Conseil d'Etat, 9 / 8 SSR, du 21 août 1996, 133816 133878, publié au recueil Lebon
Conseil d'Etat, 9 / 8 SSR, du 21 août 1996, 133816 133878, publié au recueil Lebon
Conseil d'Etat - 9 / 8 SSR
statuant
au contentieux
- N° 133816 133878
- Publié au recueil Lebon
Lecture du
mercredi
21 août 1996
- Président
- M. Groux
- Rapporteur
- Mme Vestur
- Avocat(s)
- SCP Gatineau, Avocat
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu 1°) sous le n° 133816, le recours, enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 10 février 1992, présenté par le ministre de l'économie, des finances et du budget ; le ministre demande que le Conseil d'Etat annule l'article 3 de l'arrêt du 10 décembre 1991 de la cour administrative d'appel de Paris, rejetant son recours dirigé contre le jugement du 5 décembre 1989 du tribunal administratif de Paris, en tant que celui-ci a déchargé la société anonyme Bolle et Cie du complément de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des indemnités de retard y afférentes, auquel elle a été assujettie au titre de la période coïncidant avec l'année 1979 ; Vu 2°) sous le n° 133878, la requête enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 12 février 1992, présentée pour la société anonyme Bolle et CIE, représentée par ses dirigeants en exercice, dont le siège est ... ; la S.A. Bolle et Cie demande que le Conseil d'Etat annule les articles 1er et 2 de l'arrêt du 10 décembre 1991 par lesquels la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, annulé l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Paris condamnant l'Etat à lui verser la somme de 83 644,80 F au titre des frais irrépétibles et, d'autre part, rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat, au titre des frais irrépétibles engagés à l'occasion de l'instance devant la cour, à lui payer une somme de 373 421 F ; Vu les autres pièces des dossiers ; Vu le traité instituant la Communauté européenne et la directive n° 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 ; Vu le décret n° 88-907 du 1er septembre 1988 ; Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de Mme Vestur, Maître des Requêtes, - les observations de la SCP Gatineau, avocat de la S.A. Bolle et Cie, - les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que le recours du ministre de l'économie, des finances et du budget et la requête de la SA Bolle et Cie sont dirigés contre des articles du même arrêt ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ; Sur le recours du ministre : Considérant qu'en vertu du second alinéa de l'article 259 B du code général des impôts, le lieu d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée des "prestations de publicité" visées au 3° du premier alinéa du même article est réputé ne pas se situer en France, même si le prestataire y est établi, lorsque le preneur est assujetti à la taxe dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ; qu'au sens de ces dispositions de l'article 259 B, prises pour l'adaptation de la législation nationale à l'article 9.2.e) de la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977, doivent être regardées comme des "prestations de publicité" toutes les opérations, quels qu'en soient les auteurs, la nature ou la forme, dont l'objet est de transmettre un message destiné à informer le public de l'existence et des qualités d'un produit ou service dans le but d'en augmenter les ventes, ou qui, faisant indissociablement partie d'une campagne publicitaire, concourent, de ce fait, à cette transmission ;
Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel de Paris que la SA Bolle et Cie qui avait été chargée, aux termes d'un contrat conclu avec la société de droit belge "Bass", d'élaborer et de mettre en oeuvre un programme "promotionnel" destiné à faire connaître en France la bière "Bass", a organisé, en 1979, à Paris, dans un site spécialement aménagé à cet effet, un ensemble de manifestations publicitaires, annoncées par voie de presse et de radio, comportant des dégustations gratuites de bière "Bass" et assorties d'interventions de personnalités du monde du sport, de la télévision et du spectacle ; que ces manifestations n'ont donné lieu à la perception d'aucune recette ; que leur coût global, fixé à 2 290 500 F, a été facturé par la SA Bolle et Cie à la société Bass avec la mention que la taxe sur la valeur ajoutée serait perçue en Belgique en application des dispositions, précitées, de l'article 259 B du code général des impôts ; que l'administration a néanmoins soumis à la taxe sur la valeur ajoutée en France une fraction, égale à 1 719 730 F, de la somme ainsi facturée, au motif que les dépenses engagées par la SA Bolle et Cie au titre, notamment, des frais de matériel et de gardiennage du "site" aménagé pour les manifestations, de certains honoraires et des cachets des personnalités et artistes invités ne pouvaient être regardées comme rémunérant des "prestations de publicité" ; qu'en jugeant, au contraire, que les diverses opérations effectuées par la SA Bolle et Cie en exécution du contrat qu'elle avait passé avec la société "Bass" formaient un ensemble indissociable d'actions à finalité exclusivement publicitaire relevant toutes de la catégorie des "prestations de publicité" visée par le 3° du premier alinéa de l'article 259 B du code général des impôts et, par suite, que, contrairement à ce que soutenait le ministre du budget, aucune d'elles ne pouvait être regardée comme des prestations culturelles, artistiques, sportives, éducatives ou récréatives que le 4° de l'article 259 A