Conseil d'Etat, 2 / 1 SSR, du 14 février 2001, 220271, publié au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 25 avril 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Rihards X..., demeurant au Centre éducatif La Grange La Dame, chemin de La Grande La Dame à Montbéliard (25200) ; M. X... demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 1er février 2000 par lequel le Premier ministre a accordé son extradition aux autorités lettones ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;

Vu le code pénal ;

Vu l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mlle Verot, Auditeur,

- les observations de la SCP Gatineau, avocat de M. X...,

- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité externe :

Considérant que le décret du 1er février 2000 accordant aux autorités lettones l'extradition de M. X... rappelle l'infraction pour laquelle il est recherché par la justice lettone, précise que les faits sont punissables en droit français et ne sont pas prescrits, qu'ils n'ont pas un caractère politique, qu'il n'apparaît pas que la demande d'extradition ait été présentée aux fins de poursuivre l'intéressé pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques ; qu'il satisfait ainsi aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs ;

Considérant que s'il résulte de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 que les décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 ne peuvent intervenir qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter des observations écrites, cette disposition ne saurait être utilement invoquée à l'encontre d'un décret d'extradition, dès lors que la loi du 10 mars 1927 comporte des dispositions précises destinées à garantir les droits de la défense ;

Sur la légalité interne :

Considérant que si l'article 18 de la loi du 10 mars 1927 prévoit que l'extradé doit être mis en liberté lorsque celui-ci n'a pas été reçu par les agents de l'Etat requérant dans un délai d'un mois de la notification à celui-ci du décret d'extradition, la méconnaissance de cette disposition, qui a trait aux mesures à prendre postérieurement au décret d'extradition, est, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de ce décret ;

Considérant que le décret attaqué n'accorde l'extradition de M. X... que pour les seuls faits mentionnés dans la demande de l'Etat requérant, conformément à l'article 14 de la convention européenne d'extradition ; que M. X... n'assortit son allégation, selon laquelle les autorités lettones n'entendent pas respecter le principe de spécialité de l'extradition posé par l'article 14 de la convention européenne d'extradition, d'aucun commencement de preuve ;

Considérant qu'aux termes de l'article 37 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : "Les Etats parties veillent à ce que : ... b) Nul enfant ne soit privé de liberté de façon illégale ou arbitraire. L'arrestation, la détention ou l'emprisonnement d'un enfant doit être en conformité avec la loi, n'être qu'une mesure de dernier ressort et être d'une durée aussi brève que possible ; c) Tout enfant privé de liberté soit traité avec humanité et avec le respect dû à la dignité de la personne humaine, et d'une manière tenant compte des besoins des personnes de son âge. En particulier, tout enfant privé de liberté sera séparé des adultes, à moins que l'on n'estime préférable de ne pas le faire dans l'intérêt supérieur de l'enfant, et il a le droit de rester en contact avec sa famille par la correspondance et par les visites, sauf circonstances exceptionnelles" ; que ces stipulations, qui ne s'opposent pas, pas plus que celles de la convention européenne d'extradition, à ce qu'il soit procédé à l'extradition d'une personne mineure susceptible de faire l'objet d'une condamnation à une peine d'emprisonnement, n'ont pas été méconnues en l'espèce ; qu'il ressort, en outre, des dispositions de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante que l'extradition d'une personne mineure vers un Etat dont la loi pénale ne prendrait pas en compte la situation particulière des mineurs, serait contraire aux exigences de l'ordre public français ; que, toutefois, la loi pénale lettone prévoit des mesures alternatives à l'emprisonnement ou de réduction de peine pour les mineurs et prend ainsi en considération lasituation particulière des mineurs ; que, par suite, l'extradition de M. X... n'est pas contraire à l'ordre public français ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'extradition de M. X... exposerait celui-ci à des traitements ou peines inhumains ou dégradants, contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 1er des réserves émises par la France à la convention européenne d'extradition : "L'extradition pourra être refusée si la remise est susceptible d'avoir des conséquences d'une gravité exceptionnelle pour la personne réclamée, notamment en raison de son âge ou de son état de santé" ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les auteurs du décret aient entaché, en l'espèce, leur décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de l'extradition de M. X... sur sa situation personnelle ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation du décret du 1er février 2000 accordant son extradition aux autorités lettones ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Rihards X... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
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