Conseil d'Etat, 8 / 9 SSR, du 16 juin 1993, 70446, publié au recueil Lebon
Conseil d'Etat, 8 / 9 SSR, du 16 juin 1993, 70446, publié au recueil Lebon
Conseil d'Etat - 8 / 9 SSR
statuant
au contentieux
- N° 70446
- Publié au recueil Lebon
Lecture du
mercredi
16 juin 1993
- Président
- M. Rougevin-Baville
- Rapporteur
- M. Austry
- Avocat(s)
- Me Cossa, Avocat
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 12 juillet 1985, présentée pour la société anonyme "Laboratoires Wellcome", dont le siège est ... ; la société demande que le Conseil d'Etat : 1°) réforme le jugement du 29 avril 1985 par lequel le tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à sa demande en décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1979 ; 2°) lui accorde la décharge de l'imposition restant en litige et des pénalités y afférentes ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code général des impôts ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Austry, Auditeur, - les observations de Me Cossa, avocat de la société anonyme "Laboratoires Wellcome", - les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Sur le redressement afférent à la perte provenant de la liquidation de la société anonyme "Licotal" : Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code que le bénéfice imposable est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt, diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués par les associés ; qu'il en résulte qu'un bilan doit être établi à la date de clôture de chaque période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt et que ce bilan doit exprimer de manière régulière et sincère la situation de l'entreprise ; que, si parmi les opérations de la société figurent des contrats conclus avec des tiers dans le cadre d'une gestion commerciale normale, les conséquences de ces contrats pour l'entreprise doivent être reprises dans le bilan établi à la date de clôture de la période au cours de laquelle les contrats ont été conclus, mais ne peuvent l'être dans le bilan précédent ; que, par suite, lorsqu'un effet rétroactif est attaché à ces contrats par la volonté des parties ou par la loi civile ou commerciale, les conséquences de cette rétroactivité peuvent affecter les résultats de la période au cours de laquelle de pareils contrats ont été effectivement conclus, mais ne peuvent en aucun cas conduire à rectifier ceux de la période précédente ; Considérant qu'en application de ces règles, pour la détermination des bénéfices imposables de la société absorbante dans le cas de fusion de deux sociétés anonymes, le premier bilan dans lequel doivent être prises en compte les conséquences de la fusion est le bilan de clôture de l'exercice au cours duquel la convention de fusion a été définitivement conclue ; que si les deux sociétés sont convenues, comme elles y sont d'ailleurs généralement contraintes par les délais nécessaires notamment à l'évaluation des apports et à la réunion des organes délibérants des deux personnes morales, de donner effet à la fusion à une date déterminée, antérieure à celle à laquelle la convention est définitivement conclue, celles-ci sont tenues de prendre en compte toutes les conséquences de la date ainsi stipulée, à laquelle les effets de la fusion remontent ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société anonyme "Laboratoires Wellcome" a, le 24 août 1979, absorbé la société anonyme "Cooper-France" avec effet rétroactif au 1er septembre 1978 ; que cette dernière société avait elle-même dissous à compter du 23 août 1979, sa filiale, la société anonyme "Licotal" après avoir racheté l'ensemble de ses actions et pris en charge son passif ; que, pour la détermination de l'impôt sur les sociétés dont elle était redevable à raison des bénéfices de l'exercice clos le 31 août 1979, la société anonyme "Laboratoires Wellcome" a calculé le bénéfice net de l'exercice d'après les résultats d'ensemble de ses opérations de toute nature, y compris celles qu'elle avait faites du 1er septembre 1978 au 24 août 1979, date de la seconde des deux délibérations d'assemblées générales d'actionnaires nécessaires pour que la fusion fut juridiquement parfaite, aux lieu et place de la société absorbée en imputant notamment sur ses bénéfices le montant de la perte de liquidation de la société anonyme "Licotal", subie par la société anonyme "Cooper-France" ; Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'à concurrence de 2 906 484,79 F, la perte de liquidation de la société anonyme "Licotal" correspondait au montant des déficits cumulés de cette société antérieurement à la date du 1er septembre 1978, à laquelle est réputé avoir été évalué le bilan d'apport de la société anonyme "Cooper-France" ; qu'ainsi la somme correspondante doit être regardée comme un élément dont les parties au traité de fusion avaient déjà tenu compte dans l'évaluation de l'actif net de la société anonyme " Cooper-France" transféré à cette date, par l'effet de ce contrat, à la société anonyme "Laboratoires Wellcome" ; que celle-ci ne pouvait, par suite, en tenir compte à nouveau pour déterminer, à la clôture de cet exercice, la variation de son actif net servant au calcul de son bénéfice imposable ;
