Conseil d'Etat, 5 / 3 SSR, du 8 décembre 1995, 158676, publié au recueil Lebon
Conseil d'Etat, 5 / 3 SSR, du 8 décembre 1995, 158676, publié au recueil Lebon
Conseil d'Etat - 5 / 3 SSR
statuant
au contentieux
- N° 158676
- Publié au recueil Lebon
Lecture du
vendredi
08 décembre 1995
- Président
- M. Vught
- Rapporteur
- M. Lévis
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 mai 1994 et 20 septembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Alain X..., demeurant ... à au Pré-Saint-Gervais (93310) ; M. X... demande au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir des articles 8 et 10 du décret n° 94-358 du 5 mai 1994 modifiant et complétant certaines dispositions du code de la route, et la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 100 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code de la route, dans sa rédaction en vigueur à la date du décret attaqué, résultant notamment du décret modifié n° 92-559 du 25 juin 1992 ; Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Lévis, Maître des Requêtes, - les conclusions de M. Descoings, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 11-1 du code de la route : "Le nombre de points affecté au permis de conduire est réduit de plein droit lorsqu'est établie la réalité de l'une des infractions suivantes : ... c) Contraventions en matière de police de la circulation routière susceptibles de mettre en danger la sécurité des personnes, limitativement énumérées ..." ; qu'aux termes de l'article L. 11-7 du même code : "Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application des articles L. 11 à L. 11-6 et fixe notamment le nombre de points initial, la liste des contraventions de police donnant lieu à retrait de points, le barème de points affecté à ces contraventions ..." ; que, sur le fondement de la combinaison des dispositions précitées des articles L. 11-1 et L. 11-7, le décret susvisé du 25 juin 1992 a inséré au code de la route un article R. 256 établissant la liste des contraventions de police donnant lieu à retrait de points ; enfin, qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article R. 53-1 du code de la route, dans leur rédaction résultant du décret attaqué : "Le port d'un casque homologué, défini dans les conditions fixées par le ministre chargé des transports, est obligatoire pour les conducteurs et les passagers de véhicules à deux roues à moteur. Le port de la ceinture de sécurité est obligatoire, en circulation pour les conducteurs et passagers des véhicules automobiles d'un poids total autorisé en charge n'excédant pas 3,5 tonnes, équipés de ceintures ..." ; Sur les conclusions dirigées contre l'article 8 du décret attaqué : Considérant que l'article 8 du décret attaqué dispose : "Il est ajouté à l'article R. 233 du code de la route un dernier alinéa ainsi rédigé : Sera punie d'une amende correspondant à la 4ème classe de contraventions, toute personne qui aura contrevenu aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 53-1 du présent code" ; Considérant que la peine d'amende prévue pour les contraventions de la 4ème classe ne saurait être regardée comme une sanction manifestement disproportionnée à la gravité de l'infraction résultant de la méconnaissance des dispositions précitées du premier alinéa de l'article R. 53-1 ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les dispositions précitées de l'article 8 du décret attaqué seraient contraires au principe de proportionnalité de la sanction pénale à la gravité de l'infraction et entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ; Sur les conclusions dirigées contre l'article 10 du décret attaqué : Considérant que l'article 10 du décret attaqué dispose : "Le 5°) de l'article R. 256 est complété ainsi qu'il suit : - article 53-1 du code de la route : défaut de port par les conducteurs de motocyclettes d'un casque homologué et défaut de port de la ceinture de sécurité par les conducteurs de véhicules à moteur" ;
Considérant que les infractions résultant de la méconnaissance des dispositions précitées des deux premiers alinéas de l'article R. 53-1, alors même qu'elles ne seraient susceptibles de ne mettre en danger que la sécurité de leurs auteurs, doivent être regardées comme des "contraventions ... susceptibles de mettre en danger la sécurité des personnes" au sens de la disposition précitée de l'article L. 11-1 ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ladite disposition ne peut qu'être écarté ; Considérant que les dispositions de l'article 10 du décret attaqué ne sont pas intervenues sur le fondement du pouvoir de police générale que le Gouvernement détient des articles 21 et 37 de la Constitution, mais, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, sur le fondement de la combinaison des dispositions précitées des articles L. 11-1-c) et L. 11-7 du code de la route ; qu'en décidant, sur ce fondement, d'ajouter les deux contraventions dont s'agit à la liste, figurant à l'article R. 256 du code, des contraventions donnant lieu à retrait de points, les auteurs du décret attaqué n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des objectifs en vue desquels ont été édictés les articles L. 11 à L. 11-6 du code de la route ; Considérant que les mesures de retrait de points ne peuvent intervenir qu'à l'encontre des titulaires de permis de conduire ; que, dès lors, les auteurs du décret attaqué ne pouvaient ajouter à la liste des contraventions donnant lieu à retrait de points que des contraventions commises par des conducteurs de véhicules pour la conduite desquels un permis de conduire est exigé, à l'exclusion des contraventions commises par d'autres personnes, notamment par des passagers, lesquels ne sont pas nécessairement titulaires d'un permis de conduire ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de ce que l'article 10 du décret attaqué aurait introduit une discrimination illégale en ne visant que les seules contraventions aux dispositions des deux premiers alinéas de l'article R. 53-1 commises par des conducteurs de véhicules, ne peut, en tout état de cause, qu'être rejeté ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir des articles 8 et 10 du décret attaqué ; Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Alain X..., au garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre de l'intérieur, au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme et au Premier ministre.
