Conseil d'Etat, 8ème et 3ème sous-sections réunies, du 24 septembre 2003, 237990, mentionné aux tables du recueil Lebon
Conseil d'Etat, 8ème et 3ème sous-sections réunies, du 24 septembre 2003, 237990, mentionné aux tables du recueil Lebon
Conseil d'Etat - 8EME ET 3EME SOUS-SECTIONS REUNIES
statuant
au contentieux
- N° 237990
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
mercredi
24 septembre 2003
- Président
- M. Labetoulle
- Rapporteur
- M. Frédéric Bereyziat
- Avocat(s)
- SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 septembre 2001 et 4 janvier 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE, dont le siège est chez Me Alain X..., liquidateur judiciaire, ..., représentée par son gérant en exercice ; la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 5 juillet 2001 de la cour administrative d'appel de Nancy en tant que celui-ci a rejeté ses requêtes tendant à l'annulation des jugements du 27 mai 1997 du tribunal administratif de Nancy rejetant ses demandes en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 1989 à 1992, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er décembre 1988 au 31 août 1992, ainsi que des pénalités afférentes auxdites impositions ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré présentée le 5 septembre 2003 pour la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le premier protocole additionnel à cette convention ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bereyziat, Auditeur,
- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE, qui exploite une pizzeria à Nancy, a fait l'objet, en 1992 et 1993, de vérifications de sa comptabilité au titre des exercices clos, respectivement, de 1989 à 1991 et en 1992 ; que l'administration a procédé, en vertu d'ordonnances rendues les 29 janvier 1992 et 11 mars 1993 par le président du tribunal de grande instance de Dijon sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, à plusieurs visites et saisies réalisées notamment auprès des dirigeants de cette société, le 29 janvier 1992, et de son fournisseur la SA Sofapates, le 15 mars 1993 ; que la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE a contesté devant le tribunal administratif de Nancy, puis devant la cour administrative d'appel de Nancy, les redressements qui lui ont été notifiés au titre des exercices clos de 1989 à 1992, en matière d'impôt sur les sociétés, et au titre de la période du 1er septembre 1988 au 31 août 1992, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que les pénalités y afférentes qui lui ont été appliquées en vertu des articles 1763 A et 1729-1 du code général des impôts ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 5 juillet 2001 par lequel la cour administrative de Nancy a, d'une part, jugé n'y avoir plus lieu de statuer sur celles de ses conclusions relatives aux pénalités appliquées en vertu de l'article 1763 A du code général des impôts, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de ses requêtes ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la cour a omis de répondre aux moyens tirés par la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE de ce que, dans les jugements contestés devant elle, le tribunal administratif avait, d'une part, omis de répondre au moyen tiré de ce que le contrôle de la caisse enregistreuse du contribuable effectué par l'administration fiscale le 29 janvier 1993 n'avait pu légalement se fonder sur les dispositions des articles L. 13 et L. 47 A du livre des procédures fiscales, d'autre part, insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de ce que ledit contrôle aurait constitué une visite et saisie déguisée ; que, par suite, la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE, qui a contesté la régularité de l'arrêt de la cour dès son recours sommaire, est recevable et fondée à soutenir que cet arrêt est entaché d'irrégularité, en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de ses requêtes et doit, dans cette mesure, être annulé ; Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ; Sur les conclusions de la requête relatives aux pénalités dégrevées : Considérant que par une décision intervenue en cours d'instance, le directeur des services fiscaux de la Meurthe-et-Moselle a accordé à la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE le dégrèvement des intérêts de retard qui lui ont été appliqués, tant en matière d'impôt sur les sociétés, sur le fondement de l'article 1729-1 du code général des impôts et à hauteur de 32 409 F au titre de l'année 1989, 21 857 F au titre de l'année 1990, 15 356 F au titre de l'année 1991 et 7 012 F au titre de l'année 1992, qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à hauteur de 72 892 F au titre de l'ensemble de la période vérifiée ; que la requête enregistrée au greffe de la cour sous le n° 97NC01403 est devenue, dans cette mesure, sans objet ; qu'il n'y a, par suite, pas lieu d'y statuer ; Sur les autres conclusions des requêtes présentées par la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE devant la cour administrative d'appel de Nancy : Sur la régularité des jugements attaqués : Considérant, d'une part, qu'en jugeant que la caisse enregistreuse de la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE avait pu régulièrement être contrôlée par le vérificateur le 29 janvier 1993 en qualité de justificatif des écritures comptables, alors même qu'elle ne faisait pas partie du système de comptabilité informatisé de la société, le tribunal administratif a suffisamment répondu au moyen tiré par la requérante de ce qu'un tel contrôle ne pouvait légalement se fonder sur les dispositions des articles L. 13 et L. 47 A du livre des procédures fiscales relatives au contrôle des systèmes comptables informatisés ; Considérant, d'autre part, qu'en écartant par les mêmes motifs le moyen tiré de ce que ledit contrôle présentait les caractères d'une visite et saisie relevant de la procédure prévue par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, le tribunal administratif a suffisamment motivé ses jugements ; Sur la régularité de la procédure d'imposition : Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne résulte pas de l'arrêté ministériel du 24 mai 1982 que l'inspecteur de la Direction des vérifications nationales et internationales, qui a assisté le vérificateur lors du contrôle effectué le 29 janvier 1993 dans les locaux de la société requérante, aurait été incompétent pour ce faire, eu égard au montant du chiffre d'affaires annuel de la contribuable ; que la requérante ne peut utilement se prévaloir, sur le seul fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative énoncée par des notes des 4 mars 1988 et 24 septembre 1990, dès lors que celles-ci sont relatives à la procédure d'imposition ; Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le contrôle effectué par l'administration fiscale le 29 janvier 1993 sur la caisse enregistreuse de la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE se rattachait aux opérations de vérification de la comptabilité de la société prévues à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales et commencées le 27 septembre 1992 ; que, dès lors, la société ne peut utilement soutenir que l'administration se serait à tort fondée, à l'occasion de ce contrôle, sur les dispositions des articles L. 13 (2ème alinéa) et L. 47 A du livre des procédures fiscales ; Considérant, en troisième lieu, que si la requérante soutient que le contrôle de sa caisse enregistreuse constituait en réalité une visite et saisie déguisée, qui ne pouvait être effectuée que dans le cadre de la procédure prévue par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, il résulte toutefois de l'instruction qu'à l'occasion de ce contrôle, l'administration n'a procédé à aucune saisie de document comptable ou de pièces justificatives de la comptabilité ; qu'ainsi le détournement de procédure allégué n'est pas établi ; Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment des notifications de redressements du 18 mai 1993, que la minoration des recettes motivant les redressements litigieux a été établie à partir des relevés informatiques de factures libellées au nom de la requérante que l'administration a recueillis au cours de visites et saisies réalisées auprès des sociétés Financière Jolimat, le 29 janvier 1992, et Sofapates, le 15 mars 1993, en vertu d'ordonnances rendues, respectivement, les 24 janvier 1992 et 11 mars 1993 par le président du tribunal de grande instance de Dijon sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ; que ces relevés informatiques ont été joints par le vérificateur à sa réponse du 6 octobre 1993 aux observations du contribuable ; qu'en revanche, les quatre documents qui auraient été saisis par ailleurs auprès d'autres sociétés et dont la requérante aurait demandé en vain la communication à l'administration, ne peuvent, quant à eux, être regardés comme ayant fondé les redressements litigieux et ne sont d'ailleurs pas mentionnés dans les notifications de redressements ; qu'ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les redressements auraient procédé d'informations recueillies par l'administration dans le cadre de l'exercice de son droit de communication et dont la communication lui aurait été refusée ; Considérant que la requérante conteste, en cinquième lieu, par voie d'exception, la régularité de l'ordonnance susmentionnée rendue le 11 mars 1993 par le président du tribunal de grande instance de Dijon, autorisant l'administration fiscale à procéder à une visite et saisie dans les locaux de son fournisseur, la société Sofapates, et par voie de conséquence la régularité des opérations de visite et saisie ainsi autorisés ; que, toutefois, l'éventuelle irrégularité d'une opération de visite et de saisie menée à l'encontre d'une personne morale en application des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ne fait pas obstacle à ce que l'administration, dans une procédure distincte concernant un autre contribuable, se fonde sur les faits révélés par l'opération annulée pour établir l'imposition de ce dernier, sauf s'il ressort de la demande d'autorisation de visite et de saisie adressée au juge par l'administration, ou de tout autre document, que