Conseil d'Etat, 9 / 8 SSR, du 17 février 1997, 165538, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 15 février 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE ED-DIS-SUD, dont le siège est à La Croix Maladière, à La Tour-en-Jarez (42580) ; la SOCIETE ED-DIS-SUD demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 15 décembre 1994 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du 12 mars 1992 du tribunal administratif de Lyon qui l'avait déchargée des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er mars 1985 au 31 décembre 1987 et a, corrélativement, remis à sa charge les droits et pénalités correspondants ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949, modifiée ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Dulong, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard avocat de la SOCIETE ED-DIS-SUD,

- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 279 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au cours de la période au titre de laquelle l'imposition contestée a été établie : "La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit ... en ce qui concerne ... e) les opérations d'achat, d'importation, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur les livres" ;

Considérant qu'en se bornant, pour refuser aux ouvrages diffusés par la SOCIETE ED-DIS-SUD le caractère de livres, au sens de l'article 279-e du code général des impôts, à se référer à leur objet, sans rechercher si ces ouvrages constituaient des ensembles homogènes comportant un apport intellectuel, la cour administrative d'appel de Lyon a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que celui-ci doit, dès lors, être annulé ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'aux termes de l'article 281 bis du code général des impôts alors applicable, le taux majoré de la taxe sur la valeur ajoutée s'applique aux publications qui ont fait l'objet d'au moins deux des interdictions prévues par l'article 14 de la loi du 16 juillet 1949, modifiée ; que, toutefois, ces dispositions n'excluent pas l'imposition au taux normal d'ouvrages qui, même s'ils n'ont pas fait l'objet de ces interdictions, n'ont pas pour autant le caractère de livres, au sens du e) de l'article 279 du code général des impôts ; que, pour prononcer la décharge des impositions contestées, le tribunal administratif s'est, à tort, fondé sur une interprétation différente de l'article 281 bis ; qu'il appartient toutefois au juge d'appel, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif, d'examiner les autres moyens soulevés par la SOCIETE ED-DIS-SUD devant le tribunal ;

Considérant, en premier lieu, que les ouvrages diffusés par cette société se présentent comme la réunion et l'amalgame de chapitres interchangeables qui peuvent être répartis dans diverses publications, d'ailleurs vendues sous des titres différents sans qu'il y ait mention d'un quelconque auteur ; qu'ils ne constituent pas un ensemble homogène et ne comportent aucun apport intellectuel ; qu'ils ne peuvent, dès lors, être regardés comme des livres légalement susceptibles de bénéficier du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : "Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration", et qu'aux termes de l'article L. 80 B du même livre : "La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal" ;

Considérant, d'une part, que la documentation administrative 3 C-2-225, mise à jour au 1er novembre 1985, dont la SOCIETE ED-DIS-SUD a entendu se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ne fait que commenter les dispositions de l'article 281 bis, 1° du code général des impôts, et ne contient aucune interprétation formelle de celles de l'article 279-e du code général des impôts, au sens de l'article L.80-A ;

Considérant, d'autre part, que peuvent seuls se prévaloir des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales les contribuables qui se trouvent dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation invoquée a été portée, ainsi que les contribuables qui ont participé à l'acte ou à l'opération qui a donné naissance à cette situation, sans que les autres contribuables puissent utilement invoquer une rupture à leur détriment du principe d'égalité ; que, si la SOCIETE ED-DIS-SUD s'est prévalue, sur le fondement de l'article L. 80 B, de la prise de position du ministre du budget rappelée dans la lettre adressée le 31 janvier 1983 par le médiateur à un membre du Parlement, selon laquelle "il n'est pas contesté que les ouvrages édités par la société Défi sont des livres n'ayant pas fait l'objet d'une double interdiction" de sorte que "le taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée doit continuer à leur être appliqué", elle ne justifie pas avoir pris part, pour ses propres ouvrages, à des actes ou opérations ayant donné naissance à la situation de fait sur laquelle a porté cette prise de position au regard du texte fiscal ; que, par suite, la prétention émise par la SOCIETE ED-DIS-SUD sur le terrain de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ne peut qu'être rejetée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre du budget est fondé à demander l'annulation du jugement du 12 mars 1992 par lequel le tribunal administratif de Lyon a déchargé la SOCIETE ED-DIS-SUD des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er mars 1985 au 31 décembre 1987 ;
Article 1er : L'arrêt du 15 décembre 1994 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 12 mars 1992 est annulé.
Article 3 : Les compléments de taxe sur la valeur ajoutée assignés à la SOCIETE ED-DIS-SUD au titre de la période du 1er mars 1985 au 31 décembre 1987 sont remis intégralement à sa charge.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ED-DIS-SUD et au ministre de l'économie et des finances.
Retourner en haut de la page