Conseil d'Etat, 9 / 7 SSR, du 15 avril 1988, 51877, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 juillet 1983 et 4 novembre 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Gérard X..., demeurant à Boissy Maugis (Orne), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :

- annule le jugement du 15 mars 1983 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément d'impôt sur le revenu et de majoration exceptionnelle auxquels il a été assujetti dans les rôles de la commune de Boissy Maugis, respectivement au titre des années 1974, 1975, 1976 et 1977 et au titre de l'année 1975 ;

- lui accorde la décharge des impositions contestées ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code des tribunaux administratifs ;

Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;

Vu la loi du 30 décembre 1977 ;

Après avoir entendu :

- le rapport de M. Renauld, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Roger, avocat de M. X...,

- les conclusions de M. Le Roy, Commissaire du gouvernement ;

Sur le moyen tiré des irrégularités qui affecteraient les avis d'imposition reçus par M. X... :

Considérant que les erreurs ou omissions qui peuvent entacher les avis d'imposition, lesquels sont des documents destinés à l'information du contribuable postérieurement à l'établissement des rôles de l'impôt, sont sans influence sur la régularité des impositions contestées ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir opposée par le ministre aux prétentions du requérant relatives aux irrégularités qui entacheraient en l'espèce les avis d'imposition, ces prétentions ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les redressements du chef des commissions réintégrées dans les bénéfices de la société forestière de Normandie :

Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : "Sont considérés comme revenus distribués : °1 Tous les bénéfices et produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital" ; qu'aux termes de l'article 110 du même code : "Pour l'application de l'article 109-1-°1, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assujettissement de l'impôt sur les sociétés ..." ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a réintégré dans les résultats de la société forestière de Normandie pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés, au titre des années 1974, 1975, 1976 et 1977, la fraction des sommes que celle-ci avait versées, en tant que commissions, à un tiers domicilié en Belgique, fraction pour laquelle la société forestière de Normandie n'avait pu fournir aucune justification quant à la nature de l'intervention de ce tiers et au versement effectif à l'intéressé ; qu'après avoir mis en oeuvre la procédure prévue par les dispositions de l'article 117 du code général des impôts, l'administrationa regardé M. X..., qui était gérant de la société forestière de Normandie à l'époque des faits, comme étant le bénéficiaire des revenus réputés, en vertu des dispositions précitées des articles 109 et 110, distribués par cette société, soit 120 000 F en 1974, 58 900 F en 1975, 31 960 F en 1976 et 50 000 F en 1977 ;

Considérant que, sous la signature de M. X..., son gérant, la société forestière de Normandie, en réponse à la demande de l'administration, a désigné ledit gérant comme bénéficiaire des excédents de distribution allégués ; que, dès lors, M. X... doit être regardé comme ayant appréhendé les revenus réputés distribués sous réserve de son droit d'apporter la preuve contraire devant le juge de l'impôt ; que cette situation, dès lors que l'intéressé, pour son assujettissement à l'impôt sur le revenu, a refusé d'accepter les redressements, ne dispense pas l'administration de justifier de l'existence et du montant des bénéfices réintégrés dans les bénéfices sociaux ;

Considérant que, pour être en droit de déduire des commissions versées à des tiers, il appartenait à la société forestière de Normandie de justifier que les charges portées par elle dans ses écritures de ce chef correspondaient pour elle à des services qui lui avaient été effectivement rendus ; que, tant en première instance qu'en appel, l'administration a fait valoir, sans être contredite, que, s'agissant des sommes susmentionnées, ladite société n'avait pas été en mesure de donner des éclaircissements sur la nature et la réalité des services qu'elle avait entendu rémunérer ; que, ce faisant, l'administration apporte la preuve de l'existence des bénéfices réintégrés et, par suite, des revenus réputés distribués ;

Considérant que, si M. X... persiste devant le Conseil d'Etat à soutenir qu'il n'a pas appréhendé les bénéfices dont s'agit, il n'en justifie pas ;

En ce qui concerne les avantages occultes :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, s'agissant des frais d'entretien et de réparations d'immeubles appartenant à M. X... pris en charge par la société forestière de Normandie, M. X... a donné son accord aux redressements ; qu'il lui appartient, dès lors, d'apporter, devant le juge de l'impôt, la preuve de l'exagération des bases retenues ;

Considérant, d'une part, que, pour contester la réintégration dans les résultats de la société forestière de Normandie, à concurrence d'une somme de 5 186 F, représentant le montant de travaux effectués en 1976 dans les locaux lui appartenant, M. X..., qui ne produit aucun document propre à établir la réalité d'une location qu'il aurait consentie à cette société, se borne à faire état de ce que ces locaux "avaient été mis à la disposition de l'entreprise et des salariés pour un loyer particulièrement modique", sans étayer ses dires par des éléments de nature à les justifier ; que, par suite, ses prétentions ne peuvent être accueillies ;

Considérant, d'autre part, que, si M. X... soutient qu'une somme de 277 718 F, réintégrée dans les bénéfices de la société en 1977, correspond à la valeur de travaux qui ont été réalisés dans un immeuble dont il est propriétaire mais qui devait être affecté au siège social de l'entreprise, il est constant que cette affectation n'a jamais eu lieu ; que, s'il soutient également qu'il "a restitué à la société sous des formes diverses les sommes ainsi exposés par la société", il n'apporte à l'appui de cette affirmation aucune précision sur les modalités qu'aurait revêtu ce prétendu remboursement ; qu'il suit de là que M. X... n'apporte pas la preuve qui lui incombe ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans la rédaction applicable : "1. Sous réserve des dispositions des articles 1730, 1731, 1827 et 1829, lorsque la bonne foi du redevable ne peut être admise, les droits correspondant aux infractions définies à l'article 1728 sont majorés de ... - 50 % si le montant des droits est supérieur à la moitié des droits réellement dus ... - 100 %, quelle que soit l'importance de ces droits, si le redevable s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses" ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, l'administration établit que M. X..., eu égard aux fonctions qu'il exerçait comme gérant de la société forestière de Normandie, n'était pas de bonne foi en s'abstenant de déclarer, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu établi à son nom, les revenus de capitaux mobiliers ci-dessus mentionnés ; qu'elle a pu, par suite, faire légalement application de la majoration de 50 % aux droits rappelés ; qu'il suit de là que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé sur ce point, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X... et auministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et dela privatisation, chargé du budget.


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