Conseil d'Etat, 10ème et 9ème sous-sections réunies, du 27 juillet 2005, 263714, mentionné aux tables du recueil Lebon
Conseil d'Etat, 10ème et 9ème sous-sections réunies, du 27 juillet 2005, 263714, mentionné aux tables du recueil Lebon
Conseil d'Etat - 10EME ET 9EME SOUS-SECTIONS REUNIES
statuant
au contentieux
- N° 263714
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
mercredi
27 juillet 2005
- Président
- M. Martin
- Rapporteur
- M. Jean-Claude Hassan
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le recours, enregistré le 20 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par la MINISTRE DE L'OUTRE-MER ; la MINISTRE DE L'OUTRE-MER demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 8 octobre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 12 octobre 1999 du tribunal administratif de Papeete ainsi que les arrêtés du haut-commissaire de la République en Polynésie française du 7 octobre 1998 portant annulation des arrêtés du 24 août 1998 du maire de la commune de HITIA'A O TE RA ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
Vu le code pénal, notamment son article 432-12 ;
Vu la loi n° 77-1460 du 29 décembre 1977 modifiée notamment par la loi n° 96-609 du 5 juillet 1996 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Hassan, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. X... Donnat, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la MINISTRE DE L'OUTRE-MER se pourvoit en cassation contre un arrêt du 8 octobre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé un jugement du 12 octobre 1999 du tribunal administratif de Papeete ainsi que les arrêtés du haut-commissaire de la République en Polynésie française du 7 octobre 1998 portant annulation des arrêtés du 24 août 1998 par lesquels le maire de la commune de HITIA'A O TE RA a recruté à titre permanent MM. Z... et Y... en qualité d'agents communaux ; Considérant, en premier lieu, que le juge administratif est compétent pour examiner la légalité des décisions d'une autorité administrative au regard des dispositions de l'article 432-12 du code pénal ; qu'ainsi la cour administrative de Paris était compétente pour examiner la légalité des arrêtés par lesquels le haut-commissaire de la République en Polynésie française a annulé, comme contraires à ces dispositions, les arrêtés du maire de HITIA'A O TE RA portant engagement des enfants de deux de ses adjoints ; Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 432-12 du code pénal dans sa rédaction applicable en Polynésie française : Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou en partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 F d'amende ; Considérant que, pour annuler le jugement du 12 octobre 1999 du tribunal administratif de Papeete ainsi que les arrêtés des 7 et 14 octobre du haut-commissaire de la République en Polynésie française, la cour administrative d'appel de Paris s'est fondée sur ce que la décision de nommer à un emploi public un membre de sa famille par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public ne constitue pas une prise illégale d'intérêts au sens des dispositions de l'article 432-12 du code pénal ; ; Considérant toutefois que le délit prévu par ces dispositions peut être caractérisé par la prise d' un intérêt matériel ou moral, direct ou indirect ; que le fait pour un élu chargé d'assurer la surveillance ou l'administration de l'exécution du budget de la commune de recruter ou de faire recruter un de ses enfants sur un emploi de la commune est susceptible d'exposer cet élu à l'application des dispositions de l'article 432-12 du code pénal ; qu'ainsi en excluant, par principe, qu'un tel recrutement puisse relever de ces dispositions et en annulant pour ce motif le jugement du 12 octobre 2003 du tribunal administratif de Papeete, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ; qu'il y a lieu, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par la ministre de l'outre-mer, d'annuler pour ce motif l'arrêt du 8 octobre 2003 de la cour administrative d'appel de Paris ; Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ; Sur la régularité du jugement du tribunal administratif : Considérant qu'après avoir cité les dispositions de l'article 43212 du code pénal et avoir précisé que le maire ou les adjoints agissant dans le cadre de leur délégation ne peuvent légalement prendre un acte qui, ayant pour objet un contrat d'engagement de personnel communal, exposerait directement ces élus à l'application de l'article 432-12 du code pénal, le tribunal administratif a relevé que les arrêtés du haut-commissaire de la République prononçant l'annulation des arrêtés du maire de HITIA'A O TE RA portant recrutement de MM. Z... et Y... étaient fondés sur le motif de la filiation des intéressés avec des maires-adjoints de la commune puis jugé qu'il résultait des dispositions de l'article 432-12 du code pénal que l'autorité de tutelle pouvait légalement prononcer l'annulation des actes de recrutement litigieux pour ce motif ; qu'en statuant ainsi le tribunal administratif a suffisamment motivé son jugement ; que la commune de HITIA'A O TE RA n'est pas fondée à soutenir que celui-ci serait irrégulier ; Sur la légalité des arrêtés du haut-commissaire de la République en Polynésie française du 7 octobre 1998 : Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par deux arrêtés du 24 août 1998, le maire de la commune de HITIA'A O TE RA a recruté par contrat en qualité d'agents communaux permanents les fils de deux de ses adjoints sans qu'aucune publicité ait été donnée aux postes à pourvoir ni qu'aucune procédure d'examen des candidats ait été organisée ; que, par un arrêté du même jour, l'un de ces adjoints recrutait en cette même qualité le fils du maire ; que ces actes, compte tenu des conditions de leur intervention, étaient de nature à exposer ces élus à l'application des dispositions de l'article 432-12 du code pénal et étaient de ce fait entachés d'illégalité ; que dès lors le haut-commissaire de la République en Polynésie française pouvait légalement en prononcer l'annulation pour ce motif ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de HITIA'A O TE RA n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ; Sur les conclusions de la commune de HITIA'A O TE RA tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la somme demandée par la commune soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ;
D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt du 8 octobre 2003 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé. Article 2 : La requête présentée par la commune de HITIA'A O TE RA devant la cour administrative de Paris est rejetée. Article 3 : La présente décision sera notifiée à la MINISTRE DE L'OUTRE-MER et à la commune de HITIA'A O TE RA.
