Conseil d'Etat, 7 / 9 SSR, du 23 mars 1988, 48131, mentionné aux tables du recueil Lebon
Conseil d'Etat, 7 / 9 SSR, du 23 mars 1988, 48131, mentionné aux tables du recueil Lebon
Conseil d'Etat - 7 / 9 SSR
statuant
au contentieux
- N° 48131
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
mercredi
23 mars 1988
- Président
- M. Ducamin
- Rapporteur
- M. Querenet
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête enregistrée le 22 janvier 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Claude X..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement en date du 25 octobre 1982 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1970 à 1974, 2°) lui accorde la décharge des impositions contestées ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la convention entre la France et la Belgique pour éviter les doubles impositions du 10 mars 1964 publiée par le décret du 11 août 1965 ; Vu le code général des impôts ; Vu le code des tribunaux administratifs ; Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; Vu la loi du 30 décembre 1977 ; Après avoir entendu : - le rapport de M. Querenet Y... de Breville, Conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué : Considérant qu'il ressort de l'examen des pièces du dossier de première instance que, postérieurement à l'envoi à M. X..., le 13 septembre 1982, par le greffe du tribunal administratif de Paris, de l'avis l'informant que l'affaire serait examinée à l'audience du 11 octobre 1982, le directeur des services fiscaux de Paris a produit, le 30 septembre 1982, un second mémoire en défense qui comportait de nouveaux éléments de fait et de droit ; que, si ce mémoire a été communiqué au requérant, celui-ci n'a pas disposé en l'espèce d'un délai suffisant avant l'audience pour discuter ces éléments ; que, dès lors, M. X... est fondé à soutenir que le jugement attaqué a été rendu sur une procédure irrégulière et à en demander l'annulation ; Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ; Sur le caractère imposable en France des bénéfices non commerciaux réalisés par le contribuable de 1970 à 1974 : Considérant que, pour justifier l'imposition en France de M. X... à l'impôt sur le revenu du chef de bénéfices non commerciaux provenant de la vente de sculptures en bronze tirées de modèles en plâtre réalisés par le père du requérant, l'administration fait valoir que le contribuable était domicilié en France ; Considérant qu'aux termes de l'article 8, alinéa 1er, de la convention fiscale franco-belge du 10 mars 1964 : "Les redevances et autres produits provenant soit de la concession de l'usage de biens mobiliers incorporels, tels que les brevets d'invention, modèles, formules et procédés secrets, marques de fabrique et autres droits analogues, soit de la vente de ces biens, les droits d'auteur et de reproduction, ainsi que les revenus tirés de la location des films cinématographiques, ne sont imposables que dans l'Etat contratant dont le bénéficiaire est un résident. Toutefois, lorsque le bénéficiaire de ces redevances ou produits possède dans l'autre Etat contractant un établissement stable ou une installation fixe qui intervient à un titre quelconque dans les opérations génératrices de ces revenus, ceux-ci ne sont imposables que dans cet autre Etat ..." ; qu'aux termes de l'article 1er, alinéa 2, de cette même convention : "Une personne physique est réputée résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer permanent d'habitation ..." ;
Considérant, d'une part, que, si M. X... a, dans ses déclarations de revenus adressées à l'administration française, indiqué qu'il résidait à Paris, il résulte de l'instruction que le contribuable, qui s'était installé en Belgique en 1947 pour y exercer la profession d'architecte après avoir épousé une ressortissante belge, séjournait habituellement à Bruxelles avec sa famille dans une maison qu'il s'était fait construire en 1956 et y a exercé effectivement sa profession jusqu'à la fin du mois de juin 1973 ; qu'il résulte également de l'instruction que le déménagement de Bruxelles à Paris de l'ensemble du mobilier possédé par le ménage a eu lieu au cours du mois de juin 1974 ; qu'ainsi, M. X..., bien qu'il possédât en France des biens immobiliers et y ait fait de fréquents séjours, notamment pour gérer le patrimoine artistique dont il a hérité, doit être regardé comme ayant conservé son foyer permanent d'habitation à Bruxelles jusqu'à la fin de l'année 1973 et comme ayant déplacé celui-ci à Paris à partir de l'année 1974 ; Considérant, d'autre part, que l'administration n'établit pas que M. X... aurait possédé, au cours des années 1970 à 1973 et au cours des premiers mois de l'année 1974, un établissement stable ou une installation fixe intervenant à un titre quelconque dans les opérations génératrices des bénéfices non commerciaux qu'elle entend soumettre à l'impôt sur le revenu ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que l'administration ne pouvait pas légalement l'assujettir à des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu au titre des années 1970 à 1973 du chef des bénéfices non commerciaux que le contribuable aurait tirés de la vente de sculptures en bronze ; qu'en revanche, il n'est pas fondé à soutenir qu'il ne devait pas être regardé comme résident de France au regard des stipulations de la convention franco-belge du 10 mars 1964 pour l'imposition en France, en 1974, de revenus de cette nature ;
