Conseil d'Etat, 10 / 7 SSR, du 23 juin 1997, 171858, publié au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 10 août 1995 et 11 décembre 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. M. O. ; M. O. demande que le Conseil d'Etat :

1°) annule la décision en date du 7 juillet 1995 par laquelle la commission des recours des réfugiés a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 6 avril 1994 par laquelle le directeur de l'office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'admission au statut de réfugié ;

2°) renvoie l'affaire devant la commission des recours des réfugiés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 ;

Vu le décret n° 53-377 du 2 mai 1953 ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Ollier, Auditeur,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. M. O.,

- les conclusions de M. Combrexelle, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er A 2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, dans sa rédaction résultant du protocole de New York du 31 janvier 1967, la qualité de réfugié est reconnue à "toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte ne veut se réclamer de la protection de ce pays" ;

Considérant que, pour rejeter la demande de reconnaissance du statut de réfugié présentée pour M. O., la Commission des recours des réfugiés a notamment relevé que la circonstance que l'intéressé serait transsexuel et serait de ce fait marginalisé dans la société algérienne ne saurait le faire regarder comme appartenant à un groupe social au sens des stipulations précitées de la convention du Genève et comme craignant, de ce chef, d'être persécuté par les autorités de son pays ou par des éléments islamistes dont l'action serait encouragée ou volontairement tolérée par celles-ci ; qu'en estimant ainsi que les craintes de persécutions alléguées par le requérant ne pouvaient être rattachées à l'appartenance à un groupe social au sens des stipulations précitées de la convention de Genève, sans rechercher si les éléments qui lui étaient soumis sur la situation des transsexuels en Algérie permettaient de regarder ces derniers comme constituant un groupe dont les membres seraient, en raison des caractéristiques communes qui les définissent aux yeux des autorités et de la société algériennes, susceptibles d'être exposés à des persécutions, la commission n'a pas légalement justifié sa décision ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. O. est fondé à demander l'annulation de la décision de la Commission des recours des réfugiés en date du 7 juillet 1995 ;
Article 1er : La décision de la Commission des recours des réfugiés en date du 7 juillet 1995 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Commission des recours des réfugiés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Mohandarezki O., à l'office français de protection des réfugiés et apatrides et au ministre des affaires étrangères.
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