Conseil d'Etat, 7 / 9 SSR, du 1 juin 1990, 67053, mentionné aux tables du recueil Lebon
Conseil d'Etat, 7 / 9 SSR, du 1 juin 1990, 67053, mentionné aux tables du recueil Lebon
Conseil d'Etat - 7 / 9 SSR
statuant
au contentieux
- N° 67053
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
vendredi
01 juin 1990
- Président
- M. Rougevin-Baville
- Rapporteur
- Mme Denis-Linton
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET enregistré le 21 mars 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement du 1er août 1984 par lequel le tribunal administratif de Lille a accordé à M. Y... la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1974 ; 2°) rétablisse l'imposition contestée à la charge de M. Y... ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code général des impôts ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Après avoir entendu : - le rapport de Mme Denis-Linton, Maître des requêtes, - les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en réponse, le 5 juillet 1978, à la demande qui lui a été adressée le 5 juin 1978 sur le fondement de l'article 176 du code général des impôts de justifier l'origine, d'une part, des fonds lui ayant permis d'acheter, pour une somme de 425 000 F deux billets de loterie gagnants dont le produit de 400 000 F avait été encaissé par sa banque le 25 juillet 1974, d'autre part, du versement de 50 000 F en espèces sur son compte bancaire le 31 décembre 1974, M. Y..., à l'appui de son allégation selon laquelle les sommes en cause provenaient de la vente d'or et de bons de caisse qu'il détenait avant 1974, s'est borné à produire des documents relatant des achats et ventes d'or et de bons de caisse réalisés de façon anonyme ; qu'une telle réponse, qui ne permettait pas de vérifier l'origine des sommes indiquées équivalait à un défaut de réponse ; que, dès lors, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour décharger M. Y... du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1974 à raison de la taxation d'office, en tant que revenu d'origine indéterminée, de la somme de 475 000 F, le tribunal administratif s'est fondé sur le fait que la réponse de M. Y... ne pouvait, pour l'application de l'article 179 du code général des impôts, être regardée comme équivalent à un défaut de réponse ; Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y... devant le tribunal administratif de Lille ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 5 de l'article 1649 quinquies A, alors en vigueur : "Quand elle a procédé à une vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble au regard de l'impôt sur le revenu, l'administration doit, même en l'absence de redressement, en porter les résultats à la connaissance du contribable. Elle ne peut plus procéder à des redressements pour la même période et pour le même impôt, à moins que le contribuable n'ait fourni à l'administration des éléments incomplets ou inexacts." ; Considérant que M. Y... ne conteste pas qu'ainsi qu'en fait état un rapport du service régional de police judiciaire communiqué à l'administration fiscale en 1978 il a, en juillet 1974, acheté pour le prix de 425 000 F deux billets de la loterie nationale ouvrant droit à un gain de 400 000 F qu'il a fait encaisser par sa banque ; qu'eu égard aux dispositions qu'il avait ainsi prises pour être en mesure, en cas d'examen de ses comptes bancaires à l'occasion d'une vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble, de justifier par une apparence de gain personnel à la loterie la somme de 400 000 F dont son compte bancaire a été crédité en juillet 1974, M. Y... doit être regardé comme ayant fourni à l'administration à l'occasion de la production de ses relevés bancaires des éléments d'appréciation incomplets et inexacts sur sa situation fiscale d'ensemble lors de la vérification de cette situation dont il a fait l'objet, en 1976, au titre notamment de l'année 1974 ; que, dès lors, il ne peut utilement soutenir que les dispositions précitées faisaient obstacle à ce que l'administration ayant été informée en 1978 d'un élément nouveau qui par lui-même était de nature à établir que le contribuable avait en 1974 organisé une dissimulation, procède, à une nouvelle vérification au titre de cette année et, notamment, lui adresse, sur le fondement de l'article 176 du code général des impôts la demande de justifications susmentionnée, à concurrence de la somme de 425 000 F correspondant au prix des 2 billets de loterie ; qu'en revanche, le service n'était pas fondé à lui adresser une telle demande pour le versement en espèces de 50 000 F en date du 31 décembre 1974 pour lequel M. Y... n'a pas fourni de renseignements inexacts ou incomplets ;
Considérant, en second lieu, que, conformément à l'article 3.II de la loi du 29 décembre 1977, la notification en date du 28 novembre 1978 précise que les revenus taxés d'office seraient taxés dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée par application des articles 176 et 179 du code général des impôts ; qu'aucune disposition n'exigeait de l'administration qu'elle motive le recours à une deuxième vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble ; qu'ainsi le requérant n'est pas fondé à soutenir que cette notification serait irrégulière ; Considérant, en troisième lieu, que M. Y... ne justifie devant le juge de l'impôt par aucune attestation probante que la somme de 475 000 F taxée d'office au titre de revenus d'origine indéterminée proviendrait, comme il persiste à l'alléguer, de ventes d'or et de bons de caisse qu'il possédait avant 1974 ; que cette somme ne constituant pas le solde d'une balance de trésorerie, il ne peut utilement soutenir que la base d'imposition devrait être réduite de ses revenus déclarés et prendre en compte le solde de ses comptes bancaires en début et en fin d'année ; Considérant enfin qu'il ressort des faits ci-dessus rappelés que M. Y... a mis en euvre un procédé ayant pour but d'égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle ; qu'ainsi l'administration établit l'existence de man euvres frauduleuses de nature à justifier, par application de l'article 1729 du code général des impôts, la majoration de 100 % dont ont été assortis les droits en litige ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précéde que le ministre est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué, ainsi que le rétablissement de M. Y... au rôle de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1974 à raison des droits et pénalités correspondant à la somme de 425 000 F ci-dessus mentionnée ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 1er août 1984 est annulé.
