Conseil d'Etat, 9 / 8 SSR, du 18 septembre 1998, 149341, inédit au recueil Lebon
Conseil d'Etat, 9 / 8 SSR, du 18 septembre 1998, 149341, inédit au recueil Lebon
Conseil d'Etat - 9 / 8 SSR
statuant
au contentieux
- N° 149341
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
vendredi
18 septembre 1998
- Rapporteur
- M. Salat-Baroux
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juin et 20 octobre 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL DIVA, dont le siège est ... ; la SARL DIVA demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 22 avril 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du 17 décembre 1991 du tribunal administratif de Paris, rejetant sa demande en décharge, d'une part, des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1982, 1983 et 1984 et, d'autre part, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 10 juin 1982 au 31 décembre 1984 ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code général des impôts ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Salat-Baroux, Maître des Requêtes, - les observations de Me Baraduc-Bénabent, avocat de la SARL DIVA, - les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
En ce qui concerne les chefs de litige ayant trait, en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés, aux prestations de services mentionnées sur les factures délivrées à la SARL DIVA par la Société SMR : Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions combinées des articles 272-2 et 283-4 du code général des impôts et de l'article 223-1 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucune marchandise ou prestation de services ou qui n'était pas le fournisseur réel de la marchandise ou de la prestation effectivement livrée ou exécutée ; que, dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et se présentait à ses clients comme assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, sans qu'il soit manifeste qu'il n'aurait pas rempli les obligations l'autorisant à faire figurer cette taxe sur ses factures, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Paris n'a pu, sans méconnaître cette règle, juger qu'il incombait à la SARL DIVA, qui exploitait à Paris une entreprise de fabrication de vêtements féminins, d'établir la réalité des prestations de services qui lui avaient été facturées par la société SMR, sans avoir recherché, après qu'elle eût cependant relevé que celle-ci était régulièrement inscrite au registre du commerce et des sociétés et qu'elle se présentait comme assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, s'il n'était pas manifeste qu'elle n'aurait pas rempli les obligations l'autorisant à faire figurer la taxe sur la valeur ajoutée sur ses factures ; Considérant, d'autre part, que, dans le cas où une entreprise, à laquelle il appartient toujours de justifier, tant du montant de ses charges que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité, justifie d'une charge comptabilisée par une facture émanant d'un fournisseur, il incombe à l'administration, si elle entend refuser la déduction de cette charge, d'établir que la marchandise ou la prestation de services facturée n'a pas été réellement livrée ou exécutée ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Paris n'a pu, sans méconnaître aussi cette règle, juger qu'il appartenait à la SARL DIVA de prouver que les prestations de services qui lui ont été facturées par la société SMR avaient été réellement exécutées, sans avoir préalablement examiné les éléments invoqués par l'administration pour contester la réalité de cette exécution ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL DIVA est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel de Paris, en tant qu'il a statué sur les chefs de litige ayant trait, en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés, aux prestations de services mentionnées sur les factures qui lui ont été délivrées par la société SMR ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11, deuxième alinéa, de la loi du 31 décembre 1987, de régler, sur ce point, l'affaire au fond ; Considérant que l'administration établit que la société SMR n'avait pas d'activitéréelle et que les factures qu'elle émettait étaient utilisées, soit pour justifier les prestations réellement effectuées par des ateliers de confection clandestins, soit en vue de permettre aux donneurs d'ouvrage auxquels elles étaient délivrées de déduire des charges fictives ; que, compte tenu des indices ainsi apportés par l'administration, il appartient à la SARL DIVA de justifier que les factures établies à son nom par la société SMR correspondaient cependant à des prestations réellement exécutées ; que la SARL DIVA ne justifie pas qu'il en ait été ainsi ; que, par suite, elle n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par son jugement du 17 décembre 1991, le tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de ses demandes en décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 10 juin 1982 au 31 décembre 1984 et des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre de l'année 