Conseil d'Etat, 6 SS, du 22 juin 1990, 105452, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 28 février 1989 et 28 juin 1989, présentés pour M. Pélo X..., de nationalité bulgare, demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :

1°) annule le jugement en date du 22 décembre 1988, par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 juillet 1987 du ministre de l'intérieur l'assignant à résidence dans le département de la Creuse ainsi que la demande de sursis à exécution dudit arrêté ;

2°) annule ledit arrêté ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, notamment son article 28 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu :

- le rapport de M. de Froment, Maître des requêtes,

- les observations de la S.C.P. le Prado, avocat de M. Pélo X...,

- les conclusions de M. de la Verpillière, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 28 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, dans sa rédaction issue des lois du 29 octobre 1981 et du 9 septembre 1986 : "L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ... et qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français en établissant qu'il ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans un autre pays peut, ... être astreint par arrêté du ministre de l'intérieur à résider dans les lieux qui lui sont fixés, dans lesquels il doit se présenter périodiquement aux services de police et de gendarmerie ..." ;

Considérant qu'en visant à la fois l'article 28 précité, l'arrêté d'expulsion, pris à l'encontre de l'intéressé, le 24 juillet 1974, et les articles 32 et 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, lesquels interdisent aux Etats contractants d'expulser ou de refouler les réfugiés sur les frontières des territoires où leur vie ou leur liberté serait menacée, le ministre de l'intérieur a fait connaître les motifs de droit qui l'autorisaient, conformément aux dispositions précitées, à prononcer l'assignation à résidence de M. X..., réfugié politique bulgare, dans le département de la Creuse ;

Considérant toutefois qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 : "la motivation exigée par la présente loi doit ... comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision" ; que la décision attaquée du 30 juillet 1987 ne comporte pas l'énoncé des considérations de fait sur lesquelles le ministre s'est fondé pour prononcer l'assignation à résidence de M. X... dans le département de la Creuse, alors que celui-ci résidait et exerçait sa profession dans les Alpes-Maritimes, et que le ministre n'était pas tenu de recourr à une telle mesure restrictive de liberté ; que ladite décision est par suite, insuffisamment motivée ; qu'il suit de là que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande d'annulation de la décision attaquée ;
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Nice, en date du 22 décembre 1988, ensemble l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 30 juillet 1987, sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre de l'intérieur.
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