenu des dépenses déjà retracées dans ce compte pour un montant de 17 342 euros, le montant final des dépenses de campagne de M. Y est inférieur au plafond prévu à l'article L. 5211 du code électoral fixé en l'espèce à 19 209 euros ; que, par suite, c'est à tort que, pour annuler les opérations électorales et prononcer son inéligibilité, le tribunal administratif de Dijon s'est fondé sur ce que M. Y aurait méconnu les dispositions de cet article ; Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres griefs soulevés par Mme X dans sa protestation ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y n'a bénéficié pour sa campagne d'aucun avantage procuré par la commune de Dijon ou par la communauté d'agglomération en méconnaissance des dispositions de l'article L. 528 du code électoral ; que le grief tiré de la violation de ces dispositions doit, par suite, être écarté ; Considérant que, si Mme X soutient que la commune aurait tardé à lui donner communication de la liste électorale, il ne résulte pas de l'instruction que le caractère tardif de cette communication, à supposer qu'il soit établi, serait constitutif d'une manoeuvre ayant entaché la sincérité du scrutin ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées le 28 mars 2004 en vue de la désignation du conseiller général du canton de Dijon V et l'a déclaré inéligible aux fonctions de conseiller général pour une durée d'un an ; Sur le recours incident de Mme X : Considérant que Mme X demande au Conseil d'Etat, d'une part, de juger que M. Y ne peut prétendre au remboursement de ses dépenses de campagne et, d'autre part, de saisir la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques pour que celleci fixe, en application des dispositions de l'article L. 5215 du code électoral, le montant du dépassement que M. Y devrait verser au Trésor public ; que les conclusions formulées de ce chef ont le caractère d'un recours incident qui, en matière électorale, est irrecevable ; Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 7611 du code de justice administrative : Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. Y, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme X demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme X la somme que M. Y demande à ce même titre ;
D E C I D E : -------------- Article 1er : L'élection de M. Y en qualité de conseiller général du canton de Dijon V est validé. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 19 octobre 2004 est annulé. Article 3 : La protestation de Mme X devant le tribunal administratif de Dijon et son recours incident devant le Conseil d'Etat sont rejetés. Article 4 : Les conclusions de M. Y et de Mme X tendant à l'application de l'article L. 7611 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. François Y, à Mme Katherine X, à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Sur la requête de M. Y : Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 524, L. 5211 et L. 5212 du code électoral que les dépenses électorales engagées par un candidat ou pour son compte dans l'année qui précède le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où l'élection est acquise doivent être retracées de façon exhaustive dans un compte de campagne et sont soumises à un plafond institué par la loi ; que l'article L. 528 du même code interdit que des personnes morales autres que des partis ou groupements politiques puissent participer au financement de la campagne d'un candidat en lui consentant des dons ou en lui fournissant des biens, services ou avantages à des prix inférieurs à ceux habituellement pratiqués ; qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 5215 et L. 1183 du même code, lorsque le juge de l'élection rejette le compte de campagne d'un candidat pour un autre motif que le dépassement du plafond des dépenses, il peut prononcer l'inéligibilité du candidat pour un an ou ne pas prononcer d'inéligibilité lorsque la bonne foi du candidat est établie ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que ni le format ni la périodicité de la revue municipale « Dijon notre ville » n'ont été modifiés pendant la période prévue à l'article L. 524 du code électoral ; que les extraits à caractère local de cette revue mentionnés par Mme X dans sa protestation se bornent à traiter, sous forme d'éditoriaux du maire, ou d'articles, de la situation de la commune et des réalisations de la municipalité, sans excéder l'objet habituel d'une telle publication et sans faire référence aux élections cantonales ; que la circonstance que les éditoriaux et plusieurs autres passages soient accompagnés de photographies de M. Y ne suffit pas par ellemême à conférer à ces extraits un caractère de propagande électorale ; que les passages de la revue relatifs à des sujets de politique nationale ne peuvent, eu égard aux thèmes abordés et au ton employé, être regardés comme ayant un tel caractère ; que les numéros de la revue « Grand Dijon », qui contiennent une description principalement technique des