Conseil d'Etat, 9 / 10 SSR, du 29 décembre 2000, 183659, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 novembre 1996 et 18 mars 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ANONYME S.E.T., dont le siège est ..., représentée par son directeur général en exercice ; la SOCIETE ANONYME S.E.T. demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 17 septembre 1996, par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, réformant le jugement du 30 août 1994 du tribunal administratif de Toulouse, a remis à sa charge les impositions supplémentaires à la taxe sur la valeur ajoutée et les pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1986 au 31 juillet 1989 ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 18 090 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mme Guilhemsans, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la SOCIETE ANONYME S.E.T.,

- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Sur l'intervention de Me X... :

Considérant que la décision à rendre sur la requête de la S.A. "Société d'exploitation textile" (SET) n'est pas susceptible de préjudicier aux droits des créanciers à la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'encontre de ladite société ; que, dès lors, l'intervention de Maître X..., mandataire judiciaire représentant ces créanciers, est irrecevable ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par une décision en date du 27 octobre 1998, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des impôts de Midi-Pyrénées a substitué les intérêts de retard aux pénalités pour mauvaise foi auxquelles la SOCIETE ANONYME S.E.T. avait été assujettie au titre de la période correspondant aux années 1987, 1988 et 1989, et a prononcé en conséquence le dégrèvement, à concurrence d'une somme de 157 450 F, des suppléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société ; que les conclusions de la requête de la SOCIETE ANONYME S.E.T. sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur les droits en principal des impositions restant en litige :

Considérant, en premier lieu, que, par un jugement du 30 août 1994, le tribunal administratif de Toulouse a accordé à la SOCIETE ANONYME S.E.T. la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1986 au 31 juillet 1989, en se fondant sur le motif que la notification de redressements du 17 novembre 1989 ne comportait aucune indication sur la méthode suivie par l'administration pour déterminer le coefficient multiplicateur appliqué aux achats et qui avait été utilisé pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société ; que la cour administrative d'appel de Bordeaux, saisie en appel par le ministre du budget, après avoir jugé, sans commettre d'erreur de droit, que le caractère suffisant de la motivation d'une notification de redressements, devait être apprécié distinctement par chef de redressement, a pu légalement en déduire que seul le chef de redressement fondé sur le coefficient multiplicateur qui était relatif aux dissimulations de chiffre d'affaires, était vicié par l'insuffisance de sa motivation ;

Considérant, en second lieu, que la Cour après avoir relevé sans dénaturer les pièces dont elle était saisie que la notification de redressements du 17 novembre 1989 mentionnait que les redressements étaient effectués selon la procédure contradictoire et que d'autres indications dans le texte de la notification précisaient clairement que la procédure contradictoire était suivie en matière de taxe sur la valeur ajoutée, a pu légalement en déduire que la rédaction de la notification n'avait pas empêché la société de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

Considérant, en troisième lieu, que la SOCIETE ANONYME S.E.T. avait soulevé devant la Cour un moyen tiré de l'existence d'une double vérification de sa comptabilité pour la période du 1er janvier au 30 novembre 1986 ; que la société indique à juste titre que la Cour a omis de répondre à ce moyen ; que, contrairement à ce que soutient le ministre chargé du budget, une telle critique de la régularité de l'arrêt attaqué, formulée dans le mémoire ampliatif présenté devant le Conseil d'Etat, est recevable dès lors que la société requérante a présenté, dans le délai du recours contentieux, un autre moyen relevant de la même cause juridique ; qu'il y a lieu en conséquence d'annuler l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur les suppléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société au titre de la période du 1er janvier 1986 au 30 novembre 1986 ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article 11 de la loi du 30 décembre 1987 et de régler l'affaire au fond ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'à l'issue d'une première vérification, portant sur l'impôt sur les sociétés des années 1984 et 1985 et la taxe sur la valeur ajoutée de la période allant du 1er janvier 1984 au 30 novembre 1986, ont été notifiées à la société requérante des impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés au titre des années 1984 et 1985 et à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er janvier 1984 au 30 novembre 1986 ; que la société a fait l'objet d'une seconde vérification de comptabilité portant sur l'impôt sur les sociétés des années 1986 à 1988 et la taxe sur la valeur ajoutée de la période allant du 1er janvier 1986 au 31 juillet 1989 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales codifiant au livre des procédures fiscales l'article 1649 septies B du code général des impôts : "Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. Toutefois, il est fait exception à cette règle lorsque la vérification a été limitée à des opérations déterminées ainsi que dans les cas prévus aux articles L. 176 en matière de taxes sur le chiffre d'affaires et ..." ; qu'aux termes du 3 de l'article 15 de la loi n° 63-1316 du 27 décembre 1963 dont les dispositions ont été codifiées successivement à l'article 1968-1 du code général des impôts puis à l'article L. 176 du livre des procédures fiscales : "En ce qui concerne les taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, le délai pendant lequel peut s'exercer le droit de répétition dont dispose l'administration a pour point de départ, nonobstant les dispositions de l'article 1649 septies B du code général des impôts, le début de la période sur laquelle s'exerce ce droit pour les impôts concernant le même contribuable visés à l'article 1966-1 du même code" ; que ces dispositions permettent à l'administration de comprendre dans une nouvelle vérification, même si cela déroge aux prescriptions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, une fraction de période d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée ayant déjà fait l'objet d'une vérification, dès lors que cette fraction se trouve incluse dans un exercice qui se situe à l'intérieur du délai de répétition prévu en matière d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés ; qu'il suit de là que c'est par une exacte application des dispositions précitées que l'administration a pu inclure dans la seconde vérification de la comptabilité portant à la fois sur l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée les opérations des onze premiers mois de l'année 1986 bien que celles-ci aient été précédemment vérifiées ; que, dans cette mesure, le ministre du budget est fondé à demander à ce que soient remis à la charge de la SOCIETE ANONYME S.E.T. les droits en principal correspondant aux chefs de redressement autres que celui tiré de la dissimulation du chiffre d'affaires, et concernant la période allant du 1er janvier au 30 novembre 1986 ;

