Conseil d'Etat, 7 / 9 SSR, du 30 octobre 1989, 57497, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 7 mars 1984 et 9 juillet 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour les héritiers de M. Joseph Y..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :

1°) annule le jugement du 28 novembre 1983 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles l'intéressé a été assujetti au titre des années 1974 et 1975 ainsi que de la majoration exceptionnelle au titre de l'année 1975 et des pénalités y afférentes pour les bénéfices industriels et commerciaux tirés du restaurant "Chez Bébert" qu'il exploite à Paris ;

2°) lui accorde la décharge des impositions litigieuses,

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu :

- le rapport de Mme Denis-Linton, Maître des requêtes,

- les observations de la S.C.P. Célice, Blancpain, avocat des Héritiers de M. Joseph Y...,

- les conclusions de Mme Hagelsteen, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition et la charge de la preuve :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1987 du code général des impôts alors en vigueur : "Les administrations de l'Etat, des départements ... ne peuvent opposer le secret professionnel aux agents de l'administration des impôts qui leur demandent communication des documents de service qu'ils détiennent" ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la transmission du rapport de la brigade nationale d'enquêtes économiques agissant dans le cadre de l'ordonnance du 30 juin 1945 sur les prix et faisant état de ce que la société "Quick chemises" qui assure le blanchissage du linge de table du restaurant "chez Bébert" qu'exploite le requérant n'a facturé que partiellement les prestations de service fournies à celui-ci, n'a pas été précédé d'une demande des services fiscaux ; que les requérants ne sont dès lors pas fondés, en tout état de cause, à soutenir que le droit de communication aurait été exercé irrégulièrement ;

Considérant, d'autre part, que l'administration, bien qu'elle ait regardé la comptabilité de M. Y... comme non probante, a néanmoins soumis le litige à la commission départementale des impôts directs ; que les impositions supplémentaires ont été établies conformément à l'avis de ladite commission ; qu'il appartient dès lors aux requérants d'apporter la preuve, soit du caractère probant de la comptabilité, soit, à défaut, de l'exagération de l'évaluation faite par l'administration des bases d'imposition ;

Sur le bien- fondé :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, la communication à l'administrationfiscale du rapport de la police judiciaire susmentionné doit être tenue pour régulière ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la notification de redressement du 13 avril 1977 établie sur la base des informations ainsi transmises serait elle- même entachée d'irrégularité et n'aurait pu légalement interrompre la prescription pour les suppléments d'imposition qui lui ont été assignés au titre des années 1974 et 1975 ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours des années en litige, les recettes journalières du restaurant "chez Bébert" ont été enregistrées globalement sans être assorties de pièces justificatives, telles que bandes enregistreuses de caisse ou double des notes des clients, pièces justificatives dont ne peut tenir lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le "livre de pourboires" du personnel ; que les intéressés ne contestent pas que M. Y... a omis de comptabiliser des prestations de blanchissage non facturées ; qu'ils ne peuvent en conséquence se fonder, pour établir le caractère exagéré des montants de recettes retenues par l'administration, sur les éléments tirés de la comptabilité de l'entreprise ;

Considérant que la méthode de reconstitution des recettes suivie par l'administration qui consiste à évaluer le nombre de repas servis par un restaurant d'après le nombre de serviettes de table utilisées par la clientèle n'est ni sommaire, ni imprécise ; que le service a retenu, conformément à l'avis de la commission départementale, un nombre de serviettes diminué de celles utilisées par les garçons de salle et le personnel de cuisine ; que les requérants, qui se bornent à proposer une autre méthode fondée sur les quantités moyennes entrant dans la composition d'un seul des plats offerts à la clientèle, n'apportent pas de justifications suffisantes permettant de la tenir pour plus pertinente ; qu'ainsi ils n'établissent pas que l'évaluation des recettes selon cette méthode serait exagérée ;

Considérant que le moyen tiré de ce que la majoration exceptionnelle mise à la charge de M. Joseph Y... au titre de l'année 1975 a été liquidée sur des bases erronées et à un taux illégal n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien- fondé ; qu'il ne saurait dès lors être accueilli ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'en vertu de l'article 1729 du code général des impôts les droits correspondant aux insuffisances de déclaration sont majorés de 100 % quelle que soit l'importance des droits éludés si le redevable s'est rendu coupable de man euvres frauduleuses ;

Considérant que les requérants ne contestent pas que M. Y... avait volontairement omis de porter dans ses écritures des prestations de blanchisserie non facturées ; qu'un tel agissement qui n'avait d'autre but que de minorer des recettes doit être regardé comme constitutif de man euvres frauduleuses ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les héritiers de M. Joseph Y... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande dirigée contre les impositions litigieuses ;
Article 1er : La requête des héritiers de M. X... NIZARDest rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée aux héritiers de M. Joseph Y... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


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