celle-ci cherchait en réalité à obtenir par la visite et la saisie, et alors même que ces opérations n'auraient pas visé des lieux dont le contribuable avait personnellement la disposition, des éléments lui permettant d'apporter la preuve des agissements de l'intéressé pour éluder l'impôt ; qu'en l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que la demande de visite et saisie dans les locaux de la société Sofapates aurait visé à démontrer la fraude de la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE ; que, par suite, la requérante ne peut utilement invoquer l'irrégularité de l'ordonnance autorisant ces opérations, ni davantage l'irrégularité de ces opérations elles-mêmes ; que pour les mêmes raisons, les moyens tirés par la requérante de ce que son éventuel pourvoi devant la cour de cassation contre l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de Dijon eût été jugé irrecevable, et qu'elle serait ainsi privée de recours contre une procédure dont ont procédé les redressements litigieux, en violation du principe constitutionnel du droit au recours juridictionnel et des stipulations des articles 6-1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du 1er protocole additionnel à cette convention, sont également inopérants ; Considérant, en sixième lieu, que si la requérante allègue une méconnaissance de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, résultant de ce qu'elle n'aurait pu obtenir l'entrevue avec l'inspecteur principal prévue par cette charte en cas de désaccord avec le vérificateur, il est néanmoins constant que la société n'a pas donné suite aux deux propositions de rendez-vous formulées par le vérificateur à son intention et à celle de ses conseils ; qu'ainsi, le moyen allégué manque en fait ; Sur le bien-fondé des impositions : Considérant qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que les recettes quotidiennes de l'établissement faisaient l'objet d'une inscription globale dans les comptes de la société, sans qu'aucune distinction soit opérée entre les divers modes de règlement et qu'ainsi aucun recoupement n'était possible avec les fiches retraçant leur répartition par mode de paiement, dont les données n'étaient pas cohérentes avec les inscriptions comptables ; qu'en se fondant sur ces constatations, l'administration a pu à bon droit regarder la comptabilité de la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE comme entachée de graves irrégularités et procéder à la reconstitution des bases de son imposition ; qu'il appartient, dès lors, à la société requérante d'établir l'exagération des bases d'imposition ainsi reconstituées, conformément à l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ; Considérant que si, pour contester la reconstitution de ses recettes de la période vérifiée à partir de la méthode des vins, la requérante fait valoir le caractère approximatif des estimations de quantités de vins vendues à la clientèle, au motif que la contenance des pichets servis était sensiblement supérieure à celle inscrite sur les menus, cette circonstance n'établit pas, à elle seule, une surestimation des ventes effectivement réalisées ; que, contrairement à ce qu'allègue la requérante, les achats occultes réintégrés dans les calculs du chiffre d'affaires ne résultent pas des seuls constats effectués dans deux sociétés du même groupe ; qu'il résulte au contraire de l'instruction que ces constats ont permis de corroborer les informations recueillies au sein de la société elle-même lors des vérifications de sa comptabilité, lesquelles avaient fait apparaître des omissions de recettes par confrontation des achats, des ventes et de l'évolution des stocks ; qu'en outre, le moyen tiré de ce que cet examen se serait limité à un seul exercice manque en fait ; qu'il résulte de ce qui précède que la requérante n'apporte pas la preuve que la méthode utilisée par l'administration serait radicalement viciée dans son principe, ni que les bases d'imposition ainsi reconstituées seraient exagérées ; Sur les pénalités : Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE a systématiquement occulté une partie très importante de ses achats et de ses ventes au cours de la période vérifiée, en particulier par la tenue de documents comptables imprécis et fallacieux, révélant ainsi une intention délibérée d'éluder l'impôt et d'en empêcher le contrôle ; que c'est, dès lors, à bon droit que l'administration a assorti les droits rappelés de la majoration de 80 % prévue, en cas de manouvres frauduleuses, par les dispositions de l'article 1729-1 du code général des impôts ; que ces dispositions, qui proportionnent les pénalités aux agissements commis par le contribuable et prévoient des taux de majoration différents selon la qualification qui peut être donnée au comportement de l'intéressé, sont compatibles avec les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors même qu'elles ne confèrent pas au juge un pouvoir de modulation du taux de ces pénalités ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes en décharge des impositions et pénalités restant en litige ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E : -------------- Article 1er : L'article 2 de l'arrêt en date du 5 juillet 2001 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé. Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requêtes présentées par la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE devant la cour administrative d'appel de Nancy, à concurrence des dégrèvements des intérêts de retard intervenus en cours d'instance, pour les montants susmentionnés. Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes présentées par la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE devant la cour administrative de Nancy et de sa requête devant le Conseil d'Etat est rejeté. Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE, qui exploite une pizzeria à Nancy, a fait l'objet, en 1992 et 1993, de vérifications de sa comptabilité au titre des exercices clos, respectivement, de 1989 à 1991 et en 1992 ; que l'administration a procédé, en vertu d'ordonnances rendues les 29 janvier 1992 et 11 mars 1993 par le président du tribunal de grande instance de Dijon sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, à plusieurs visites et saisies réalisées notamment auprès des dirigeants de cette société, le 29 janvier 1992, et de son fournisseur la SA Sofapates, le 15 mars 1993 ; que la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE a contesté devant le tribunal administratif de Nancy, puis devant la cour administrative d'appel de Nancy, les redressements qui lui ont été notifiés au titre des exercices clos de 1989 à 1992, en matière d'impôt sur les sociétés, et au titre de la période du 1er septembre 1988 au 31 août 1992, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que les pénalités y afférentes qui lui ont été appliquées en vertu des articles 1763 A et 1729-1 du code général des impôts ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 5 juillet 2001 par lequel la cour administrative de Nancy a, d'une part, jugé n'y avoir plus lieu de statuer sur celles de ses conclusions relatives aux pénalités appliquées en vertu de l'article 1763 A du code général des impôts, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de ses requêtes ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la cour a omis de répondre aux moyens tirés par la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE de ce que, dans les jugements contestés devant elle, le tribunal administratif avait, d'une part, omis de répondre au moyen tiré de ce que le contrôle de la caisse enregistreuse du contribuable effectué par l'administration fiscale le 29 janvier 1993 n'avait pu légalement se fonder sur les dispositions des articles L. 13 et L. 47 A du livre des procédures fiscales, d'autre part, insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de ce que ledit contrôle aurait constitué une visite et saisie déguisée ; que, par suite, la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE, qui a contesté la régularité de l'arrêt de la cour dès son recours sommaire, est recevable et fondée à soutenir que cet arrêt est entaché d'irrégularité, en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de ses requêtes et doit, dans cette mesure, être annulé ; Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ; Sur les conclusions de la requête relatives aux pénalités dégrevées : Considérant que par une décision intervenue en cours d'instance, le directeur des services fiscaux de la Meurthe-et-Moselle a accordé à la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE le dégrèvement des intérêts de retard qui lui ont été appliqués, tant en matière d'impôt sur les sociétés, sur le fondement de l'article 1729-1 du code général des impôts et à hauteur de 32 409 F au titre de l'année 1989, 21 857 F au titre de l'année 1990, 15 356 F au titre de l'année 1991 et 7 012 F au titre de l'année 1992, qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à hauteur de 72 892 F au titre de l'ensemble de la période vérifiée ; que la requête enregistrée au greffe de la cour sous le n° 97NC01403 est devenue, dans cette mesure, sans objet ; qu'il n'y a, par suite, pas lieu d'y statuer ; Sur les autres conclusions des requêtes présentées par la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE devant la cour administrative d'appel de Nancy : Sur la régularité des jugements attaqués : Considérant, d'une part, qu'en jugeant que la caisse enregistreuse de la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE avait pu régulièrement être contrôlée par le vérificateur le 29 janvier 1993 en qualité de justificatif des écritures comptables, alors même qu'elle ne faisait pas partie du système de comptabilité informatisé de la société, le tribunal administratif a suffisamment répondu au moyen tiré par la requérante de ce qu'un tel contrôle ne pouvait légalement se fonder sur les dispositions des articles L. 13 et L. 47 A du livre des procédures fiscales relatives au contrôle des systèmes comptables informatisés ; Considérant, d'autre part, qu'en écartant par les mêmes motifs le moyen tiré de ce que ledit contrôle présentait les caractères d'une visite et saisie relevant de la procédure