Conseil d'Etat, 7 / 8 SSR, du 4 décembre 1989, 70402, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le recours du ministre de l'économie, des finances et du budget enregistré le 11 juillet 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :

1°) annule le jugement du 27 février 1985 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a déchargé la société française d'assistance technique industrielle et commerciale (SOFRATEIC) du complément d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'année 1979,

2°) rétablisse la société SOFRATEIC au rôle de l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1979 à raison de l'intégralité des droits et pénalités qui lui avaient été assignés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu :

- le rapport de Mme Denis-Linton, Maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Hagelsteen, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 39-1 du code général des impôts : "Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprennent ...notamment : ...5°) les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées, et que des évènements en cours rendent probables ..." ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provisions et déduire des bénéfices imposables des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par l'entreprise, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent en outre comme probables eu égard aux circonstances de fait constatées à la date de clôture de l'exercice, et qu'enfin, elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, que la provision pour pertes et charges de 382 903 F, constituée par la société française d'assistance technique industrielle et commerciale (SOFRATEIC) le 31 mars 1979 à la clôture de l'exercice, après le règlement pendant cet exercice du solde du marché principal conclu par elle en 1977 avec la société TAPROMA pour la réalisation d'une tannerie à Bamako, n'était destinée à faire face qu'au risque encouru à raison de la survenance d'un éventuel contentieux relatif à l'exécution de ce marché ; que, toutefois, la SOFRATEIC n'établit pas que son client l'aurait saisie d'une demande en dommages-intérêts ou en indemnité ou aurait intenté une action en justice avantla clôture de l'exercice 1979 ; que, dès lors, elle ne justifie d'aucune perte ou charge future afférente au marché principal susmentionné dont la survenance était probable à la clôture de cet exercice ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur les dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts pour admettre la déductibilité de la provision litigieuse ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen présenté par la SOFRATEIC en première instance ;

Considérant que la société SOFRATEIC soutient que, par application d'une instruction administrative du 31 mai 1979, donc antérieure à la date limite de déclaration des résultats de l'exercice clos le 31 mars 1979 et dont elle est dès lors en droit de se prévaloir sur le fondement de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts repris à l'article L. 80-A du livre des procédures fiscales, la provision litigieuse, en fait évaluée à 5 % du prix hors taxe du marché, doit être regardée comme justifiée à hauteur de la moitié de son montant ;

Considérant, toutefois, qu'il ressort des termes mêmes de l'instruction invoquée que le bénéfice de la mesure selon laquelle une provision qui n'excède pas 2,50 % du prix hors taxe du marché est regardée comme automatiquement justifiée est limitée à la provision constituée par l'ensemblier industriel, en vue de faire face au bon accomplissement des obligations de résultat prévues au contrat, à la clôture de l'exercice au cours duquel a été prononcée la réception de l'appareil industriel ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la réception des travaux d'installation d'une tannerie à Bamako a eu lieu postérieurement au 31 mars 1979 ; que, dès lors, la provision litigieuse n'entre pas dans les prévisions de l'instruction susmentionnée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et le rétablissement de la société SOFRATEIC au rôle de l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1979 à raison de l'intégralité des droits et pénalités qui lui avaient été assignés ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 27 février 1985 est annulé.
Article 2 : La société SAFRATEIC est rétablie au rôle de l'impôtsur les sociétés au titre de l'année 1979 à raison de l'intégralité des droits et pénalités qui lui avaient été assignés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société SOFRATEIC et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.
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