Conseil d'Etat, 3ème et 8ème sous-sections réunies, du 29 décembre 2004, 251537, mentionné aux tables du recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 7 novembre 2002, 7 mars et 23 octobre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE SUISSE EN CAS D'ACCIDENTS (SUVA), dont le siège est 36, avenue de Tourbillon case postale 285 à Sion (1951) ; la CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE SUISSE EN CAS D'ACCIDENTS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 28 juin 2002 de la cour administrative d'appel de Lyon en tant qu'il a limité à 23 645,73 euros la somme que la commune de Saint-Genis-Laval (Rhône) a été condamnée à lui verser par le jugement du 19 novembre 1996 du tribunal administratif de Lyon au titre des dépenses qu'elle a exposées à la suite de l'accident dont M. X, son assuré, a été victime le 31 mai 1986 sur le terrain de football du stade municipal de la commune de Saint-Genis Laval ;

2°) de mettre à la charge de la commune la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 76-1048 du 24 novembre 1976 portant publication de la convention de sécurité sociale signée le 3 juillet 1975 entre la République française et la Confédération helvétique ;

Vu la loi fédérale suisse du 20 mars 1981 sur l'assurance accidents ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Tiberghien, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Haas, avocat de la CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE SUISSE EN CAS D'ACCIDENTS et de Me Cossa, avocat de la commune de Saint-Genis-Laval,

- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;


Considérant que par un arrêt du 28 juin 2002 la cour administrative d'appel de Lyon a retenu à hauteur d'un tiers la responsabilité de la commune de Saint-Genis-Laval dans l'accident dont a été victime M. X le 31 mai 1986, a ramené de 653 847,70 à 550 578,30 F le montant du préjudice indemnisable fixé par le tribunal administratif et alloué, sur le montant de l'indemnité de 183 526,10 F mise à la charge de la commune, une somme de 155 105, 84 F (23 645,73 euros) à la CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE SUISSE EN CAS D'ACCIDENTS (SUVA), inférieure à sa créance évaluée à 437 953,90 F par la cour, et le solde de 28 420,26 F (4 332,64 euros), à M. X ; que la SUVA demande l'annulation de cet arrêt en tant qu'il a limité à 23 645,73 euros le montant de l'indemnité que la commune a été condamnée à lui payer en soutenant que la totalité de l'indemnité de 183 526,10 F devait lui être attribuée ;

Sur le pourvoi principal :

Considérant qu'aux termes de l'article 35 de la convention de sécurité sociale conclue le 3 juillet 1975 entre la France et la Suisse : Si une personne bénéficie de prestations en vertu de la législation de l'un des Etats contractants pour un dommage résultant de faits survenus sur le territoire de l'autre Etat, les droits éventuels de l'institution débitrice à l'encontre du tiers tenu à la réparation du dommage sont réglés de la manière suivante : a) lorsque l'institution débitrice est subrogée, en vertu de la législation qu'elle pratique, dans les droits que le bénéficiaire détient à l'égard du tiers, cette subrogation est reconnue par l'autre Etat contractant ; ... Dans l'exercice de cette subrogation ou de ce droit direct, l'organisme assureur du premier Etat est assimilé à l'institution nationale correspondante ; qu'en déduisant de ces stipulations que la SUVA devait être assimilée à une caisse française de sécurité sociale et qu'il convenait, pour évaluer l'étendue de ses droits à subrogation, d'appliquer les dispositions du troisième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale plutôt que celles de la loi fédérale suisse du 20 mars 1981, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que la SUVA est dès lors fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué sur ce point ;

Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'aux termes de l'article 43 de la loi fédérale suisse du 20 mars 1981 sur l'assurance accidents applicable à l'espèce en vertu des stipulations susrappelées de l'article 35 de la convention du 3 juillet 1975 : Les droits passent à l'assureur séparément pour les prestations de même nature. Sont notamment de même nature (...) d. L'indemnité pour atteinte à l'intégrité et l'indemnité à titre de réparation morale ; que ces dispositions autorisent la caisse qui a versé des prestations ou l'assureur de la victime à exercer son droit à subrogation dans les droits de la victime à l'égard du tiers responsable sur l'ensemble des chefs de préjudice correspondant aux préjudices de caractère personnel alloués à la victime ;

Considérant qu'aucune partie au litige ne conteste devant le Conseil d'Etat ni le montant total du préjudice indemnisable, fixé à 550 578,30 F (83 935,12 euros) par la cour, ni, à l'intérieur de ce dernier, le montant du préjudice personnel de M. , fixé par la cour à 85 260,80 F (12 997,93 euros), ni le montant des créances de la SUVA, arrêté par la cour à la somme de 437 953,90 F (66 765,64 euros) ; que la SUVA est, par application des dispositions susmentionnées, en droit d'exercer son droit à subrogation sur la somme allouée par la cour à M. X au titre de ses préjudices de caractère personnel ; que le montant des créances de la SUVA excédant le montant de l'indemnité mise à la charge de la commune, soit 183 526,10 F (27 978,37 euros) compte tenu du partage de responsabilité retenu par la cour, il y a lieu de fixer le montant de la somme due à la SUVA à la totalité de cette indemnité, incluant les préjudices personnels de M. X ;

Sur le recours incident de la commune :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par la SUVA ;

Considérant que l'accident dont a été victime M. X a été causé par la chute d'une des deux cages de buts du stade municipal de Saint-Genis-Laval ; que le stade municipal, dont les cages de buts sont un des éléments, constituant un ouvrage public, la cour n'a commis aucune erreur de droit en fondant la responsabilité de la commune sur le défaut d'entretien normal de cette installation ; qu'ainsi, le recours incident de la commune doit être rejeté ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Saint-Genis Laval la somme de 3 000 euros que la CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE SUISSE EN CAS D'ACCIDENTS demande en application de ces dispositions ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que la somme que la commune de Saint-Genis-Laval demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soient mise à la charge de la CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE SUISSE EN CAS D'ACCIDENTS qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante ;


D E C I D E :

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Article 1er : Les articles 1er et 2 de l'arrêt du 28 juin 2002 de la cour administrative d'appel de Lyon sont annulés.

Article 2 : La commune de Saint-Genis-Laval est condamnée à verser à la CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE SUISSE EN CAS D'ACCIDENTS la totalité de l'indemnité de 27 978,37 euros mise à sa charge par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon en date du 28 juin 2002.

Article 3 : La commune de Saint-Genis-Laval versera à la CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE SUISSE EN CAS D'ACCIDENTS la somme de 3 000 euros par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le recours incident de la commune de Saint-Genis Laval est rejeté ainsi que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE SUISSE EN CAS D'ACCIDENTS, à la commune de Saint-Genis-Laval, à M. François X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


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