Conseil d'Etat, 9 / 7 SSR, du 17 avril 1992, 82308, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 25 septembre 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. et Mme Y..., demeurant 9 rue du Centre à Neuilly-sur-Seine (92200) ; M. et Mme Y... demandent que le Conseil d'Etat :

1°) annule le jugement en date du 16 juin 1986 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1975 à 1979 à la suite de la réintégration aux revenus imposables de leur foyer fiscal des déficits provenant de l'activité d'artiste exercée par Mme Y... ;

2°) prononce la décharge de ces impositions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu :

- le rapport de M. de Longevialle, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Gaeremynck, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en vertu des dispositions applicables en l'espèce de l'article 156 du code général des impôts, l'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel de chaque contribuable eu égard à toutes les sources de revenu dont il dispose et sous déduction, notamment, "I du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ...Toutefois n'est pas autorisée l'imputation ...2°) des déficits provenant d'activités non commerciales au sens de l'article 92, autres que ceux qui proviennent de l'exercice d'une profession libérale ... ; ces déficits peuvent cependant être imputés sur les bénéfices tirés d'activités semblables durant la même année ou les cinq années suivantes ..." ;

Considérant que M. et Mme Y... demandent la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis à raison de la réintégration dans leurs bases imposables des sommes de 21 010 F, 37 278 F, 44 566 F, 23 615 F et 27 631 F qu'ils avaient, au titre des années 1974 à 1979 et en application des dispositions précitées, déduites de leur revenu global, en tant que déficits professionnels provenant de l'activité d'artiste peintre et sculpteur de Mme Y... ;

Considérant que, pour refuser l'imputation sur le revenu global du ménage des déficits en cause, l'administration, qui ne conteste pas que les dépenses à l'origine desdits déficits avaient bien été exposées par Mme X... pour les besoins de son activité artistique, fait valoir que cette activité ne présenterait pas le caractère professionnel, du fait que les recettes qui en ont été tirées et dont les montants déclarés ne sont pas discutés ont été limitées à 1 400 F en 1975, 9 100 F en 1976, 12 632 F en 1977 et ont été nulles en 1978 et 1979 ;

Mais considérant qu'il n'est pas contesté que, durant les années en cause, Mme Y... s'est cosacrée de manière constante à la pratique de son art ; qu'elle a régulièrement participé aux expositions publiques et aux salons de peinture et de sculpture pouvant lui permettre d'acquérir la notoriété nécessaire à la vente de ses oeuvres ; que celles-ci ont été également exposées dans plusieurs galeries commerciales ; que Mme Y... a concouru pour différents prix et d'ailleurs été distinguée à de nombreuses reprises ; qu'elle a utilisé les moyens de promotion auxquels un artiste désireux de vendre ses oeuvres peut recourir ; qu'ainsi, et en dépit de la modicité des recettes effectivement tirée de son activité artistique, elle devait être regardée comme ayant exercé cette dernière en vue d'obtenir un revenu ; que, dès lors, ladite activité présentait le caractère d'une activité professionnelle au nombre de celles visées au 2°) du I de l'article 156 du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que l'administration a refusé d'imputer sur le revenu global des contribuables les déficits professionnels susmentionnés provenant de l'activité artistique de Mme Y... ; que les requérants sont par suite fondés à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande en décharge des compléments d'impôts sur le revenu litigieux ;
Article 1er : Le jugement susvisé en date du 16 juin 1986 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : M. et Mme Y... sont déchargés des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre de chacune des années 1975 à 1979.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Y... et au ministre délégué au budget.
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