Article 2 : M. Y... est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1974 à concurrence de la réintégration dans ses bases d'imposition de la somme de 425 000 F.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Y... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en réponse, le 5 juillet 1978, à la demande qui lui a été adressée le 5 juin 1978 sur le fondement de l'article 176 du code général des impôts de justifier l'origine, d'une part, des fonds lui ayant permis d'acheter, pour une somme de 425 000 F deux billets de loterie gagnants dont le produit de 400 000 F avait été encaissé par sa banque le 25 juillet 1974, d'autre part, du versement de 50 000 F en espèces sur son compte bancaire le 31 décembre 1974, M. Y..., à l'appui de son allégation selon laquelle les sommes en cause provenaient de la vente d'or et de bons de caisse qu'il détenait avant 1974, s'est borné à produire des documents relatant des achats et ventes d'or et de bons de caisse réalisés de façon anonyme ; qu'une telle réponse, qui ne permettait pas de vérifier l'origine des sommes indiquées équivalait à un défaut de réponse ; que, dès lors, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour décharger M. Y... du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1974 à raison de la taxation d'office, en tant que revenu d'origine indéterminée, de la somme de 475 000 F, le tribunal administratif s'est fondé sur le fait que la réponse de M. Y... ne pouvait, pour l'application de l'article 179 du code général des impôts, être regardée comme équivalent à un défaut de réponse ; Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y... devant le tribunal administratif de Lille ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 5 de l'article 1649 quinquies A, alors en vigueur : "Quand elle a procédé à une vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble au regard de l'impôt sur le revenu, l'administration doit, même en l'absence de redressement, en porter les résultats à la connaissance du contribable. Elle ne peut plus procéder à des redressements pour la même période et pour le même impôt, à moins que le contribuable n'ait fourni à l'administration des éléments incomplets ou inexacts." ; Considérant que M. Y... ne conteste pas qu'ainsi qu'en fait état un rapport du service régional de police judiciaire communiqué à l'administration fiscale en 1978 il a, en juillet 1974, acheté pour le prix de 425 000 F deux billets de la loterie nationale ouvrant droit à un gain de 400 000 F qu'il a fait encaisser par sa banque ; qu'eu égard aux dispositions qu'il avait ainsi prises pour être en mesure, en cas d'examen de ses comptes bancaires à l'occasion d'une vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble, de justifier par une apparence de gain personnel à la loterie la somme de 400 000 F dont son compte bancaire a été crédité en juillet 1974, M. Y... doit être regardé comme ayant fourni à l'administration à l'occasion de la production de ses relevés bancaires des éléments d'appréciation incomplets et inexacts sur sa situation fiscale d'ensemble lors de la vérification de cette situation dont il a fait l'objet, en 1976, au titre notamment de l'année 1974 ; que, dès lors, il ne peut utilement soutenir que les dispositions précitées faisaient obstacle à ce que l'administration ayant été informée en 1978 d'un élément nouveau qui par lui-même était de nature à établir que le contribuable avait en 1974 organisé une dissimulation, procède, à une nouvelle vérification au titre de cette année et, notamment, lui adresse, sur le fondement de l'article 176 du code général des impôts la demande de justifications susmentionnée, à concurrence de la somme de 425 000 F correspondant au prix des 2 billets de loterie ; qu'en revanche, le service n'était pas fondé à lui adresser une telle demande pour le versement en espèces de 50 000 F en date du 31 décembre 1974 pour lequel M. Y... n'a pas fourni de renseignements inexacts ou incomplets ;
Considérant, en second lieu, que, conformément à l'article 3.II de la loi du 29 décembre 1977, la notification en date du 28 novembre 1978 précise que les revenus taxés d'office seraient taxés dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée par application des articles 176 et 179 du code général des impôts ; qu'aucune disposition n'exigeait de l'administration qu'elle motive le recours à une deuxième vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble ; qu'ainsi le requérant n'est pas fondé à soutenir que cette notification serait irrégulière ; Considérant, en troisième lieu, que M. Y... ne justifie devant le juge de l'impôt par aucune attestation probante que la somme de 475 000 F taxée d'office au titre de revenus d'origine indéterminée proviendrait, comme il persiste à l'alléguer, de ventes d'or et de bons de caisse qu'il possédait avant 1974 ; que cette somme ne constituant pas le solde d'une balance de trésorerie, il ne peut utilement soutenir que la base d'imposition devrait être réduite de ses revenus déclarés et prendre en compte le solde de ses comptes bancaires en début et en fin d'année ; Considérant enfin qu'il ressort des faits ci-dessus rappelés que M. Y... a mis en euvre un procédé ayant pour but d'égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle ; qu'ainsi l'administration établit l'existence de man euvres frauduleuses de nature à justifier, par application de l'article 1729 du code général des impôts, la majoration de 100 % dont ont été assortis les droits en litige ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précéde que le ministre est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué, ainsi que le rétablissement de M. Y... au rôle de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1974 à raison des droits et pénalités correspondant à la somme de 425 000 F ci-dessus mentionnée ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 1er août 1984 est annulé.
Article 2 : M. Y... est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1974 à concurrence de la réintégration dans ses bases d'imposition de la somme de 425 000 F.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Y... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.