Conseil d'Etat, 4 / 1 SSR, du 20 janvier 1992, 86956, publié au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le recours du ministre de l'éducation nationale enregistré le 24 avril 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement du 18 mars 1987 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la délibération du 29 juin 1984 du jury du brevet technique supérieur (BTS) d'électronicien (session 1984) confirmant sa délibéraiton du 6 juin 1984 portant élimination de MM. X... et Arnaud et a mis les frais d'expertise d'un montant de 1 050 F à la charge de l'Etat ;

2°) de mettre les frais d'expertise à la charge de MM. X... et Arnaud ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu :

- le rapport de M. Sanson, Maître des requêtes,

- les observations de la SCP Defrénois, Levis, avocat de M. Jean X...,

- les conclusions de Mme Laroque, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'article R.180 du code des tribunaux administratifs, dans sa rédaction alors en vigueur à la date du jugement attaqué, dispose : "Toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Toutefois, si les circonstances particulières de l'affaire le justifient, le tribunal administratif peut mettre les dépens à la charge d'une autre partie. Il peut aussi, compte tenu des circonstances de l'affaire, partager entre les parties les frais d'expertise, d'enquête ou de toute autre mesure d'instruction" ;

Considérant que MM. X... et Arnaud ont attaqué, par la voie du recours pour excès de pouvoir, les délibérations des 6 et 29 juin 1984 par lesquelles le jury de l'examen du brevet de technicien supérieur d'électronicien (session 1984) pour les académies de Créteil, Paris et Versailles les a éliminés pour présomption de fraude ; que le président du tribunal administratif de Paris, sur requête en référé des deux candidats, a ordonné une expertise par ordonnance du 5 mars 1985 ; que le Conseil d'Etat, statuant au Contentieux, saisi d'un appel formé par le ministre de l'éducation nationale, a annulé, par décision du 21 mars 1986, l'ordonnance du Président du tribunal administratif de Paris prescrivant ladite expertise ; qu'enfin par un jugement au fond en date du 18 mars 1987, le tribunal administratif de Paris a annulé les délibérations du jury qui prononçaient et confirmaient l'élimination de MM. X... et Arnaud et mis à la charge de l'Etat les frais de l'expertise ci-dessus mentionnée ;

Considérant que le paiement des frais d'une expertise ordonnée à la suite d'une procédure de référé et annulée par le juge d'appel n'entre pas dans le champ d'application de l'article R. 180 précité au tire de l'instance au principal ; que, dès lors, il y a lieu de mettre les frais d'expertise à la charge de la partie qui a demandé l'expertise ; que, par suite, le ministre de l'éducation nationale est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a mis ces frais d'expertise à la charge de l'Etat ;

Sur les conclusions de MM. X... et Arnaud tendant à l'application des dispositions de l'article 1er du décret du 2 septembre 1988 :

Considérant que le décret n° 88-907 du 2 septembre 1988 ayant été abrogé par le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 81-647 du 10 juillet 1991, les conclusions de MM. X... et Arnaud doivent être regardées comme demandant la condamnation de l'Etat sur le fondement de l'article 75-I de ladite loi ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation." ; que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à MM. X... et Arnaud la somme qu'ils demandent au titre des sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Paris du 18 mars 1987 est annulé.
Article 2 : Les frais d'expertise sont mis à la charge de MM. X... et Arnaud.
Article 3 : Les conclusions de MM. X... et Arnaud tendant à l'application de l'article 1er du décret n° 88-907 du 2 septembre 1988 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale et à MM. X... et Arnaud.
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