prévue par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, le tribunal administratif a suffisamment motivé ses jugements ; Sur la régularité de la procédure d'imposition : Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne résulte pas de l'arrêté ministériel du 24 mai 1982 que l'inspecteur de la Direction des vérifications nationales et internationales, qui a assisté le vérificateur lors du contrôle effectué le 29 janvier 1993 dans les locaux de la société requérante, aurait été incompétent pour ce faire, eu égard au montant du chiffre d'affaires annuel de la contribuable ; que la requérante ne peut utilement se prévaloir, sur le seul fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative énoncée par des notes des 4 mars 1988 et 24 septembre 1990, dès lors que celles-ci sont relatives à la procédure d'imposition ; Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le contrôle effectué par l'administration fiscale le 29 janvier 1993 sur la caisse enregistreuse de la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE se rattachait aux opérations de vérification de la comptabilité de la société prévues à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales et commencées le 27 septembre 1992 ; que, dès lors, la société ne peut utilement soutenir que l'administration se serait à tort fondée, à l'occasion de ce contrôle, sur les dispositions des articles L. 13 (2ème alinéa) et L. 47 A du livre des procédures fiscales ; Considérant, en troisième lieu, que si la requérante soutient que le contrôle de sa caisse enregistreuse constituait en réalité une visite et saisie déguisée, qui ne pouvait être effectuée que dans le cadre de la procédure prévue par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, il résulte toutefois de l'instruction qu'à l'occasion de ce contrôle, l'administration n'a procédé à aucune saisie de document comptable ou de pièces justificatives de la comptabilité ; qu'ainsi le détournement de procédure allégué n'est pas établi ; Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment des notifications de redressements du 18 mai 1993, que la minoration des recettes motivant les redressements litigieux a été établie à partir des relevés informatiques de factures libellées au nom de la requérante que l'administration a recueillis au cours de visites et saisies réalisées auprès des sociétés Financière Jolimat, le 29 janvier 1992, et Sofapates, le 15 mars 1993, en vertu d'ordonnances rendues, respectivement, les 24 janvier 1992 et 11 mars 1993 par le président du tribunal de grande instance de Dijon sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ; que ces relevés informatiques ont été joints par le vérificateur à sa réponse du 6 octobre 1993 aux observations du contribuable ; qu'en revanche, les quatre documents qui auraient été saisis par ailleurs auprès d'autres sociétés et dont la requérante aurait demandé en vain la communication à l'administration, ne peuvent, quant à eux, être regardés comme ayant fondé les redressements litigieux et ne sont d'ailleurs pas mentionnés dans les notifications de redressements ; qu'ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les redressements auraient procédé d'informations recueillies par l'administration dans le cadre de l'exercice de son droit de communication et dont la communication lui aurait été refusée ; Considérant que la requérante conteste, en cinquième lieu, par voie d'exception, la régularité de l'ordonnance susmentionnée rendue le 11 mars 1993 par le président du tribunal de grande instance de Dijon, autorisant l'administration fiscale à procéder à une visite et saisie dans les locaux de son fournisseur, la société Sofapates, et par voie de conséquence la régularité des opérations de visite et saisie ainsi autorisés ; que, toutefois, l'éventuelle irrégularité d'une opération de visite et de saisie menée à l'encontre d'une personne morale en application des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ne fait pas obstacle à ce que l'administration, dans une procédure distincte concernant un autre contribuable, se fonde sur les faits révélés par l'opération annulée pour établir l'imposition de ce dernier, sauf s'il ressort de la demande d'autorisation de visite et de saisie adressée au juge par l'administration, ou de tout autre document, que celle-ci cherchait en réalité à obtenir par la visite et la saisie, et alors même que ces opérations n'auraient pas visé des lieux dont le contribuable avait personnellement la disposition, des éléments lui permettant d'apporter la preuve des agissements de l'intéressé pour éluder l'impôt ; qu'en l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que la demande de visite et saisie dans les locaux de la société Sofapates aurait visé à démontrer la fraude de la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE ; que, par suite, la requérante ne peut utilement invoquer l'irrégularité de l'ordonnance autorisant ces opérations, ni davantage l'irrégularité de ces opérations elles-mêmes ; que pour les mêmes raisons, les moyens tirés par la requérante de ce que son éventuel pourvoi devant la cour