Conseil d'Etat, Section, du 29 mars 1991, 101719, publié au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 6 septembre 1988, présentée pour la société anonyme "Laboratoire L. Lafon", dont le siège est ... à Maisons-Alfort (Val-de-Marne) ; la société demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêté du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale en date du 17 juin 1985 modifiant la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables aux assurés sociaux, en tant que cet arrêté fixe à 60 p. 100 la participation de l'assuré pour les spécialités "Fonzylane" présentées en comprimés dragéifiés et en ampoules de soluté injectable ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le décret n° 65-29 du 11 janvier 1965 ;

Vu le décret n° 67-441 du 5 juin 1967 ;

Vu le décret n° 67-925 du 19 octobre 1967 ;

Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;

Vu le décret n° 88-907 du 2 septembre 1988 ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu :

- le rapport de M. Boyon, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de la S.A. Laboratoire L. Lafon,

- les conclusions de M. Hubert, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un arrêté du 17 juin 1985 pris sur le fondement des dispositions alors en vigueur de l'article 1er du décret du 19 octobre 1967 modifié par les décrets des 10 juin 1977 et 28 juin 1984, le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale a fixé à 60 p. 100 la participation de l'assuré social, prévue par les prescriptions de l'article L.286 du code de la sécurité sociale alors applicables, pour les spécialités pharmaceutiques "Fonzylane" présentées en comprimés et en soluté injectable ; que le ministre a gardé le silence pendant plus de quatre mois sur le recours gracieux formé par la société "Laboratoire L. Lafon" le 29 juillet 1985 à l'encontre des dispositions de cet arrêté ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 5 du décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers, "les délais opposables à l'auteur d'une demande adressée à l'administration courent de la date de la transmission, à l'auteur de cette demande, d'un accusé de réception ..." ; qu'un recours administratif gracieux ou hiérarchique ne présente pas le caractère d'une "demande adressée à l'administration" au sens de ces dispositions ; que, par suite, si l'autorité administrative n'a pas accusé réception, dans les conditions prévues à l'article 5 du décret du 28 novembre 1983, du recours gracieux formé par la société requérante, cette circonstance n'a pu faire obstacle à ce que le délai du recours contentieux commençât à courir au terme d'une période de quatre mois à compter de la réception du recours gracieux ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er du décret du 11 janvier 1965 relatif aux délais de recours contentieux en matière administrative, dans le cas où une décision de rejet est née du silence gardé par l'autorité compétente sur une réclamation pendant plus de quatre mois, "l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : ... 2° dans le contentieux de l'excès de pouvoir si la mesure sollicitée ne peut être prise que par décision ou sur avis des assemblées locales ou de tous autres organismes collégiaux ..." ; que, si, en vertu des dispositions de l'article 1er du décret du 19 octobre 1967, l'arrêté ministériel établissant la liste des médicaments pour lesquels la participation de l'assuré social est fixée à 60 p. 100 doit être pris après avis de la commission instituée par le décret du 5 juin 1967, le ministre saisi d'un recours gracieux contre cet arrêté n'est tenu de consulter de nouveau la commission que dans le cas d'une modification dans la situation de droit ou de fait ; que la production de certains documents d'ordre scientifique au soutien du recours gracieux formé par la société "Laboratoire L. Lafon" n'a pas constitué un changement dans les circonstances de fait ; qu'ainsi, même en l'absence de notification d'une décision expresse rejetant ce recours gracieux, le délai du recours contentieux a commencé de courir à l'encontre de la société dans les conditions indiquées ci-dessus ;

Considérant que la requête de la société "Laboratoire L. Lafon", dirigée contre les dispositions de l'arrêté du 17 juin 1985 relatives aux spécialités "Fonzylane" et contre la décision implicite rejetant le recours gracieux présenté par cette société, a été enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 6 septembre 1988, soit après l'expiration du délai du recours contentieux ; que, dès lors, elle n'est pas recevable ;

Sur l'application des dispositions de l'article 1er du décret du 2 septembre 1988 :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 1er du décret susvisé du 2 septembre 1988 et de condamner l'Etat à payer les sommes que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la société "Laboratoire L. Lafon" est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société "Laboratoire L. Lafon" et au ministre délégué auprès du ministre des affaires sociales et de la solidarité, chargé de la santé.
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