Conseil d'Etat, 10 / 7 SSR, du 13 janvier 1997, 177489 178084, mentionné aux tables du recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu 1°), sous le numéro 177 489, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 12 février 1996 et 12 mars 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Pierre S..., demeurant ..., M. Jean Raymond N..., M. Michel U..., M. Guy C..., M. Michel XX..., M. Rémy A..., M. Alain X..., M. Robert V..., Mme Catherine Q..., épouse R..., M. Bernard Z..., M. Georges P..., M. Jean-Louis F..., M. Joêl D..., Mme Marie-Hélène G..., épouse H..., M. Gilbert XY..., M. Yvan T..., Mme Elisabeth M..., M. Robert J..., M. Jean E..., M. Alfieri O..., Mme Marie-Claude I..., M. Jean-Jacques L..., M. Yves B..., M. Gérard Y..., M. Rémy K..., candidats de la liste conduite par M. S... ; M. S... et les autres requérants demandent que le Conseil d'Etat :

1/ annule un jugement du 12 janvier 1996 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées le 18 juin 1995 dans la commune de Saint-Gaudens et a déclaré M. S... inéligible pour une durée de un an ;

2/ rejette la protestation présentée par M. XW... ainsi que la saisine du tribunal administratif par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;

Vu 2°), sous le numéro 178 084, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés le 22 février 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Alain XW..., demeurant ... ; M. XW... demande que le Conseil d'Etat :

1/ annule un jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 12 janvier 1996 en tant que par ce jugement le tribunal administratif de Toulouse l'a déclaré inéligible ;

2/ rejette la saisine de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code électoral ;

Vu la loi n° 96-300 du 10 avril 1996 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mme Bechtel, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde, avocat de M. Pierre S... et autres,

- les conclusions de M. Combrexelle, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par une seule décision ;

Sur les conclusions de la requête n° 178 084 :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-4 du code électoral : "Pendant l'année précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du scrutin où l'élection a été acquise, un candidat à cette élection ne peut avoir recueilli des fonds en vue du financement de sa campagne que par l'intermédiaire d'un mandataire nommément désigné par lui, qui est soit une association de financement électorale, soit une personne physique dénommée "le mandataire financier"" ; qu'aux termes de la loi n° 96-300 du 10 avril 1996, pour l'élection des conseillers municipaux dont le dépôt des candidatures a été antérieur au 5 février 1996, "un candidat tête de liste peut avoir désigné un des membres de la liste comme mandataire financier. Ces dispositions de portée interprétative s'appliquent aux instances en cours devant les juridictions administratives ; elles ne portent pas atteinte à la validité de décisions juridictionnelles devenues définitives" ;

Considérant que pour déclarer M. XW... inéligible aux fonctions de conseiller municipal, le tribunal administratif de Toulouse, par son jugement du 12 janvier 1996, antérieur à la loi du 10 avril 1996, s'est fondé sur ce qu'un candidat de la liste conduite par M. XW... avait été désigné par celui-ci comme mandataire financier ; que toutefois les dispositions précitées de la loi du 10 avril 1996, qui rendent possible une telle désignation, ont eu pour effet de faire échapper M. XW... à l'interdiction sanctionnée par le tribunal administratif ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. XW... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant que, par celui-ci, le tribunal administratif, saisi par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, l'a déclaré inéligible aux fonctions de conseiller municipal pour une durée d'un an ;

Sur les conclusions de la requête n° 177 489 :

En ce qui concerne les opérations électorales :

Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral : "A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin." ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, en exécution d'un contrat passé au mois d'avril 1994 et relatif aux actions de sensibilisation devant accompagner les opérations de rénovation de la ville de Saint-Gaudens et, notamment, de son centre, l'entreprise Bisseuil, titulaire du marché, a procédé en mai 1995, d'une part à un affichage sur panneaux, d'autre part à la distribution de brochures destinées aux commerçants intéressés par l'opération en cours et aux élèves des écoles en vue de la réalisation d'un concours de dessins portant sur les "dix réalisations" ayant eu lieu dans le cadre de la rénovation ; que ces actions de communication qui ne comportent pas en elles-mêmes une promotion particulière de l'action municipale, ne peuvent en l'espèce et nonobstant le fait qu'elles ont été financées par la commune signataire du contrat et pour le compte de qui ont été faites les opérations, être regardées comme ayant constitué, au sens de l'article L. 52-1 précité, une campagne de promotion publicitaire des réalisations de la collectivité publique ; qu'ainsi et quelle que soit la faiblesse de l'écart des voix ayant séparé au second tour les deux listes en présence, les dispositions précitées de l'article L. 52-1 n'ont pas été méconnues ; qu'il suit de là que M. S... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur la violation de l'article L. 52-1 du code électoral pour annuler le second tour des opérations électorales qui se sont déroulées pour le renouvellement du conseil municipal de Saint-Gaudens ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres griefs articulés en première instance à l'appui de la protestation ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces produites par le maire de la commune que l'allégation selon laquelle neuf personnes décédées auraient pris part aux opérations de vote est inexacte ; que le grief tiré de ce que certains électeurs auraient été guidés dans leur vote est dépourvu de toute précision permettant d'en apprécier la portée ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la lettre diffuséele 17 juin 1996 par la liste de M. S... constituait une réponse à un tract diffusé par la liste adverse ; que, en tout état de cause, ses termes n'excédaient pas les limites de la polémique électorale ;

Considérant, en troisième lieu, que le grief tiré de pressions exercées par le maire sur des "acteurs économiques" n'est pas suffisamment établi par les pièces versées au dossier ;

Considérant, en quatrième lieu, que le grief tiré de ce que certaines procurations auraient été établies par des personnes non habilitées a, en tout état de cause, été articulé postérieurement au délai fixé par les dispositions du code électoral ; que l'existence d'un nombre massif de procurations ne ressort nullement des pièces du dossier ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la protestation présentée par M. XW... devant le tribunal administratif de Toulouse et tendant à l'annulation du second tour des opérations électorales qui se sont déroulées à Saint-Gaudens doit être rejetée ;

En ce qui concerne l'application de l'article L. 118-3 du code électoral :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-8 du code électoral, dans sa rédaction résultant de la loi n° 95-65 du 19 janvier 1995 : "Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupement politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects, à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués" ;

Considérant que les frais engagés par la municipalité dans le cadre du contrat passé avec l'entreprise Bisseuil et couvrant les actions de communication relatives à l'opération de rénovation du centre ville lesquelles, comme il a été dit ci-dessus, ne peuvent en l'espèce être regardées comme ayant constitué une campagne de promotion au bénéfice de la municipalité sortante, n'ont pas davantage été engagés en violation de l'article L. 52-8 précité du code électoral ; qu'ainsi, et en tout état de cause, M. S... est fondé à soutenir que c'est à tort que la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a, en se fondant sur la violation de l'article L. 52-8 du code électoral, rejeté son compte de campagne et a transmis celui-ci au juge de l'élection et que le tribunal administratif l'a, pour le même motif, déclaré inéligible en application de l'article L. 118-3 du code électoral ;

Considérant que de tout ce qui précède il résulte que M. XW... d'une part, M. S... d'autre part, sont fondés à demander l'annulation du jugement attaqué les déclarant inéligibles ; que M. S... est en outre fondé à demander l'annulation du même jugement en tant qu'il a annulé le second tour des opérations électorales qui se sont déroulées le 18 juin 1995 à Saint-Gaudens (Haute-Garonne) et qu'il l'a déclaré démissionnaire d'office de ses fonctions de conseiller municipal ;
Article 1er : Le jugement en date du 12 janvier 1996 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : La protestation présentée par M. XW... devant le tribunal administratif deToulouse ensemble la saisine du tribunal administratif de Toulouse par la commission des comptes de campagne et des financements politiques sont rejetées.
Article 3 : Les opérations électorales qui se sont déroulées le 18 juin 1995 dans la commune de Saint-Gaudens sont validées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre S..., à M. Alain XW..., à la commune de Saint-Gaudens, à M. Jean Raymond N..., à M. Michel U..., à M. Guy C..., à M. Michel XX..., à M. Rémy A..., à M. Alain X..., à M. Robert V..., à Mme Catherine Q..., épouse R..., à M. Bernard Z..., à M. Georges P..., à M. Jean-Louis F..., à M. Joêl D..., à Mme Marie-Hélène G..., épouse H..., à M. Gilbert XY..., à M. Yvan T..., à Mme Elisabeth M..., à M. Robert J..., à M. Jean E..., à M. Alfieri O..., à Mme Marie-Claude I..., à M. Jean-Jacques L..., à M. Yves B..., à M. Gérard Y..., à M. Rémy K..., à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur.
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