Conseil d'Etat, 9 / 8 SSR, du 31 mars 1993, 88989, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 3 juillet 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société anonyme "LE COQ CHANTANT", dont le siège est à Couthenans (70400) Héricourt, représentée par son président-directeur général en exercice ; la société anonyme "LE COQ CHANTANT" demande que le Conseil d'Etat :

1°) annule le jugement du tribunal administratif de Besançon en date du 6 mai 1987 en tant que, par ce jugement, le tribunal a partiellement rejeté ses demandes en décharges des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1979, 1980 et 1981 dans les rôles de la commune d'Héricourt et des impositions supplémentaires à la retenue à la source au titre des mêmes années qui lui ont été réclamées par avis de mise en recouvrement n° 835460 A du 29 octobre 1983 ;

2°) lui accorde la décharge des impositions contestées ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Dulong, Maître des requêtes,

- les observations de la S.C.P. Coutard, Mayer, avocat de société anonyme "LE COQ CHANTANT",

- les conclusions de M. Gaeremynck, Commissaire du gouvernement ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par décision du 3 février 1989, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des impôts de Franche-Comté a accordé à la société anonyme "LE COQ CHANTANT" le dégrèvement, en droits et pénalités, des retenues à la source restant en litige qui lui avaient été réclamées au titre de 1979 et de 1981 ; qu'à concurrence du montant de ces dégrèvements, la requête de la société est devenue sans objet ;

Sur l'appel de la société :

Considérant que les entreprises industrielles créées entre le 1er juin 1977 et le 31 décembre 1981 ne peuvent prétendre soit à l'abattement du tiers de leurs bénéfices déclarés, institué par l'article 44 bis du code général des impôts, soit de l'exonération, prévue par l'article 44 ter du même code, de la partie de leurs bénéfices déclarés qu'elles s'engagent à maintenir dans l'exploitation qu'à la condition, notamment, de n'avoir pas été créées "dans le cadre ... d'une restructuration d'activités préexistantes ou pour la reprise de telles activités ..." ;

Considérant que M. X... a fait apport à la société anonyme "LE COQ CHANTANT", constituée en 1978, de certains éléments corporels et incorporels du fonds de commerce artisanal de réparation et de vente d'horloges aux particuliers qu'il exploitait auparavant sous la même enseigne ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que M. X... a poursuivi cette exploitation sous une autre enseigne après la création de la sociét et que celle-ci avait une activité différente consistant à fabriquer des horloges et à les vendre uniquement à des professionnels ; que, dans ces conditions, elle ne peut être regardée comme ayant été créée dans le cadre de la restructuration d'une activité préexistante ou pour la reprise d'une telle activité ; que, par suite, et dès lors qu'il n'est pas contesté qu'elle remplissait les autres conditions exigées par les articles 44 bis et 44 ter du code général des impôts, la société anonyme "LE COQ CHANTANT" est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a refusé de lui accorder, pour ses bénéfices déclarés en 1979, l'abattement du tiers prévu par l'article 44 bis et, pour ses bénéfices déclarés de 1980, l'exonération prévue par l'article 44 ter ;

Sur le recours incident du ministre :

Considérant que l'appel de la société anonyme "LE COQ CHANTANT" ne porte que sur l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de 1979 et 1980 ; que, dès lors, les conclusions du recours incident du ministre ne sont recevables qu'en ce qui concerne les mêmes années ;

Considérant qu'en faisant valoir que le dépouillement des factures de vente a révélé que les marchandises que la société cédait à prix coûtant à l'entreprise individuelle de M. X... étaient revendues par celui-ci avec des marges de bénéfice brut de 1,70 en 1979 et de 2,34 en 1980, l'administration apporte la preuve que celle-ci a fait abandon à M. X..., son président-directeur général, des bénéfices qu'elle aurait pu retirer de ses ventes à cette entreprise et a ainsi commis un acte de gestion commerciale anormal ; qu'en se bornant à soutenir, d'une part, que les ventes dont il s'agit portaient sur des articles dépréciés ne pouvant être écoulés par d'autres canaux alors que les marges pratiquées par M. X... sur ces articles étaient très supérieures à celles de la société sur ses ventes à d'autres clients et à alléguer, sans le justifier, qu'elles auraient, en fait, dégagé une marge bénéficiaire de l'ordre de 1,70, d'autre part, qu'elle n'avait à supporter aucun frais de commercialisation, la société ne démontre pas que ces opérations ont été faites dans son seul intérêt, ni qu'elle en a tiré une contrepartie de nature à les justifier ; qu'elle ne combat pas ainsi utilement la preuve à la charge de l'administration ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a accordé à la société la décharge de la fraction d'impôt sur les sociétés résultant de la réintégration dans ses résultats de 1979 et de 1980 des bénéfices correspondant à ces ventes ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société anonyme "LE COQ CHANTANT" est fondée à demander que les bases de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1979 et de 1980 soient réduites, respectivement, de 33 820 F et de 462 660 F et que le ministre est fondé à demander que soient réintégrées dans les mêmes bases des sommes s'élevant, respectivement, à 24 120 F et à 148 764 F ; que, ces divers montants n'étant pas contestés, il y a lieu de réduire en conséquence les bases d'imposition de la société requérante telles qu'arrêtées par le jugement attaqué du tribunal administratif de Besançon ;
Article 1er : Il n'y a lieu de statuer sur les conclusionsde la requête de la société anonyme "LE COQ CHANTANT" relatives aux retenues à la source auxquelles elle avait été assujettie au titre des années 1979 et 1981.
Article 2 : Les bases de l'impôt sur les sociétés assigné à la société anonyme "LE COQ CHANTANT" au titre des années 1979 et 1980 sont réduites respectivement des sommes supplémentaires de 9 700 F et313 896 F.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du6 mai 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société anonyme "LE COQ CHANTANT" et du recours incident du ministre chargé du budget sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme "LE COQ CHANTANT" et au ministre du budget.
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