Conseil d'Etat, 7ème et 5ème sous-sections réunies, du 24 septembre 2003, 240604, mentionné aux tables du recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 novembre 2001 et 27 mars 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COOPERATIVE DE CONSOMMATION DES ADHERENTS DE LA MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE (CAMIF), dont le siège est à Trévins de Chauray à Niort Cedex 09 (79045), représentée par son président en exercice ; la COOPERATIVE DE CONSOMMATION DES ADHERENTS DE LA MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2001-887 du 28 septembre 2001 modifiant le décret n° 85-801 du 30 juillet 1985 relatif au statut et au fonctionnement de l'union des groupements d'achats publics (UGAP) ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 46 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la communauté européenne ;

Vu la directive n° 93/36/CEE du conseil des communautés européennes du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures modifiée ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christnacht, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de la COOPERATIVE DE CONSOMMATION DES ADHERENTS DE LA MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE,

- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;


Considérant que la COOPERATIVE DE CONSOMMATION DES ADHERENTS DE LA MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE (CAMIF) demande l'annulation du décret du 28 septembre 2001 modifiant le décret du 30 juillet 1985 relatif au statut et au fonctionnement de l'union des groupements d'achats publics (UGAP) ;

Considérant qu'aux termes de l'article 9 du code des marchés publics : L'Union des groupements d'achats publics, à laquelle l'Etat et les collectivités territoriales peuvent demander d'effectuer leurs achats de fournitures et de services, est soumise, sous réserve des dispositions qui lui sont propres, au présent code ; que l'article 25 du décret attaqué aménage certaines dispositions du code des marchés publics applicables à l'UGAP ;

Considérant que les auteurs du décret attaqué tenaient du décret du 12 novembre 1938 compétence pour fixer les règles applicables aux groupements de commande regroupant l'UGAP et des collectivités territoriales, pour la passation de marchés de fournitures au profit de ces collectivités ; que, par ailleurs, ni l'article 34 de la Constitution, ni aucune autre règle de valeur constitutionnelle n'exige que les conditions de passation des marchés et contrats passés par l'Etat soient définis par la loi ;

Considérant qu'il découle tant de l'ordonnance du 1er décembre 1986 que des stipulations du traité ayant institué la communauté européenne, notamment de son article 90 (devenu, après modification, l'article 86 CE), que doivent être respectés le principe de libre concurrence et les exigences de l'égal accès aux marchés publics ; que, pour permettre à l'UGAP de remplir sa mission de service public consistant à centraliser les achats et commandes des personnes publiques et des personnes privées investies d'une mission de service public dans les meilleures conditions de coût et de qualité, à prodiguer à ces personnes et organismes l'assistance technique dont ils peuvent avoir besoin en matière d'équipement et d'approvisionnement et à apporter son concours à des exportations d'intérêt général, le pouvoir réglementaire peut légalement aménager les règles du code des marchés publics ; que, toutefois, l'intérêt général qui s'attache au bon accomplissement des missions de l'UGAP ne saurait, sans méconnaître les exigences de l'égal accès aux marchés publics et le principe de libre concurrence, justifier l'octroi de droits exclusifs à l'UGAP que dans la mesure où l'accomplissement de la mission particulière qui a été impartie à cette dernière ne peut être assuré que par l'octroi de tels droits et pour autant que le développement des échanges n'en est pas affecté dans une mesure excessive ; que, d'une part, les dispositions de l'article 1er du décret attaqué, en tant qu'elles fixent, pour les contrats de commande passés entre l'UGAP et l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial, des seuils supérieurs à celui prévu à l'article 28 du code des marchés publics pour la passation de marchés sans formalités préalables, ne sont pas de nature, eu égard à leur portée, à méconnaître le principe de libre concurrence et les exigences de l'égal accès aux marchés publics dès lors que les clients de l'UGAP disposent de la faculté de s'adresser à d'autres fournisseurs ; que, d'autre part, les dispositions du même article qui définissent le rôle de l'UGAP dans le cadre des groupements de commandes qu'elle peut constituer avec l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial, et qui lui réservent notamment la fonction de coordonnateur de ces groupements, lui permettent de remplir sa mission de service public et ne sont pas davantage de nature, eu égard à leur portée, à méconnaître le principe de libre concurrence et les exigences de l'égal accès aux marchés publics ;

Considérant que si le décret attaqué prévoit que l'UGAP peut, soit passer des contrats de commande avec l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial, contrats qui sont soumis aux dispositions du code des marchés publics, soit constituer avec ces personnes des groupements de commandes prévus à l'article 8 du code des marchés publics, en étant alors systématiquement coordonnateur de ces groupements, il n'a ni pour objet ni pour effet de mettre l'UGAP en position de répondre elle-même à un appel d'offres qu'elle lancerait en sa qualité de coordonnateur d'un groupement ou d'évincer systématiquement des candidats à un tel appel d'offres qui seraient par ailleurs ses concurrents dans le cadre de marchés lancés directement par ces personnes publiques ; que par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaîtrait les objectifs de la directive n°93/36/CEE du conseil des communautés européennes du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures modifiée doit être écarté ;

Considérant que le décret attaqué ne comporte aucune disposition qui contreviendrait aux articles 43 et 49 du traité instituant la communauté européenne, relatifs respectivement à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre et à la liberté de prestations des services à l'intérieur de la Communauté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COOPERATIVE DE CONSOMMATION DES ADHERENTS DE LA MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE n'est pas fondée à demander l'annulation du décret attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée par la COOPERATIVE DE CONSOMMATION DES ADHERENTS DE LA MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE sur leur fondement ;


D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la COOPERATIVE DE CONSOMMATION DES ADHERENTS DE LA MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la COOPERATIVE DE CONSOMMATION DES ADHERENTS DE LA MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE, à l'union des groupements d'achats publics, au Premier ministre et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


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