1984, en conséquence du refus par l'administration d'admettre la déduction, respectivement, de la taxe sur la valeur ajoutée portée sur les factures qui lui avaient été délivrées par la société SMR, et des prétendues charges correspondant au montant de ces factures ; En ce qui concerne le chef de litige ayant trait à l'application des dispositions de l'article 44 bis du code général des impôts : Considérant qu'aux termes de cet article, dans sa rédaction alors applicable : "I- Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, les bénéfices réalisés au cours de l'année de leur création et des quatre années suivantes par les entreprises industrielles ne sont retenus que : ... pour la moitié de leur montant lorsqu'elles sont créées à partir du 1er janvier 1982 et jusqu'au 31 décembre 1983 ... III- Les entreprises créées dans le cadre d'une concentration ou d'une restructuration d'activités préexistantes ou pour la reprise de telles activités, ne peuvent bénéficier de l'abattement ci-dessus" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SARL DIVA, créée en juin 1982, exerçait son activité de fabrication de vêtements féminins dans un local occupé, jusqu'à la fin de l'année 1980, par la SARL Aquarelle, elle-même spécialisée dans une activité de fabrication de vêtements féminins ; que la SARL DIVA a recruté lors de sa création plusieurs salariés de la société Aquarelle et, notamment, le responsable commercial et le styliste ; que la majorité des clients, représentant une part significative du chiffre d'affaires de la SARL DIVA en 1982, était constituée d'anciens clients de la société Aquarelle ; que la cour administrative d'appel de Paris a pu légalement déduire de ces faits, qu'elle a souverainement appréciés, que la SARL DIVA devait être regardée comme ayant repris une activité préexistante, au sens des dispositions précitées de l'article 44 bis du code général des impôts, alors même que 18 mois s'étaient écoulés entre la cessation d'activité de la société Aquarelle et la création de la SARL DIVA ; que, dès lors, cette dernière n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, en tant qu'il a statué sur les conclusions de sa requête, tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1982, 1983 et 1984, en conséquence du refus par l'administration de l'admettre, pour ces années, au bénéfice du régime d'allégement fiscal prévu par l'article 44 bis du code général des impôts ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 22 avril 1993 est annulé, en tant qu'il a statué sur les conclusions de la requête de la SARL DIVA, ayant trait, en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés, aux prestations de services mentionnées sur les factures qui lui ont été délivrées par la Société SMR.
Article 2 : Les conclusions mentionnées à l'article 1er ci-dessus de la requête présentée par laSARL DIVA devant la cour administrative d'appel de Paris, sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi formé devant le Conseil d'Etat par la SARL DIVA est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SARL DIVA et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
En ce qui concerne les chefs de litige ayant trait, en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés, aux prestations de services mentionnées sur les factures délivrées à la SARL DIVA par la Société SMR : Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions combinées des articles 272-2 et 283-4 du code général des impôts et de l'article 223-1 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucune marchandise ou prestation de services ou qui n'était pas le fournisseur réel de la marchandise ou de la prestation effectivement livrée ou exécutée ; que, dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et se présentait à ses clients comme assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, sans qu'il soit manifeste qu'il n'aurait pas rempli les obligations l'autorisant à faire figurer cette taxe sur ses factures, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Paris n'a pu, sans méconnaître cette règle, juger qu'il incombait à la SARL DIVA, qui exploitait à Paris une entreprise de fabrication de vêtements féminins, d'établir la réalité des prestations de services qui lui avaient été facturées par la société SMR, sans avoir recherché, après qu'elle eût cependant relevé que celle-ci était régulièrement inscrite au registre du commerce et des sociétés et qu'elle se présentait comme assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, s'il n'était pas manifeste qu'elle n'aurait pas rempli les obligations l'autorisant à faire figurer la taxe sur la valeur ajoutée sur ses factures ; Considérant, d'autre part, que, dans le cas où une entreprise, à laquelle il appartient toujours de justifier, tant du montant de ses charges que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité, justifie d'une charge comptabilisée par une facture émanant d'un fournisseur, il incombe à l'administration, si elle entend refuser la déduction de cette charge, d'établir que la marchandise ou la prestation