Considérant, en second lieu, que la perte de liquidation de la société anonyme "Licotal" représentait, pour le surplus, soit un montant de 766 514,91 F, la perte née de la poursuite de l'activité de cette société du 1er septembre 1978 au 23 août 1979, soit pendant la période comprise entre la date d'effet de la fusion et celle de la réalisation définitive de celle-ci ; que cette perte, supportée, par la société anonyme "Cooper-France", est réputée, en application des règles rappelées ci-dessus, l'avoir été par la société anonyme "Laboratoires Wellcome" ; Considérant, il est vrai, que le ministre entend soutenir, pour faire échec à la déduction de cette perte, que le traité de fusion susanalysé aurait été conclu dans un but exclusivement fiscal ; qu'il est toutefois constant qu'en signant ce traité, qui avait d'ailleurs obtenu l'agrément ministériel prévu au II de l'article 209 du code général des impôts, les sociétés ont poursuivi un but essentiellement économique ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société anonyme "Laboratoires Wellcome" est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris ne lui a pas accordé la réduction des impositions contestées correspondant à la déduction des bénéfices imposables au titre de l'année 1979 de la somme de 766 514,91 F ; qu'il y a lieu de réformer le jugement attaqué sur ce point ;
Sur le redressement afférent à la réduction du déficit de l'exercice 1972/1973 : Considérant que l'administration a réduit de 720 452 F, montant regardé par elle comme correspondant à un transfert indirect de bénéfices à l'étranger, le déficit constaté par la société anonyme "Laboratoires Wellcome" au titre de l'exercice clos le 31 août 1973 ; que cette réduction ayant eu, par le jeu des amortissements réputés différés, une influence sur le montant du supplément d'imposition mis à la charge de la société au titre de l'exercice 1979, celle-ci était recevable à contester la réduction de son déficit au titre de l'exercice clos le 31 août 1973, à l'appui de ses conclusions dirigées contre cette imposition supplémentaire ; Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article 57 du code général des impôts que, s'agissant des entreprises qui sont sous la dépendance d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités ; Considérant qu'en se bornant à faire état de ce que la marge bénéficiaire constatée pour l'exercice 1972-1973 est légèrement inférieure en ce qui concerne les produits pharmaceutiques et réactifs à la marge bénéficiaire moyenne constatée au cours des années suivantes, et de ce que les résultats observés au titre de la même année sont inférieurs aux résultats des entreprises comparables, l'administration n'établit pas l'existence d'un majoration des prix d'achat des produits concernés ; que dès lors, l'administration n'était pas en droit de faire application des dispositions de l'article 57 précité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a déchargé la société anonyme "Laboratoires Wellcome" des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre de l'exercice 1979 à raison de la somme regardée comme un bénéfice transféré à l'étranger au titre de l'exercice 1972-1973 ;
Article 1er : Les bases de l'impôt sur les sociétés dû parla société anonyme "Laboratoires Wellcome" au titre de l'année 1979 seront réduites de 766 514,91 F.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 29 avril 1985 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société anonyme "Laboratoires Wellcome" est rejeté.
Article 4 : Le recours incident du ministre chargé du budget est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme "Laboratoires Wellcome" et au ministre du budget.
Sur le redressement afférent à la perte provenant de la liquidation de la société anonyme "Licotal" : Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code que le bénéfice imposable est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt, diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués par les associés ; qu'il en résulte qu'un bilan doit être établi à la date de clôture de chaque période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt et que ce bilan doit exprimer de manière régulière et sincère la situation de l'entreprise ; que, si parmi les opérations de la société figurent des contrats conclus avec des tiers dans le cadre d'une gestion commerciale normale, les conséquences de ces contrats pour l'entreprise doivent être reprises dans le bilan établi à la date de clôture de la période au cours de laquelle les contrats ont été conclus, mais ne peuvent l'être dans le bilan précédent ; que, par suite, lorsqu'un effet rétroactif est attaché à ces contrats par la volonté des parties ou par la loi civile ou commerciale, les conséquences de cette rétroactivité peuvent affecter les résultats de la période au cours de laquelle de pareils contrats ont été effectivement conclus, mais ne peuvent en aucun cas conduire à rectifier ceux de la période précédente ; Considérant qu'en application de ces règles, pour la détermination des bénéfices imposables de la société absorbante dans le cas de fusion de deux sociétés anonymes, le premier bilan dans lequel doivent être prises en compte les conséquences de la fusion est le bilan de clôture de l'exercice au cours duquel la convention de fusion a été définitivement conclue ; que si les deux sociétés sont convenues, comme elles y sont d'ailleurs généralement contraintes par les délais nécessaires notamment à l'évaluation des apports et à la réunion des organes délibérants des deux personnes morales, de donner effet à la fusion à une date déterminée, antérieure à celle à laquelle la convention est définitivement conclue, celles-ci sont tenues de prendre en compte toutes les conséquences de la date ainsi stipulée, à laquelle les effets de la fusion remontent ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société anonyme "Laboratoires Wellcome" a, le 24 août 1979, absorbé la société anonyme "Cooper-France" avec effet rétroactif au 1er septembre 1978 ; que cette dernière société avait elle-même dissous à compter du 23 août 1979, sa filiale, la société anonyme "Licotal" après avoir racheté l'ensemble de ses actions et pris en charge son passif ; que, pour la détermination de l'impôt sur les sociétés dont elle était redevable à raison des bénéfices de l'exercice clos le 31 août 1979, la société anonyme "Laboratoires Wellcome" a calculé le bénéfice net de l'exercice d'après les résultats d'ensemble de ses opérations de toute nature, y compris celles qu'elle avait faites du 1er septembre 1978 au 24 août 1979, date de la seconde des deux délibérations d'assemblées générales d'actionnaires nécessaires pour que la fusion fut juridiquement parfaite, aux lieu et place de la société absorbée en imputant notamment sur ses bénéfices le montant de la perte de liquidation de la société anonyme "Licotal", subie par la société anonyme "Cooper-France" ; Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'à concurrence de 2 906 484,79 F, la perte de liquidation de la société anonyme "Licotal" correspondait au montant des déficits cumulés de cette société antérieurement à la date du 1er septembre 1978, à laquelle est réputé avoir été évalué le bilan d'apport de la société anonyme "Cooper-France" ; qu'ainsi la somme correspondante doit être regardée comme un élément dont les parties au traité de fusion avaient déjà tenu compte dans l'évaluation de l'actif net de la société anonyme " Cooper-France" transféré à cette date, par l'effet de ce contrat, à la société anonyme "Laboratoires Wellcome" ; que celle-ci ne pouvait, par suite, en tenir compte à nouveau pour déterminer, à la clôture de cet exercice, la variation de son actif net servant au calcul de son bénéfice imposable ;
Considérant, en second lieu, que la perte de liquidation de la société anonyme "Licotal" représentait, pour le surplus, soit un montant de 766 514,91 F, la perte née de la poursuite de l'activité de cette société du 1er septembre 1978 au 23 août 1979, soit pendant la période comprise entre la date d'effet de la fusion et celle de la réalisation définitive de celle-ci ; que cette perte, supportée, par la société anonyme "Cooper-France", est réputée, en application des règles rappelées ci-dessus, l'avoir été par la société anonyme "Laboratoires Wellcome" ; Considérant, il est vrai, que le ministre entend soutenir, pour faire échec à la déduction de cette perte, que le traité de fusion susanalysé aurait été conclu dans un but exclusivement fiscal ; qu'il est toutefois constant qu'en signant ce traité, qui avait d'ailleurs obtenu l'agrément ministériel prévu au II de l'article 209 du code général des impôts, les sociétés ont poursuivi un but essentiellement économique ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société anonyme "Laboratoires Wellcome" est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris ne lui a pas accordé la réduction des impositions contestées correspondant à la déduction des bénéfices imposables au titre de l'année 1979 de la somme de 766 514,91 F ; qu'il y a lieu de réformer le jugement attaqué sur ce point ;
Sur le redressement afférent à la réduction du déficit de l'exercice 1972/1973 : Considérant que l'administration a réduit de 720 452 F, montant regardé par elle comme correspondant à un transfert indirect de bénéfices à l'étranger, le déficit constaté par la société anonyme "Laboratoires Wellcome" au titre de l'exercice clos le 31 août 1973 ; que cette réduction ayant eu, par le jeu des amortissements réputés différés, une influence sur le montant du supplément d'imposition mis à la charge de la société au titre de l'exercice 1979, celle-ci était recevable à contester la réduction de son déficit au titre de l'exercice clos le 31 août 1973, à l'appui de ses conclusions dirigées contre cette imposition supplémentaire ; Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article 57 du code général des impôts que, s'agissant des entreprises qui sont sous la dépendance d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités ; Considérant qu'en se bornant à faire état de ce que la marge bénéficiaire constatée pour l'exercice 1972-1973 est légèrement inférieure en ce qui concerne les produits pharmaceutiques et réactifs à la marge bénéficiaire moyenne constatée au cours des années suivantes, et de ce que les résultats observés au titre de la même année sont inférieurs aux résultats des entreprises comparables, l'administration n'établit pas l'existence d'un majoration des prix d'achat des produits concernés ; que dès lors, l'administration n'était pas en droit de faire application des dispositions de l'article 57 précité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a déchargé la société anonyme "Laboratoires Wellcome" des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre de l'exercice 1979 à raison de la somme regardée comme un bénéfice transféré à l'étranger au titre de l'exercice 1972-1973 ;
Article 1er : Les bases de l'impôt sur les sociétés dû parla société anonyme "Laboratoires Wellcome" au titre de l'année 1979 seront réduites de 766 514,91 F.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 29 avril 1985 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société anonyme "Laboratoires Wellcome" est rejeté.
Article 4 : Le recours incident du ministre chargé du budget est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme "Laboratoires Wellcome" et au ministre du budget.