du même code soumet à la taxe sur la valeur ajoutée en France lorsqu'elles y sont matériellement exécutées, la cour administrative d'appel leur a donné une exacte qualification juridique ; qu'ayant ensuite relevé que le bénéficiaire de ces opérations était assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de la Communauté, elle a pu légalement en déduire qu'elles n'aient pas imposables en France et qu'il y avait donc lieu de décharger la SA Bolle et Cie du complément de taxe sur la valeur ajoutée, calculé sur la somme de 1 719 730 F ci-dessus mentionnée, qui lui avait été assigné, ainsi que des pénalités y ajoutées ; Considérant que, n'étant pas au nombre des "juridictions nationales dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne", la Cour a pu, sans méconnaître les stipulations de l'article 177 du traité instituant la Communauté européenne, s'abstenir, avant de régler le litige porté devant elle, de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question relative à l'interprétation de l'article 9.2 e) précité de la sixième directive du 17 mai 1977 ; que cette disposition ayant déjà fait l'objet d'une interprétation de la part de la Cour de justice, notamment dans son arrêt C-68/92 du 17 novembre 1993, il n'y a pas lieu, en l'espèce, pour le Conseil d'Etat de lui poser une question préjudicielle à ce sujet ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il rejette l'appel qu'il avait formé contre le jugement du tribunal administratif de Paris ayant prononcé la décharge des droits et pénalités contestés par la SA Bolle et Cie ; Sur la requête de la société Bolle et Cie : Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le mémoire, enregistré au greffe du tribunal administratif de Paris le 16 novembre 1989 dans lequel la SA Bolle et Cie a présenté des conclusions nouvelles tendant à l'application des dispositions, alors en vigueur, de l'article 1er du décret n° 88-907 du 1er septembre 1988, selon lesquelles "lorsqu'il paraît inéquitable de laisser à la charge d'une partie des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, les juridictions de l'ordre administratif peuvent condamner l'autre partie à lui payer le montant qu'elles déterminent", n'a été communiqué que la veille de l'audience du tribunal, le 20 novembre 1989, à l'administration fiscale et sans, en outre, que celle-ci ait pu prendre connaissance des pièces, relatives aux frais, s'élevant à 324 040 F, dont le remboursement était demandé, qui étaient jointes à ce mémoire et sur lesquelles, néanmoins, le tribunal s'est fondé pour condamner l'Etat à payer à la SA Bolle et Cie une somme de 86 644,80 F ; que, par suite, en annulant l'article du jugement du tribunal qui a prononcé cette condamnation, au motif que la procédure contradictoire n'avait pas été respectée, la cour administrative d'appel a légalement justifié sa décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ... par un tribunal ... qui décidera ... des contestations sur ses droits ... de caractère civil ..." ; que les dispositions, précitées, de l'article 1er du décret du 1er septembre 1988, reprises, à l'article R. 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel annexé au décret n° 89-641 du 7 septembre 1989, de même que celles, par lesquelles elles ont été ultérieurement remplacées, de l'article L. 8.1, introduites dans le même code par l'article 75-II de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, laissent au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel le soin d'apprécier, compte tenu de l'équité, s'il y a lieu ou non de condamner la partie perdante à payer à l'autre partie la totalité ou une fraction des sommes exposées par celle-ci et non comprises dans les dépens ; qu'elles ne confèrent ainsi à la partie qui demande à bénéficier d'un tel paiement aucun droit à l'obtenir ; que, par suite, le jugement ou l'arrêt par lequel le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel se prononce sur cette demande ne peut, en tout état de cause, être regardé comme décidant, au sens de l'article 6.1 précité, d'une contestation portant sur des "droits" auxquels cette partie pourrait prétendre ; que, dès lors, le moyen tiré par la SA Bolle et Cie de ce que la cour administrative d'appel de Paris en jugeant, après évocation de la demande qu'elle avait présentée au tribunal administratif de Paris au titre de l'article 1er du décret du 1er septembre 1988, qu'il n'y avait pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'y faire droit, n'aurait pas entendu sa cause "équitablement" et méconnu ainsi les stipulations de l'article 6.1 de la convention européenne, est inopérant ; Considérant qu'en n'usant pas de la faculté qui lui était laissée de faire droit, par évocation, aux conclusions présentées en première instance par la SA Bolle et Cie au titre de l'article 1er du décret du 1er septembre 1988, la cour administrative d'appel s'est, par un arrêt suffisamment motivé, livrée à une appréciation souveraine qui échappe au contrôle du Conseil d'Etat statuant comme juge de cassation ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA Bolle et Cie n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il rejette sa demande de remboursement de frais irrépétibles ; Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à la SA Bolle et Cie la somme de 17 790 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle devant le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le recours du ministre de l'économie, des finances et du budget et la requête de la SA Bolle et Cie sont rejetés.
