Conseil d'Etat, 8 / 9 SSR, du 2 mars 1988, 25275 25276 57837, mentionné aux tables du recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu °1) sous le °n 25 275, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 11 juillet 1980 et 7 janvier 1981 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le "CLUB DE CHASSE DU VERT GALANT", association déclarée dont le siège est à Labrit (40420), représentée par son Président en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :

°1) annule un jugement du 12 février 1980 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande en décharge de l'imposition forfaitaire annuelle à laquelle elle a été assujettie en tant que personne morale passible de l'impôt sur les sociétés au titre des années 1973, 1974, 1975 et 1976, ainsi que de la cotisation à la contribution exceptionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1974 dans les rôles de la commune de Labrit ;

°2) lui accorde la décharge des impositions contestées ;

Vu °2) sous le °n 25 276, la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 11 juillet 1980 et le mémoire complémentaire, enregistré le 7 janvier 1981 présentés pour le "CLUB DE CHASSE DU VERT GALANT", association déclarée dont le siège est à Labrit (40420), représentée par son Président en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :

°1) annule un jugement du 12 février 1980 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande en décharge de la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 1972 au 31 décembre 1975 ainsi que les pénalités y afférentes, par avis de mise en recouvrement du 11 mars 1977 ;

°2) lui accorde la décharge de l'imposition contestée ;

Vu °3) sous le °n 57 837, la requête sommaire et le mémoire complémentaire présentés pour l'association "CLUB DE CHASSE DU VERT GALANT", dont le siège est à Labrit dans les Landes, représentée par son Président en exercice M. Albert X..., demeurant à Vence (Alpes-Maritimes) ..., ladite requête et ledit mémoire enregistrés respectivement au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 23 mars et 23 juillet 1984 et tendant à ce que le Conseil d'Etat :

°1) annule un jugement en date du 3 janvier 1983 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande en décharge de l'imposition forfaitaire en matière d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1977, 1978 et 1979 dans les rôles de la commune de Labrit ;

°2) lui accorde la décharge des impositions contestées ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le traité du 25 mars 1957 ;

Vu le code des tribunaux administratifs ;

Vu le code général des impôts ;

Vu la loi du 27 décembre 1973 et la loi du 16 juillet 1974 ;

Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;

Vu la loi du 30 décembre 1977 ;

Après avoir entendu :

- le rapport de M. Boulard, Maître des requêtes,

- les observations de Me Célice, avocat de l'assoiation "CLUB DE
CHASSE DU VERT GALANT",

- les conclusions de M. Chahid-Nouraï, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes présentées pour l'association déclarée "CLUB DE CHASSE DU VERT GALANT" sous les numéros 25 275, 25 276 et 57 837 présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;

En ce qui concerne l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 1972 au 31 décembre 1975 :

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le premier avis de vérification notifié à l'association requérante n'a pas été suivie d'une vérification ; que, par suite, le moyen tiré par l'association "CLUB DE CHASSE DU VERT GALANT" de ce que sa comptabilité aurait fait l'objet d'une double vérification manque en fait ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable pendant la période d'imposition : "Les affaires faites en France ... sont passibles de la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elles relèvent d'une activité de nature industrielle ou commerciale, quels qu'en soient les buts ou les résultats. °2. Cette taxe s'applique quels que soient d'une part le statut juridique des personnes qui interviennent dans la réalisation des opérations imposables ou de leur situation à l'égard de tous les autres impôts, d'autre part la forme ou la nature de leur intervention et le caractère habituel ou occasionnel de celle-ci" ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'association "CLUB DE CHASSE DU VERT GALANT", constituée en 1973 sous forme d'une association sans but lucratif régie par la loi du 1er juillet 1901, avait pour objet l'organisation de parties de chasse sur une propriété de 300 hectares environ, en zone forestière, dont l'un des membres a fait apport à l'association pour six ans, avec les droits de chasse ; que les frais de fonctionnement de l'association étaient couverts, pour une faible partie, par les cotisations annuelles des membres et, pour l'essentiel, par des participations forfaitaires d'un montant variable selon que la chasse avait lieu en semaine ou le dimanche et tenant compte du nombre et du type de pièces de gibier que les chasseurs pouvaient enlever ; que ces participations, en raison de leur caractère forfaitaire et de leur montant, offraient à l'association la possibilité de gains ; que, pour favoriser la souscription des participations forfaitaires aux journées de chasse, l'association a eu recours, il est vrai de manière limitée, à la publicité dans la presse ; qu'il suit de là que, compte tenu notamment des modalités de financement ainsi adoptées par l'association requérante, celle-ci a, durant la période d'imposition, organisé des parties de chasse dans des conditions analogues aux prestations de services que peut fournir une entreprise de nature commerciale ; que la circonstance que l'association n'aurait pas réalisé d'excédents est sans influence sur son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, par suite, en vertu des dispositions susrappelées, ses recettes étaient passibles de ladite taxe ;

Considérant, en second lieu, que l'association requérante, qui ne soutient pas qu'elle remplissait les conditions d'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévues par les dispositions du 7-°1 de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 1975, se prévaut d'une instruction, en date du 11 février 1976, selon laquelle les litiges en cours doivent être réglés en tenant compte des dispositions de l'article 7 de la loi du 30 décembre 1975 qui a modifié les dispositions dudit article ; que, toutefois, en tant qu'elle prévoit d'appliquer aux litiges en cours l'interprétation qu'elle consacre, cette instruction ministérielle a le caractère d'une simple recommandation adressée aux services et non celui d'une interprétation du texte fiscal qui sert de base à l'impôt, au sens des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, repris à l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, en tout état de cause, l'association requérante n'est pas fondée à se prévaloir de ladite instruction pour faire échec à l'impôt ;