réalisations et projets de la communauté d'agglomération, et ceux de la revue « Entre nous », destinée aux seuls agents de la commune, ne peuvent, eu égard à leur contenu ou à leur diffusion, être regardés comme des documents de propagande électorale ; qu'il suit de là que la diffusion de différents numéros des trois revues susmentionnées ne peut être regardée comme un avantage procuré à M. Y dont le coût devrait être réintégré dans son compte de campagne ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que, si la commune a mis gracieusement à la disposition de M. Y une salle municipale, le même avantage a été accordée à Mme X ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, d'inclure dans le compte de campagne de M. Y les sommes qui correspondraient à l'utilisation de cette salle ; qu'il y a lieu, en revanche, d'inclure le coût de réalisation du carton d'invitation à la réunion de déclaration de candidature de M. Y, soit 18,15 euros selon les dires non contestés de l'intéressé, et le coût de la diffusion de ce carton d'invitation, qui peut être évalué à 45 euros ; Considérant qu'il est constant que le coût de la lettre de candidature diffusée par M. Y figure déjà dans le compte de campagne de l'intéressé ; qu'il n'est pas contesté que les réunions publiques de présentation du budget de la commune ont lieu tous les ans à la même époque et qu'il ne résulte pas de l'instruction que celles qui ont été conduites au premier trimestre de 2004 auraient été détournées à des fins de propagande électorale ; qu'il est constant que les photographies appartenant à la commune qui ont été utilisées dans les documents de campagne de M. Y ont été acquises par celuici au tarif fixé par la régie municipale chargée d'en assurer la commercialisation ; que l'adresse électronique du maire, destinée à permettre aux usagers de s'adresser aux services de la commune, ne peut être regardée comme un équipement à caractère électoral dont le coût devrait être réintégré dans le compte de campagne ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de réintégrer la somme de 63,15 euros dans le compte de campagne de M. Y ; que, compte tenu des dépenses déjà retracées dans ce compte pour un montant de 17 342 euros, le montant final des dépenses de campagne de M. Y est inférieur au plafond prévu à l'article L. 5211 du code électoral fixé en l'espèce à 19 209 euros ; que, par suite, c'est à tort que, pour annuler les opérations électorales et prononcer son inéligibilité, le tribunal administratif de Dijon s'est fondé sur ce que M. Y aurait méconnu les dispositions de cet article ; Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres griefs soulevés par Mme X dans sa protestation ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y n'a bénéficié pour sa campagne d'aucun avantage procuré par la commune de Dijon ou par la communauté d'agglomération en méconnaissance des dispositions de l'article L. 528 du code électoral ; que le grief tiré de la violation de ces dispositions doit, par suite, être écarté ; Considérant que, si Mme X soutient que la commune aurait tardé à lui donner communication de la liste électorale, il ne résulte pas de l'instruction que le caractère tardif de cette communication, à supposer qu'il soit établi, serait constitutif d'une manoeuvre ayant entaché la sincérité du scrutin ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées le 28 mars 2004 en vue de la désignation du conseiller général du canton de Dijon V et l'a déclaré inéligible aux fonctions de conseiller général pour une durée d'un an ; Sur le recours incident de Mme X : Considérant que Mme X demande au Conseil d'Etat, d'une part, de juger que M. Y ne peut prétendre au remboursement de ses dépenses de campagne et, d'autre part, de saisir la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques pour que celleci fixe, en application des dispositions de l'article L. 5215 du code électoral, le montant du dépassement que M. Y devrait verser au Trésor public ; que les conclusions formulées de ce chef ont le caractère d'un recours incident qui, en matière électorale, est irrecevable ; Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 7611 du code de justice administrative : Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. Y, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme X demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme X la somme que M. Y demande à ce même titre ;
D E C I D E : -------------- Article 1er : L'élection de M. Y en qualité de conseiller général du canton de Dijon V est validé. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 19 octobre 2004 est annulé. Article 3 : La protestation de Mme X devant le tribunal administratif de Dijon et son recours incident devant le Conseil d'Etat sont rejetés. Article 4 : Les conclusions de M. Y et de Mme X tendant à l'application de l'article L. 7611 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. François Y, à Mme Katherine X, à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.