Considérant que la MINISTRE DE L'OUTRE-MER se pourvoit en cassation contre un arrêt du 8 octobre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé un jugement du 12 octobre 1999 du tribunal administratif de Papeete ainsi que les arrêtés du haut-commissaire de la République en Polynésie française du 7 octobre 1998 portant annulation des arrêtés du 24 août 1998 par lesquels le maire de la commune de HITIA'A O TE RA a recruté à titre permanent MM. Z... et Y... en qualité d'agents communaux ; Considérant, en premier lieu, que le juge administratif est compétent pour examiner la légalité des décisions d'une autorité administrative au regard des dispositions de l'article 432-12 du code pénal ; qu'ainsi la cour administrative de Paris était compétente pour examiner la légalité des arrêtés par lesquels le haut-commissaire de la République en Polynésie française a annulé, comme contraires à ces dispositions, les arrêtés du maire de HITIA'A O TE RA portant engagement des enfants de deux de ses adjoints ; Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 432-12 du code pénal dans sa rédaction applicable en Polynésie française : Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou en partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 F d'amende ; Considérant que, pour annuler le jugement du 12 octobre 1999 du tribunal administratif de Papeete ainsi que les arrêtés des 7 et 14 octobre du haut-commissaire de la République en Polynésie française, la cour administrative d'appel de Paris s'est fondée sur ce que la décision de nommer à un emploi public un membre de sa famille par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public ne constitue pas une prise illégale d'intérêts au sens des dispositions de l'article 432-12 du code pénal ; ; Considérant toutefois que le délit prévu par ces dispositions peut être caractérisé par la prise d' un intérêt matériel ou moral, direct ou indirect ; que le fait pour un élu chargé d'assurer la surveillance ou l'administration de l'exécution du budget de la commune de recruter ou de faire recruter un de ses enfants sur un emploi de la commune est susceptible d'exposer cet élu à l'application des dispositions de l'article 432-12 du code pénal ; qu'ainsi en excluant, par principe, qu'un tel recrutement puisse relever de ces dispositions et en annulant pour ce motif le jugement du 12 octobre 2003 du tribunal administratif de Papeete, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ; qu'il y a lieu, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par la ministre de l'outre-mer, d'annuler pour ce motif l'arrêt du 8 octobre 2003 de la cour administrative d'appel de Paris ; Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ; Sur la régularité du jugement du tribunal administratif : Considérant qu'après avoir cité les dispositions de l'article 43212 du code pénal et avoir précisé que le maire ou les adjoints agissant dans le cadre de leur délégation ne peuvent légalement prendre un acte qui, ayant pour objet un contrat d'engagement de personnel communal, exposerait directement ces élus à l'application de l'article 432-12 du code pénal, le tribunal administratif a relevé que les arrêtés du haut-commissaire de la République prononçant l'annulation des arrêtés du maire de HITIA'A O TE RA portant recrutement de MM. Z... et Y... étaient fondés sur le motif de la filiation des intéressés avec des maires-adjoints de la commune puis jugé qu'il résultait des dispositions de l'article 432-12 du code pénal que l'autorité de tutelle pouvait légalement prononcer l'annulation des actes de recrutement litigieux pour ce motif ; qu'en statuant ainsi le tribunal administratif a suffisamment motivé son jugement ; que la commune de HITIA'A O TE RA n'est pas fondée à soutenir que celui-ci serait irrégulier ; Sur la légalité des arrêtés du haut-commissaire de la République en Polynésie française du 7 octobre 1998 : Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par deux arrêtés du 24 août 1998, le maire de la commune de HITIA'A O TE RA a recruté par contrat en qualité d'agents communaux permanents les fils de deux de ses adjoints sans qu'aucune publicité ait été donnée aux postes à pourvoir ni qu'aucune procédure d'examen des candidats ait été organisée ; que, par un arrêté du même jour, l'un de ces adjoints recrutait en cette même qualité le fils du maire ; que ces actes, compte tenu des conditions de leur intervention, étaient de nature à exposer ces élus à l'application des dispositions de l'article 432-12 du code pénal et étaient de ce fait entachés d'illégalité ; que dès lors le haut-commissaire de la République en Polynésie française pouvait légalement en prononcer l'annulation pour ce motif ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de HITIA'A O TE RA n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ; Sur les conclusions de la commune de HITIA'A O TE RA tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la somme demandée par la commune soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ;
D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt du 8 octobre 2003 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé. Article 2 : La requête présentée par la commune de HITIA'A O TE RA devant la cour administrative de Paris est rejetée. Article 3 : La présente décision sera notifiée à la MINISTRE DE L'OUTRE-MER et à la commune de HITIA'A O TE RA.