Considérant, en troisième lieu, que la société requérante soutient que l'imposition contestée méconnait les stipulations de la sixième directive du conseil des communautés européennes, en date du 17 mai 1977 ; qu'il ressort, toutefois, clairement de l'article 289 du traité instituant la Communauté économique européenne, en date 25 mars 1957, que, si les directives du conseil lient les Etats membres "quant au résultat à atteindre" et si, pour atteindre les résultats qu'elles définissent, les autorités nationales sont tenues d'adapter la législation des Etats membres aux directives qui leur sont destinées, ces autorités restent seules compétentes pour décider des moyens propres à permettre aux directives de produire effet en droit interne ; qu'ainsi, quelles que soient d'ailleurs les précisions qu'elles contiennent à l'intention des Etats membres, les directives ne peuvent pas être invoquées par les ressortissants de ces Etats à l'appui d'un recours relatif notamment à un litige fiscal ; qu'il est constant que les mesures propres à permettre à la sixième directive susmentionnée de produire effet en droit interne français n'avaient pas encore été prises durant la période d'imposition litigieuse ; que, dans ces conditions, ladite directive est, en tout état de cause, sans influence sur l'application des dispositions législatives dont il y a lieu de faire application en l'espèce ;

Considérant, en quatrième lieu, que la circonstance qu'un jugement du tribunal de commerce de Mont-de-Marsan, du 4 juin 1982, a estimé que l'association requérante ne poursuivait aucun but lucratif est, par elle-même, sans effet sur la solution du présent litige ;

Considérant, enfin, que, si l'association demande que, dans le cas où serait confirmé son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, soit déduit du rappel de droits dont elle a fait l'objet le montant de la taxe qu'elle a dû acquitter à raison des dépenses liées à l'organisation de la chasse, elle ne fournit aucun élément sur le montant de taxe sur la valeur ajoutée déductible auquel elle pourrait prétendre au-delà des droits à déduction dont il a déjà été tenu compte par l'administration ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est entaché d'aucune irrégulalité, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande ;

En ce qui concerne l'assujettissement à l'imposition forfaitaire annuelle à l'impôt sur les sociétés au titre des années 1972, 1974, 1975, 1976, 1977, 1978 et 1979 ainsi qu'à la contribution exceptionnelle au titre de l'année 1974 :

Sur l'imposition au titre de l'année 1973 :

Considérant que, postérieurement à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux des Landes a prononcé d'office, par décision du 10 avril 1981, la décharge de l'imposition forfaitaire annuelle à laquelle l'association avait été assujettie au titre de l'année 1973 ; que, par suite, la requête de l'association, en tant qu'elle est dirigée contre l'article premier du jugement attaqué rejetant sa demande en décharge de l'imposition établie pour l'année 1973, est devenue sans objet ;

Sur l'imposition au titre des années 1977 à 1979 :

En ce qui concerne la régularité du jugement du 3 janvier 1984 :

Considérant que, si l'association requérante prétend que l'avis d'audience du 13 décembre 1983 ne lui est pas parvenu, il est constant qu'elle n'avait pas fait connaître au greffe du tribunal administratif le changement d'adresse de son siège social ; qu'elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que le jugement attaqué, en l'absence d'avis d'audience parvenu avant la séance, aurait été rendu selon une procédure irrégulière ;

En ce qui concerne l'irrégularité qui entacherait la décision du directeur rejetant la réclamation :

Considérant que les irrégularités qui peuvent entacher la réponse par laquelle le directeur des services fiscaux rejette une réclamation contentieuse est sans influence sur l'imposition contestée ; que, par suite, le moyen que tire l'association requérante de l'insuffisance de motivation de la décision prise en l'espèce sur sa réclamation est inopérant ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition au titre des années 1974 à 1979 :

Considérant qu'aux termes de l'article 206 du code général des impôts : ".. Sont passibles de l'impôt sur les sociétés ... toutes ... personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif" ; qu'aux termes de l'article 22 de la loi du 27 décembre 1973 susvisée : "1. Les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés sont assujetties, à compter de 1974, à une imposition forfaitaire annuelle d'un montant de 1 000 F" ; qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 16 juillet 1974, les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés sont assujetties à une contribution exceptionnelle ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pendant les années 1974 et 1979, l'association "CLUB DE CHASSE DU VERT GALANT" a, dans les conditions qui ont été décrites ci-dessus, organisé, selon un mode de rémunération forfaitaire susceptible de dégager des excédents, des parties de chasse ; qu'elle s'est ainsi livrée à des opérations de caractère lucratif ; qu'elle n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'elle n'était pas, en vertu des dispositions susrappelées, passible de l'impôt sur les sociétés au titre desdites années ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association "CLUB DE CHASSE DU VERT GALANT" n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande en décharge des cotisations auxquelles elle a été assujettie à l'imposition annuelle sur les sociétés au titre des années 1974 à 1979 et à la contribution exceptionnelle au titre de l'année 1974 ;
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de l'association "CLUB DE CHASSE DU VERT GALANT" en tant qu'elle porte sur l'imposition forfaitaire annuelle à l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1973.
Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de l'association "CLUB DE CHASSE DU VERT GALANT" est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association "CLUB DE CHASSE DU VERT GALANT" et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.


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