Article 2 : L'Etat paiera à la SA Bolle et Cie une somme de 17 790 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à la SA Bolle et Cie.
Considérant que le recours du ministre de l'économie, des finances et du budget et la requête de la SA Bolle et Cie sont dirigés contre des articles du même arrêt ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ; Sur le recours du ministre : Considérant qu'en vertu du second alinéa de l'article 259 B du code général des impôts, le lieu d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée des "prestations de publicité" visées au 3° du premier alinéa du même article est réputé ne pas se situer en France, même si le prestataire y est établi, lorsque le preneur est assujetti à la taxe dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ; qu'au sens de ces dispositions de l'article 259 B, prises pour l'adaptation de la législation nationale à l'article 9.2.e) de la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977, doivent être regardées comme des "prestations de publicité" toutes les opérations, quels qu'en soient les auteurs, la nature ou la forme, dont l'objet est de transmettre un message destiné à informer le public de l'existence et des qualités d'un produit ou service dans le but d'en augmenter les ventes, ou qui, faisant indissociablement partie d'une campagne publicitaire, concourent, de ce fait, à cette transmission ;
Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel de Paris que la SA Bolle et Cie qui avait été chargée, aux termes d'un contrat conclu avec la société de droit belge "Bass", d'élaborer et de mettre en oeuvre un programme "promotionnel" destiné à faire connaître en France la bière "Bass", a organisé, en 1979, à Paris, dans un site spécialement aménagé à cet effet, un ensemble de manifestations publicitaires, annoncées par voie de presse et de radio, comportant des dégustations gratuites de bière "Bass" et assorties d'interventions de personnalités du monde du sport, de la télévision et du spectacle ; que ces manifestations n'ont donné lieu à la perception d'aucune recette ; que leur coût global, fixé à 2 290 500 F, a été facturé par la SA Bolle et Cie à la société Bass avec la mention que la taxe sur la valeur ajoutée serait perçue en Belgique en application des dispositions, précitées, de l'article 259 B du code général des impôts ; que l'administration a néanmoins soumis à la taxe sur la valeur ajoutée en France une fraction, égale à 1 719 730 F, de la somme ainsi facturée, au motif que les dépenses engagées par la SA Bolle et Cie au titre, notamment, des frais de matériel et de gardiennage du "site" aménagé pour les manifestations, de certains honoraires et des cachets des personnalités et artistes invités ne pouvaient être regardées comme rémunérant des "prestations de publicité" ; qu'en jugeant, au contraire, que les diverses opérations effectuées par la SA Bolle et Cie en exécution du contrat qu'elle avait passé avec la société "Bass" formaient un ensemble indissociable d'actions à finalité exclusivement publicitaire relevant toutes de la catégorie des "prestations de publicité" visée par le 3° du premier alinéa de l'article 259 B du code général des impôts et, par suite, que, contrairement à ce que soutenait le ministre du budget, aucune d'elles ne pouvait être regardée comme des prestations culturelles, artistiques, sportives, éducatives ou récréatives que le 4° de l'article 259 A du même code soumet à la taxe sur la valeur ajoutée en France lorsqu'elles y sont matériellement exécutées, la cour administrative d'appel leur a donné une exacte qualification juridique ; qu'ayant ensuite relevé que le bénéficiaire de ces opérations était assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de la Communauté, elle a pu légalement en déduire qu'elles n'aient pas imposables en France et qu'il y avait donc lieu de décharger la SA Bolle et Cie du complément de taxe sur la valeur ajoutée, calculé sur la somme de 1 719 730 F ci-dessus mentionnée, qui lui avait été assigné, ainsi que des pénalités y ajoutées ; Considérant que, n'étant pas au nombre des "juridictions nationales dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne", la Cour a pu, sans méconnaître les stipulations de l'article 177 du traité instituant la Communauté européenne, s'abstenir, avant de régler le litige porté devant elle, de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question relative à l'interprétation de l'article 9.2 e) précité de la sixième directive du 17 mai 1977 ; que cette disposition ayant déjà fait l'objet