Sur l'imposition des ventes de bronzes réalisées en 1974 : Considérant que, pour justifier l'assujettissement de M. C. X... à l'imposition supplémentaire litigieuse, l'administration soutient qu'en procédant à la vente de bronzes, fondus à partir de sculptures en plâtre qu'il avait hérités de son père, le sculpteur Henri X..., le requérant s'est livré à une exploitation lucrative au sens de l'article 92 du code général des impôts ; Considérant qu'aux termes de l'article 92 de ce code : "1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales ... et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. 2. Ces bénéfices comprennent notamment : ... les produits de droits d'auteurs perçus par les écrivains ou compositeurs et par leurs héritiers ou légataires ; les produits perçus par les inventeurs au titre soit de la concession de licences d'exploitation de leurs brevets, soit de la cession ou concession de marques de fabrique, procédés au formules de fabrication ..." ; Considérant que, si les bénéfices retirés par les artistes des arts graphiques et plastiques de la vente des oeuvres de leur art sont, en vertu des dispositions précitées, imposables à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices des professions non commerciales, les bénéfices réalisés par les héritiers de ces artistes et provenant de la vente d'oeuvres de leur auteur, pour lesquelles ils ont accompli les interventions que celui-ci aurait pu faire ou autoriser de son vivant, telles que la réalisation de sculptures en bronze à partir d'une sculpture en plâtre, présentent soit le caractère de plus-values patrimoniales, lorsque les interventions des héritiers n'ont pas été faites en vue de disposer d'oeuvres destinées à la vente, soit le caractère de bénéfices des professions non commerciales, lorsque les héritiers se sont livrés à une exploitation de l'oeuvre conservant la même nature que l'activité à laquelle l'artiste aurait pu se livrer de son vivant, soit, enfin, de bénéfices industriels et commerciaux lorsque les interventions des héritiers ont été faites à des fins spéculatives ou selon des procédés commerciaux, c'est-à-dire notamment lorsque le nombre des tirages réalisés à partir du modèle original excède ce qui est usuellement admis dans le domaine des oeuvres d'art exécutées de la main de l'artiste ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... a fait tirer des bronzes, à partir d'oeuvres en plâtre réalisées par son père, en se conformant, quant au nombre des fontes par sujet, aux usages de la profession ; qu'il a, au cours de l'année 1974, vendu, par l'entremise d'une galerie spécialisée, quelques unes de ces oeuvres ainsi fondues et a perçu 66 % du prix obtenu par la galerie ; que, ce faisant, le contribuable, qui ne peut être regardé comme ayant vendu occasionnellement une oeuvre qu'il avait fait tirer pour la conserver dans son patrimoine privé, s'est livré à une exploitation de l'oeuvre de son père de même nature que celle à laquelle celui-ci aurait pu se livrer de son vivant et qui a dégagé des profits imposables à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ; qu'il suit de là que le requérant, qui ne conteste pas le calcul des bases d'imposition, n'est pas fondé à demander la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu qui lui a été assignée au titre de l'année 1974 ;
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Paris en date du 25 octobre 1982 est annulé.
Article 2 : M. Claude X... est déchargé des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujettiau titre des années 1970 à 1973.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Claude X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Claude X... et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.
Sur la régularité du jugement attaqué : Considérant qu'il ressort de l'examen des pièces du dossier de première instance que, postérieurement à l'envoi à M. X..., le 13 septembre 1982, par le greffe du tribunal administratif de Paris, de l'avis l'informant que l'affaire serait examinée à l'audience du 11 octobre 1982, le directeur des services fiscaux de Paris a produit, le 30 septembre 1982, un second mémoire en défense qui comportait de nouveaux éléments de fait et de droit ; que, si ce mémoire a été communiqué au requérant, celui-ci n'a pas disposé en l'espèce d'un délai suffisant avant l'audience pour discuter ces éléments ; que, dès lors, M. X... est fondé à soutenir que le jugement attaqué a été rendu sur une procédure irrégulière et à en demander l'annulation ; Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ; Sur le caractère imposable en France des bénéfices non commerciaux réalisés par le contribuable de 1970 à 1974 : Considérant que, pour justifier l'imposition en France de M. X... à l'impôt sur le revenu du chef de bénéfices non commerciaux provenant de la vente de sculptures en bronze tirées de modèles en plâtre réalisés par le père du requérant, l'administration fait valoir que le contribuable était domicilié en France ; Considérant qu'aux termes de l'article 8, alinéa 1er, de la convention fiscale franco-belge du 10 mars 1964 : "Les redevances et autres produits provenant soit de la concession de l'usage de biens mobiliers incorporels, tels que les brevets d'invention, modèles, formules et procédés secrets, marques de fabrique et autres droits analogues, soit de la vente de ces biens, les droits d'auteur et de reproduction, ainsi que les revenus tirés de la location des films cinématographiques, ne sont imposables que dans l'Etat contratant dont le bénéficiaire est un résident. Toutefois, lorsque le bénéficiaire de ces redevances ou produits possède dans l'autre Etat contractant un établissement stable ou une installation fixe qui intervient à un titre quelconque dans les opérations génératrices de ces revenus, ceux-ci ne sont imposables que dans cet autre Etat ..." ; qu'aux termes de l'article 1er, alinéa 2, de cette même convention : "Une personne physique est réputée résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer permanent d'habitation ..." ;