de cassation contre l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de Dijon eût été jugé irrecevable, et qu'elle serait ainsi privée de recours contre une procédure dont ont procédé les redressements litigieux, en violation du principe constitutionnel du droit au recours juridictionnel et des stipulations des articles 6-1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du 1er protocole additionnel à cette convention, sont également inopérants ; Considérant, en sixième lieu, que si la requérante allègue une méconnaissance de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, résultant de ce qu'elle n'aurait pu obtenir l'entrevue avec l'inspecteur principal prévue par cette charte en cas de désaccord avec le vérificateur, il est néanmoins constant que la société n'a pas donné suite aux deux propositions de rendez-vous formulées par le vérificateur à son intention et à celle de ses conseils ; qu'ainsi, le moyen allégué manque en fait ; Sur le bien-fondé des impositions : Considérant qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que les recettes quotidiennes de l'établissement faisaient l'objet d'une inscription globale dans les comptes de la société, sans qu'aucune distinction soit opérée entre les divers modes de règlement et qu'ainsi aucun recoupement n'était possible avec les fiches retraçant leur répartition par mode de paiement, dont les données n'étaient pas cohérentes avec les inscriptions comptables ; qu'en se fondant sur ces constatations, l'administration a pu à bon droit regarder la comptabilité de la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE comme entachée de graves irrégularités et procéder à la reconstitution des bases de son imposition ; qu'il appartient, dès lors, à la société requérante d'établir l'exagération des bases d'imposition ainsi reconstituées, conformément à l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ; Considérant que si, pour contester la reconstitution de ses recettes de la période vérifiée à partir de la méthode des vins, la requérante fait valoir le caractère approximatif des estimations de quantités de vins vendues à la clientèle, au motif que la contenance des pichets servis était sensiblement supérieure à celle inscrite sur les menus, cette circonstance n'établit pas, à elle seule, une surestimation des ventes effectivement réalisées ; que, contrairement à ce qu'allègue la requérante, les achats occultes réintégrés dans les calculs du chiffre d'affaires ne résultent pas des seuls constats effectués dans deux sociétés du même groupe ; qu'il résulte au contraire de l'instruction que ces constats ont permis de corroborer les informations recueillies au sein de la société elle-même lors des vérifications de sa comptabilité, lesquelles avaient fait apparaître des omissions de recettes par confrontation des achats, des ventes et de l'évolution des stocks ; qu'en outre, le moyen tiré de ce que cet examen se serait limité à un seul exercice manque en fait ; qu'il résulte de ce qui précède que la requérante n'apporte pas la preuve que la méthode utilisée par l'administration serait radicalement viciée dans son principe, ni que les bases d'imposition ainsi reconstituées seraient exagérées ; Sur les pénalités : Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE a systématiquement occulté une partie très importante de ses achats et de ses ventes au cours de la période vérifiée, en particulier par la tenue de documents comptables imprécis et fallacieux, révélant ainsi une intention délibérée d'éluder l'impôt et d'en empêcher le contrôle ; que c'est, dès lors, à bon droit que l'administration a assorti les droits rappelés de la majoration de 80 % prévue, en cas de manouvres frauduleuses, par les dispositions de l'article 1729-1 du code général des impôts ; que ces dispositions, qui proportionnent les pénalités aux agissements commis par le contribuable et prévoient des taux de majoration différents selon la qualification qui peut être donnée au comportement de l'intéressé, sont compatibles avec les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors même qu'elles ne confèrent pas au juge un pouvoir de modulation du taux de ces pénalités ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes en décharge des impositions et pénalités restant en litige ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E : -------------- Article 1er : L'article 2 de l'arrêt en date du 5 juillet 2001 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé. Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requêtes présentées par la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE devant la cour administrative d'appel de Nancy, à concurrence des dégrèvements des intérêts de retard intervenus en cours d'instance, pour les montants susmentionnés. Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes présentées par la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE devant la cour administrative de Nancy et de sa requête devant le Conseil d'Etat est rejeté. Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE PAOLO NANCEIENNE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.