d'une interprétation de la part de la Cour de justice, notamment dans son arrêt C-68/92 du 17 novembre 1993, il n'y a pas lieu, en l'espèce, pour le Conseil d'Etat de lui poser une question préjudicielle à ce sujet ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il rejette l'appel qu'il avait formé contre le jugement du tribunal administratif de Paris ayant prononcé la décharge des droits et pénalités contestés par la SA Bolle et Cie ; Sur la requête de la société Bolle et Cie : Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le mémoire, enregistré au greffe du tribunal administratif de Paris le 16 novembre 1989 dans lequel la SA Bolle et Cie a présenté des conclusions nouvelles tendant à l'application des dispositions, alors en vigueur, de l'article 1er du décret n° 88-907 du 1er septembre 1988, selon lesquelles "lorsqu'il paraît inéquitable de laisser à la charge d'une partie des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, les juridictions de l'ordre administratif peuvent condamner l'autre partie à lui payer le montant qu'elles déterminent", n'a été communiqué que la veille de l'audience du tribunal, le 20 novembre 1989, à l'administration fiscale et sans, en outre, que celle-ci ait pu prendre connaissance des pièces, relatives aux frais, s'élevant à 324 040 F, dont le remboursement était demandé, qui étaient jointes à ce mémoire et sur lesquelles, néanmoins, le tribunal s'est fondé pour condamner l'Etat à payer à la SA Bolle et Cie une somme de 86 644,80 F ; que, par suite, en annulant l'article du jugement du tribunal qui a prononcé cette condamnation, au motif que la procédure contradictoire n'avait pas été respectée, la cour administrative d'appel a légalement justifié sa décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ... par un tribunal ... qui décidera ... des contestations sur ses droits ... de caractère civil ..." ; que les dispositions, précitées, de l'article 1er du décret du 1er septembre 1988, reprises, à l'article R. 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel annexé au décret n° 89-641 du 7 septembre 1989, de même que celles, par lesquelles elles ont été ultérieurement remplacées, de l'article L. 8.1, introduites dans le même code par l'article 75-II de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, laissent au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel le soin d'apprécier, compte tenu de l'équité, s'il y a lieu ou non de condamner la partie perdante à payer à l'autre partie la totalité ou une fraction des sommes exposées par celle-ci et non comprises dans les dépens ; qu'elles ne confèrent ainsi à la partie qui demande à bénéficier d'un tel paiement aucun droit à l'obtenir ; que, par suite, le jugement ou l'arrêt par lequel le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel se prononce sur cette demande ne peut, en tout état de cause, être regardé comme décidant, au sens de l'article 6.1 précité, d'une contestation portant sur des "droits" auxquels cette partie pourrait prétendre ; que, dès lors, le moyen tiré par la SA Bolle et Cie de ce que la cour administrative d'appel de Paris en jugeant, après évocation de la demande qu'elle avait présentée au tribunal administratif de Paris au titre de l'article 1er du décret du 1er septembre 1988, qu'il n'y avait pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'y faire droit, n'aurait pas entendu sa cause "équitablement" et méconnu ainsi les stipulations de l'article 6.1 de la convention européenne, est inopérant ; Considérant qu'en n'usant pas de la faculté qui lui était laissée de faire droit, par évocation, aux conclusions présentées en première instance par la SA Bolle et Cie au titre de l'article 1er du décret du 1er septembre 1988, la cour administrative d'appel s'est, par un arrêt suffisamment motivé, livrée à une appréciation souveraine qui échappe au contrôle du Conseil d'Etat statuant comme juge de cassation ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA Bolle et Cie n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il rejette sa demande de remboursement de frais irrépétibles ; Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à la SA Bolle et Cie la somme de 17 790 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle devant le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le recours du ministre de l'économie, des finances et du budget et la requête de la SA Bolle et Cie sont rejetés.
Article 2 : L'Etat paiera à la SA Bolle et Cie une somme de 17 790 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à la SA Bolle et Cie.