Considérant, d'une part, que, si M. X... a, dans ses déclarations de revenus adressées à l'administration française, indiqué qu'il résidait à Paris, il résulte de l'instruction que le contribuable, qui s'était installé en Belgique en 1947 pour y exercer la profession d'architecte après avoir épousé une ressortissante belge, séjournait habituellement à Bruxelles avec sa famille dans une maison qu'il s'était fait construire en 1956 et y a exercé effectivement sa profession jusqu'à la fin du mois de juin 1973 ; qu'il résulte également de l'instruction que le déménagement de Bruxelles à Paris de l'ensemble du mobilier possédé par le ménage a eu lieu au cours du mois de juin 1974 ; qu'ainsi, M. X..., bien qu'il possédât en France des biens immobiliers et y ait fait de fréquents séjours, notamment pour gérer le patrimoine artistique dont il a hérité, doit être regardé comme ayant conservé son foyer permanent d'habitation à Bruxelles jusqu'à la fin de l'année 1973 et comme ayant déplacé celui-ci à Paris à partir de l'année 1974 ; Considérant, d'autre part, que l'administration n'établit pas que M. X... aurait possédé, au cours des années 1970 à 1973 et au cours des premiers mois de l'année 1974, un établissement stable ou une installation fixe intervenant à un titre quelconque dans les opérations génératrices des bénéfices non commerciaux qu'elle entend soumettre à l'impôt sur le revenu ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que l'administration ne pouvait pas légalement l'assujettir à des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu au titre des années 1970 à 1973 du chef des bénéfices non commerciaux que le contribuable aurait tirés de la vente de sculptures en bronze ; qu'en revanche, il n'est pas fondé à soutenir qu'il ne devait pas être regardé comme résident de France au regard des stipulations de la convention franco-belge du 10 mars 1964 pour l'imposition en France, en 1974, de revenus de cette nature ;
Sur l'imposition des ventes de bronzes réalisées en 1974 : Considérant que, pour justifier l'assujettissement de M. C. X... à l'imposition supplémentaire litigieuse, l'administration soutient qu'en procédant à la vente de bronzes, fondus à partir de sculptures en plâtre qu'il avait hérités de son père, le sculpteur Henri X..., le requérant s'est livré à une exploitation lucrative au sens de l'article 92 du code général des impôts ; Considérant qu'aux termes de l'article 92 de ce code : "1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales ... et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. 2. Ces bénéfices comprennent notamment : ... les produits de droits d'auteurs perçus par les écrivains ou compositeurs et par leurs héritiers ou légataires ; les produits perçus par les inventeurs au titre soit de la concession de licences d'exploitation de leurs brevets, soit de la cession ou concession de marques de fabrique, procédés au formules de fabrication ..." ; Considérant que, si les bénéfices retirés par les artistes des arts graphiques et plastiques de la vente des oeuvres de leur art sont, en vertu des dispositions précitées, imposables à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices des professions non commerciales, les bénéfices réalisés par les héritiers de ces artistes et provenant de la vente d'oeuvres de leur auteur, pour lesquelles ils ont accompli les interventions que celui-ci aurait pu faire ou autoriser de son vivant, telles que la réalisation de sculptures en bronze à partir d'une sculpture en plâtre, présentent soit le caractère de plus-values patrimoniales, lorsque les interventions des héritiers n'ont pas été faites en vue de disposer d'oeuvres destinées à la vente, soit le caractère de bénéfices des professions non commerciales, lorsque les héritiers se sont livrés à une exploitation de l'oeuvre conservant la même nature que l'activité à laquelle l'artiste aurait pu se livrer de son vivant, soit, enfin, de bénéfices industriels et commerciaux lorsque les interventions des héritiers ont été faites à des fins spéculatives ou selon des procédés commerciaux, c'est-à-dire notamment lorsque le nombre des tirages réalisés à partir du modèle original excède ce qui est usuellement admis dans le domaine des oeuvres d'art exécutées de la main de l'artiste ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... a fait tirer des bronzes, à partir d'oeuvres en plâtre réalisées par son père, en se conformant, quant au nombre des fontes par sujet, aux usages de la profession ; qu'il a, au cours de l'année 1974, vendu, par l'entremise d'une galerie spécialisée, quelques unes de ces oeuvres ainsi fondues et a perçu 66 % du prix obtenu par la galerie ; que, ce faisant, le contribuable, qui ne peut être regardé comme ayant vendu occasionnellement une oeuvre qu'il avait fait tirer pour la conserver dans son patrimoine privé, s'est livré à une exploitation de l'oeuvre de son père de même nature que celle à laquelle celui-ci aurait pu se livrer de son vivant et qui a dégagé des profits imposables à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ; qu'il suit de là que le requérant, qui ne conteste pas le calcul des bases d'imposition, n'est pas fondé à demander la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu qui lui a été assignée au titre de l'année 1974 ;
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Paris en date du 25 octobre 1982 est annulé.
Article 2 : M. Claude X... est déchargé des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujettiau titre des années 1970 à 1973.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Claude X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Claude X... et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.