Sur les pénalités restant en litige :

Considérant qu'en jugeant que la lettre du 10 janvier 1990, par laquelle l'administration a fait connaître à la SOCIETE ANONYME S.E.T. les pénalités dont seraient assortis les rappels de droits mis à sa charge au titre de l'année 1986, était suffisamment motivée, la Cour a porté une appréciation souveraine sur cette pièce du dossier qu'elle n'a pas dénaturée ;

Considérant que le caractère erroné, allégué par la société, des références faites par la lettre du 10 janvier 1990 aux dispositions du code général des impôts, est sans incidence sur la régularité de cet acte de procédure ; que, d'ailleurs, l'administration était fondée à se référer aux textes en vigueur à la date du fait générateur de l'imposition ;

Considérant, enfin qu'en relevant, en réponse au moyen tiré par la société de ce que l'administration aurait dû lui appliquer les dispositions moins sévères en matière de pénalités figurant dans la loi du 8 juillet 1987, que le service lui avait appliqué la pénalité de mauvaise foi au taux de 40 % prévu par cette loi, la Cour qui n'était saisie que de ce seul moyen, en a exactement déduit que le principe de l'application immédiate de la loi nouvelle moins sévère n'avait pas été méconnu ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE ANONYME S.E.T. n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur les pénalités de l'année 1986 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat, par application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, à payer à la SOCIETE ANONYME S.E.T. la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'intervention de Me X..., mandataire judiciaire représentant les créanciers à la procédure de règlement judiciaire ouverte à l'encontre de la SOCIETE ANONYME S.E.T. est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à concurrence du dégrèvement de 157 450 F accordé par l'administration.
Article 3 : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 17 septembre 1996 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur le moyen tiré par la SOCIETE ANONYME S.E.T. de l'existence d'une double vérification au titre de la période du 1er janvier au 30 novembre 1986.
Article 4 : Les impositions supplémentaires à la taxe sur la valeur ajoutée auxquelles la SOCIETE ANONYME S.E.T. a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier au 30 novembre 1986 sont remises à sa charge dans la mesure où elles correspondent aux chefs de redressement autres que celui tiré de la dissimulation du chiffre d'affaires.
Article 5 : Compte tenu des droits au principal déjà remis à la charge de la SOCIETE ANONYME S.E.T. par la cour administrative d'appel de Bordeaux au titre de la période visée par la partie de son arrêt qui n'a pas fait l'objet d'une annulation, le total des droits supplémentaires à la taxe sur la valeur ajoutée remis à la charge de la SOCIETE ANONYME S.E.T. au titre de la période allant du 1er janvier 1986 au 31 juillet 1989, y compris la période allant du 1er janvier au 30 novembre 1986, s'élève à 588 309 F.
Article 6 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 30 août 1994 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 7 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE ANONYME S.E.T. devant le tribunal administratif de Toulouse, la cour administrative d'appel de Bordeaux et le Conseil d'Etat, ainsi que le surplus des conclusions du recours du ministre de l'économie et des finances devant la cour administrative d'appel de Bordeaux sont rejetés.
Article 8 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ANONYME S.E.T., à Me X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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