de services facturée n'a pas été réellement livrée ou exécutée ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Paris n'a pu, sans méconnaître aussi cette règle, juger qu'il appartenait à la SARL DIVA de prouver que les prestations de services qui lui ont été facturées par la société SMR avaient été réellement exécutées, sans avoir préalablement examiné les éléments invoqués par l'administration pour contester la réalité de cette exécution ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL DIVA est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel de Paris, en tant qu'il a statué sur les chefs de litige ayant trait, en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés, aux prestations de services mentionnées sur les factures qui lui ont été délivrées par la société SMR ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11, deuxième alinéa, de la loi du 31 décembre 1987, de régler, sur ce point, l'affaire au fond ; Considérant que l'administration établit que la société SMR n'avait pas d'activitéréelle et que les factures qu'elle émettait étaient utilisées, soit pour justifier les prestations réellement effectuées par des ateliers de confection clandestins, soit en vue de permettre aux donneurs d'ouvrage auxquels elles étaient délivrées de déduire des charges fictives ; que, compte tenu des indices ainsi apportés par l'administration, il appartient à la SARL DIVA de justifier que les factures établies à son nom par la société SMR correspondaient cependant à des prestations réellement exécutées ; que la SARL DIVA ne justifie pas qu'il en ait été ainsi ; que, par suite, elle n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par son jugement du 17 décembre 1991, le tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de ses demandes en décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 10 juin 1982 au 31 décembre 1984 et des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre de l'année 1984, en conséquence du refus par l'administration d'admettre la déduction, respectivement, de la taxe sur la valeur ajoutée portée sur les factures qui lui avaient été délivrées par la société SMR, et des prétendues charges correspondant au montant de ces factures ; En ce qui concerne le chef de litige ayant trait à l'application des dispositions de l'article 44 bis du code général des impôts : Considérant qu'aux termes de cet article, dans sa rédaction alors applicable : "I- Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, les bénéfices réalisés au cours de l'année de leur création et des quatre années suivantes par les entreprises industrielles ne sont retenus que : ... pour la moitié de leur montant lorsqu'elles sont créées à partir du 1er janvier 1982 et jusqu'au 31 décembre 1983 ... III- Les entreprises créées dans le cadre d'une concentration ou d'une restructuration d'activités préexistantes ou pour la reprise de telles activités, ne peuvent bénéficier de l'abattement ci-dessus" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SARL DIVA, créée en juin 1982, exerçait son activité de fabrication de vêtements féminins dans un local occupé, jusqu'à la fin de l'année 1980, par la SARL Aquarelle, elle-même spécialisée dans une activité de fabrication de vêtements féminins ; que la SARL DIVA a recruté lors de sa création plusieurs salariés de la société Aquarelle et, notamment, le responsable commercial et le styliste ; que la majorité des clients, représentant une part significative du chiffre d'affaires de la SARL DIVA en 1982, était constituée d'anciens clients de la société Aquarelle ; que la cour administrative d'appel de Paris a pu légalement déduire de ces faits, qu'elle a souverainement appréciés, que la SARL DIVA devait être regardée comme ayant repris une activité préexistante, au sens des dispositions précitées de l'article 44 bis du code général des impôts, alors même que 18 mois s'étaient écoulés entre la cessation d'activité de la société Aquarelle et la création de la SARL DIVA ; que, dès lors, cette dernière n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, en tant qu'il a statué sur les conclusions de sa requête, tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1982, 1983 et 1984, en conséquence du refus par l'administration de l'admettre, pour ces années, au bénéfice du régime d'allégement fiscal prévu par l'article 44 bis du code général des impôts ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 22 avril 1993 est annulé, en tant qu'il a statué sur les conclusions de la requête de la SARL DIVA, ayant trait, en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés, aux prestations de services mentionnées sur les factures qui lui ont été délivrées par la Société SMR.
Article 2 : Les conclusions mentionnées à l'article 1er ci-dessus de la requête présentée par laSARL DIVA devant la cour administrative d'appel de Paris, sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi formé devant le Conseil d'Etat par la SARL DIVA est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SARL DIVA et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.