Considérant qu'aux termes de l'article L. 11-1 du code de la route : "Le nombre de points affecté au permis de conduire est réduit de plein droit lorsqu'est établie la réalité de l'une des infractions suivantes : ... c) Contraventions en matière de police de la circulation routière susceptibles de mettre en danger la sécurité des personnes, limitativement énumérées ..." ; qu'aux termes de l'article L. 11-7 du même code : "Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application des articles L. 11 à L. 11-6 et fixe notamment le nombre de points initial, la liste des contraventions de police donnant lieu à retrait de points, le barème de points affecté à ces contraventions ..." ; que, sur le fondement de la combinaison des dispositions précitées des articles L. 11-1 et L. 11-7, le décret susvisé du 25 juin 1992 a inséré au code de la route un article R. 256 établissant la liste des contraventions de police donnant lieu à retrait de points ; enfin, qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article R. 53-1 du code de la route, dans leur rédaction résultant du décret attaqué : "Le port d'un casque homologué, défini dans les conditions fixées par le ministre chargé des transports, est obligatoire pour les conducteurs et les passagers de véhicules à deux roues à moteur. Le port de la ceinture de sécurité est obligatoire, en circulation pour les conducteurs et passagers des véhicules automobiles d'un poids total autorisé en charge n'excédant pas 3,5 tonnes, équipés de ceintures ..." ; Sur les conclusions dirigées contre l'article 8 du décret attaqué : Considérant que l'article 8 du décret attaqué dispose : "Il est ajouté à l'article R. 233 du code de la route un dernier alinéa ainsi rédigé : Sera punie d'une amende correspondant à la 4ème classe de contraventions, toute personne qui aura contrevenu aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 53-1 du présent code" ; Considérant que la peine d'amende prévue pour les contraventions de la 4ème classe ne saurait être regardée comme une sanction manifestement disproportionnée à la gravité de l'infraction résultant de la méconnaissance des dispositions précitées du premier alinéa de l'article R. 53-1 ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les dispositions précitées de l'article 8 du décret attaqué seraient contraires au principe de proportionnalité de la sanction pénale à la gravité de l'infraction et entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ; Sur les conclusions dirigées contre l'article 10 du décret attaqué : Considérant que l'article 10 du décret attaqué dispose : "Le 5°) de l'article R. 256 est complété ainsi qu'il suit : - article 53-1 du code de la route : défaut de port par les conducteurs de motocyclettes d'un casque homologué et défaut de port de la ceinture de sécurité par les conducteurs de véhicules à moteur" ;
Considérant que les infractions résultant de la méconnaissance des dispositions précitées des deux premiers alinéas de l'article R. 53-1, alors même qu'elles ne seraient susceptibles de ne mettre en danger que la sécurité de leurs auteurs, doivent être regardées comme des "contraventions ... susceptibles de mettre en danger la sécurité des personnes" au sens de la disposition précitée de l'article L. 11-1 ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ladite disposition ne peut qu'être écarté ; Considérant que les dispositions de l'article 10 du décret attaqué ne sont pas intervenues sur le fondement du pouvoir de police générale que le Gouvernement détient des articles 21 et 37 de la Constitution, mais, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, sur le fondement de la combinaison des dispositions précitées des articles L. 11-1-c) et L. 11-7 du code de la route ; qu'en décidant, sur ce fondement, d'ajouter les deux contraventions dont s'agit à la liste, figurant à l'article R. 256 du code, des contraventions donnant lieu à retrait de points, les auteurs du décret attaqué n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des objectifs en vue desquels ont été édictés les articles L. 11 à L. 11-6 du code de la route ; Considérant que les mesures de retrait de points ne peuvent intervenir qu'à l'encontre des titulaires de permis de conduire ; que, dès lors, les auteurs du décret attaqué ne pouvaient ajouter à la liste des contraventions donnant lieu à retrait de points que des contraventions commises par des conducteurs de véhicules pour la conduite desquels un permis de conduire est exigé, à l'exclusion des contraventions commises par d'autres personnes, notamment par des passagers, lesquels ne sont pas nécessairement titulaires d'un permis de conduire ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de ce que l'article 10 du décret attaqué aurait introduit une discrimination illégale en ne visant que les seules contraventions aux dispositions des deux premiers alinéas de l'article R. 53-1 commises par des conducteurs de véhicules, ne peut, en tout état de cause, qu'être rejeté ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir des articles 8 et 10 du décret attaqué ; Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Alain X..., au garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre de l'intérieur, au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme et au Premier ministre.