Conseil d'Etat, 9 / 8 SSR, du 17 mai 1989, 62199, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 30 août 1984 et 26 décembre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société à responsabilité limitée "MISS KATE", dont le siège social est ..., représentée par son gérant en exercice domicilié audit siège et tendant à ce que le Conseil d'Etat :

1°) annule le jugement en date du 16 mai 1984 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Marseille n'a que partiellement fait droit à sa demande en réduction du complément de la taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 1974 au 31 décembre 1978 et a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1974, 1975, 1976 et 1977 ;

2°) lui accorde la réduction des compléments de taxe sur la valeur ajoutée et la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Vu la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 ;

Après avoir entendu :

- le rapport de M. Dulong, Maître des requêtes,

- les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de la société à responsabilité limitée "MISS KATE",

- les conclusions de Mme Liébert-Champagne, Commissaire du gouvernement ;

En ce qui concerne les impositions établies au titre de l'année 1974 :

Sur la régularité de la procédure d'imposition et la charge de la preuve :

Considérant qu'il est constant que la S.A.R.L. "MISS KATE" a reçu le 5 octobre 1978 notification d'un avis de vérification de comptabilité l'informant qu'elle avait la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix ; que la vérification a commencé le 12 octobre 1978 ; qu'ainsi la société requérante doit être regardée comme ayant été mise en mesure, en temps utile, de prendre toutes dispositions pour se faire assister d'un conseil ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par lettre du 14 octobre 1978, le gérant de la société a demandé que la vérification de comptabilité ait lieu dans les locaux de l'administration et que le vérificateur a remis audit gérant un reçu détaillé des documents emportés ; qu'ainsi la société n'est pas fondée à soutenir que cet emport aurait été irrégulier ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur s'est rendu à cinq reprises au siège de la société ; qu'il a procédé avec le gérant de celle-ci à deux relevés de prix ; que, dans ces conditions, la société n'établit qu'elle aurait été privée de la possibilité de bénéficier, sur place, d'un débat oral et contradictoire ;

Considérnt que les deux notifications de redressements adressées les 14 décembre 1978 et 22 janvier 1979 à la S.A.R.L. "MISS KATE", dont la remise de la main à la main n'affecte pas la régularité, mentionnent expressément que l'administration entend faire usage de la procédure de redressement unifiée ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'absence d'une telle indication manque en fait ;

Considérant que, contrairement à ce qu'elle soutient, la société a disposé du délai légal minimum de trente jours prévu par les dispositions, alors en vigueur, de l'article 1649 quinquies A du code général des impôts pour présenter ses observations en réponse aux notifications de redressements qui lui ont été adressées et que les impositions litigieuses n'ont été établies qu'après l'expiration de ce délai ;

Considérant que si la société soutient que son gérant a fait l'objet de pressions pour accepter les propositions de redressements de l'administration, elle n'apporte aucune précision à l'appui de cette allégation ;

Considérant que la société a accepté les redressements qui lui ont été notifiés ; que, dès lors, elle ne peut obtenir, par la voie contentieuse, la décharge ou la réduction des compléments d'imposition mis à sa charge qu'en apportant la preuve de l'exagération des bases retenues par l'administration ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant que la S.A.R.L. "MISS KATE", ne peut se fonder, pour apporter la preuve du caractère exagéré du montant des bases d'imposition retenues par l'administration, sur les données de sa comptabilité, dès lors que celle-ci, qui ne comprenait pas d'inventaire détaillé et dégageait un taux de marge brute insuffisant était dépourvue de valeur probante ;

Considérant que les marges brutes ont été déterminées à l'aide de relevés de prix effectués en 1978, lors de la vérification ; que la méthode du vérificateur s'appuie, dans la mesure où les documents qui lui ont été produits le lui permettaient, sur des données propres à l'entreprise et acceptées par la société ; que celle-ci ne saurait reprocher, de manière pertinente, au vérificateur d'avoir utilisé, pour la reconstitution des bases d'imposition afférentes à l'année 1974, des données constatées en 1978, dès lors qu'elle n'établit pas que les conditions de son exploitation étaient différentes au cours de cette dernière année de celles des années antérieures ;

Considérant que si la société fait état de l'importance des remises accordées à sa clientèle, elle n'établit pas que les remises qu'elle a pratiquées étaient supérieures à celles qui ont été admises par l'administration ;

Considérant qu'il suit de là que la S.A.R.L. "MISS KATE" n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif n'a que partiellement fait droit à sa demande en réduction du complément de la taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 1974 au 31 décembre 1974 et a rejeté sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1974 ;

En ce qui concerne les impositions établies au titre des années 1975, 1976 et 1977 :

Considérant que l'administration soutient que la comptabilité de la S.A.R.L. "MISS KATE", dont elle ne conteste pas la régularité, comportait des lacunes et des insuffisances qui lui ôtaient tout caractère sincère et, par suite, toute valeur probante ; que le fait que cette comptabilité dégagerait un taux de marge brute anormalement bas ne peut, toutefois, être à lui seul retenu pour l'écarter ; que si l'administration fait valoir que les documents comptables ne présentaient pas une identification précise des marchandises vendues, elle n'apporte, à l'appui de cette allégation aucun élément susceptible de permettre d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il en est de même de sa critique du caractère "excessivement sommaire" du mode de calcul des stocks ; que, dans ces conditions, la société doit être regardée comme apportant, par sa comptabilité, la preuve de l'exagération des impositions qu'elle conteste ; qu'elle est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande en réduction du complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 1975 au 31 décembre 1978 ainsi que sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés, auxquels elle a été assujettie au titre des années 1975, 1976 et 1977 ;
Article 1er : La S.A.R.L. "MISS KATE" est déchargée, à concurrence de 3 384 F et des pénalités correspondantes, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1975 au 31 décembre 1978, ainsi que de la totalité des suppléments d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre des années 1975, 1976 et 1977.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 mai 1976 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la S.A.R.L. "MISS KATE" est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la S.A.R.L. "MISS KATE" et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


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