Conseil d'Etat, 8 / 9 SSR, du 29 juillet 1998, 193445, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 21 janvier 1998, l'arrêt du 31 décembre 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le recours présenté devant cette Cour par le MINISTRE DE L'ECONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Vu le recours, enregistré le 15 décembre 1995 au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES, qui tend à l'annulation du jugement du 11 juillet 1995 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne, statuant sur une demande de la S.A Champagne Moët et Chandon faisant suite au renvoi d'une question préjudicielle, ordonné par jugement du tribunal de grande instance de Reims du 16 août 1994, a déclaré que le bailleur louant des terres à usage agricole, en vertu d'un bail à métayage, peut exercer l'option pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée prévue par l'article 260-6° du code général des impôts ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code rural ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Maïa, Auditeur,

- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 740 du code général des impôts : "Les mutations de jouissance qui donnent lieu au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée sont exonérées de tout droit proportionnel d'enregistrement" ; qu'aux termes de l'article 260 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 87-1060 du 30 décembre 1987 : "Peuvent sur leur demande acquitter la taxe sur la valeur ajoutée : ... 6°) à compter du 1er octobre 1988, les personnes qui donnent en location, en vertu d'un bail enregistré, des terres et bâtiments d'exploitation à usage agricole. L'option ne peut être exercée que si le preneur est redevable de la taxe sur la valeur ajoutée et elle s'applique à tous les baux conclus par un même bailleur avec des agriculteurs répondant à cette condition ..." ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la S.A Champagne Moët et Chandon a assigné l'Etat devant le tribunal de grande instance de Reims afin d'obtenir la restitution du droit de bail qu'elle a acquitté pour les années 1988 à 1990, à raison de la location, sous forme de bail à métayage, qui lui a été consentie par la société anonyme LVMH Moët-Hennessy Louis Vuitton ; que, par un jugement du 22 novembre 1994, le tribunal de grande instance de Reims a sursis à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur "la question de l'assujettissement de l'opération de location à la taxe sur la valeur ajoutée" ; qu'à la suite de ce jugement, la S.A Champagne Moët et Chandon a saisi le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne d'une demande devant être regardée comme tendant à ce que la juridiction administrative se prononce sur la légalité du refus de l'administration d'admettre l'assujettissement sur option de la société anonyme LVMH Moët-Hennessy Louis Vuitton à la taxe sur la valeur ajoutée, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 260 du code général des impôts au titre des années 1988 à 1991, à raison du bail à métayage qu'elle lui avait consenti ;

Considérant que ni les dispositions précitées de l'article 260-6° du code général des impôts, ni aucune autre disposition législative n'ont pour objet ou pour effet d'exclure du champ de l'option pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, à compter du 1er octobre 1988, le bail à métayage qui, tel qu'il est défini par les articles L. 417-1 à L. 417-15 du code rural, constitue un bail de location de terres ou d'installations à usage agricole, alors même que le bailleur doit, en sa qualité de co-exploitant, être regardé comme exerçant luimême une activité agricole ; que c'est, par suite, en méconnaissance de ces dispositions que l'administration a refusé d'admettre l'assujettissement sur option à la taxe sur la valeur ajoutée de la S.A LVMH Moët-Hennessy Louis Vuitton pour le bail qu'elle avait consenti à la S.A Champagne Moët et Chandon au titre de la période du 1er octobre 1988 au 31 décembre 1990 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a déclaré illégal le refus d'assujettissement, à compter du 1er octobre 1988, de la S.A LVMH MoëtHennessy Louis Vuitton à la taxe sur la valeur ajoutée, pour le bail qu'elle avait consenti à la S.A Champagne Möet et Chandon ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat, par application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, à payer à la S.A Champagne Moët et Chandon une somme de 5 000 F, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.
Article 2 : L'Etat paiera à la S.A Möet et Chandon une somme de 5 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la S.A Champagne Moët et Chandon et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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