Conseil d'Etat, 7 / 9 SSR, du 18 novembre 1988, 74383, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 24 décembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Paul X..., demeurant Résidence du Parc, Appartement 4035, ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :

1°) annule le jugement, en date du 22 octobre 1985, par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande en décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1978 à 1979 dans les rôles de la commune de Margny-lès-Compiègne,

2°) lui accorde la décharge sollicitée,

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le décret du 28 novembre 1983 ;

Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;

Vu la loi du 30 décembre 1977 ;

Après avoir entendu :

- le rapport de M. Turquet de Beauregard, Maître des requêtes,

- les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions relatives à la prise en compte des cotisations patronales dans les bases d'imposition :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X..., qui est employé en qualité de "consultant" par une entreprise étrangère ne disposant pas d'un établissement en France, a acquitté, en 1979 pour le compte de son employeur et à l'aide des sommes que celui-ci lui a versées, entre les mains d'un organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale, les charges sociales obligatoires afférentes à sa rémunération ; qu'il a demandé, par voie de réclamation, la réduction de l'imposition à l'impôt sur le revenu qui lui a été assignée en demandant que ses bases d'imposition soient calculées sous déduction desdites cotisations ; que sa demande a été rejetée en tant qu'elle porte sur la part desdites cotisations qui est à la charge de l'employeur en vertu des dispositions du code de la sécurité sociale ;

Considérant que les sommes que M. X... a reçues de son employeur pour acquitter le montant, non contesté, des cotisations sociales qui sont à la charge de l'employeur ne peuvent être regardées comme au nombre des "traitements, indemnités, émoluments, salaires" qui, en vertu des dispositions de l'article 79 du code général des impôts, doivent être prises en compte dans la catégorie des "traitements, salaires, pensions et rentes viagères" pour l'assiette de l'impôt sur le revenu ; que, par suite, M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté les conclusions de sa demande en décharge fondées sur le caractère non imposable de ces cotisations ;

Sur la déduction des versements faits par M. X... à sa mère :

Considérant qu'aux termes du II de l'article 156 du code général des impôts, le revenu net imposable est déterminé sous déduction des "pensions alimentaires répondant au conditions fixées par les articles 205 à 211 du code civil" ;

Considérant que les arrérages de rentes viagères versés par les contribuables à leurs ascendants en contrepartie d'une donation ou d'un partage fait en leur faveur par ceux-ci ne peuvent être assimilés, en tout ou en partie, à des pensions alimentaires au sens des dispositions précitées que si, répondant à un besoin alimentaire des ascendants, ils sont supérieurs au revenu que le donateur pouvait normalement attendre du placement du capital ayant fait l'objet de la donation ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la rente versée par le requérant à sa mère est la contrepartie de la cession d'actions qui lui avait été consentie par celle-ci ; que M. X..., à qui, contrairement à ce qu'il soutient, il incombe de justifier des données de fait dont il se prévaut dès lors qu'il demande le bénéfice d'une déduction que la loi surbordonne à des conditions, n'établit pas que la rente qu'il verse est d'un montant supérieur au revenu que sa mère pouvait normalement attendre, au moment de leur cession, du capital correspondant à ces actions ; que, par suite, et alors même que les actions cédées ne produiraient plus de revenus, il n'est pas fondé à demander que les sommes qu'il a versées soient déduites à titre de pensions alimentaires pour le calcul du revenu net imposable ;

Sur les sommes versées par M. X... à son ex-épouse :

Considérant que les dispositions du II de l'article 156 du code général des impôts prévoient que le revenu net est calculé sous déduction "des pensions alimentaires versées en vertu d'une décision de justice, en cas de séparation de corps ou de divorce ..." ;

Considérant qu'il est constant que les sommes que M. X... a versées à son ex-épouse, ne l'ont pas été en vertu d'une décision de justice ; que, par suite, il n'est pas fondé à en demander la déduction ;

Sur le rattachement de la fille de M. X... au foyer fiscal de son père :

Considérant qu'aux termes de l'article 6 du code général des impôts applicable aux impositions contestées : "2 bis. Toute personne majeure âgée de moins de vingt et un ans, ou de moins de vingt-cinq ans lorsqu'elle poursuit ses études peut opter, dans le délai de déclaration, entre : 1°) L'imposition de ses revenus dans les conditions de droit commun ; 2°) Le rattachement au foyer fiscal dont elle faisait partie avant sa majorité si le chef de famille désigné l'accepte ..." ; que ces dispositions impliquent que la personne qui choisit le rattachement au foyer fiscal qui était le sien avant sa majorité formule, dans le délai fixé par loi, une demande expresse en ce sens ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans le délai de déclaration, M. X... n'a pas produit une demande de sa fille optant pour le rattachement au foyer fiscal de son père ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a refusé de prendre en compte cette personne dans le calcul du quotient familial de M. X... ;

Considérant que, si M. X..., sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quinques E du code général des impôts, reprises à l'article L. 80-A du livre des procédures fiscales, soutient que l'administration a méconnu ces termes d'une instruction publiée au bulletin officiel de la direction générale des impôts le 1er juillet 1978, sous la référence 5B-3121, qui impose aux agents des impôts de réclamer au contribuable, de façon expresse, une demande de rattachement au foyer fiscal, lorsque le bénéfice des dispositions législatives précitées a été invoqué par le déclarant, les directives contenues dans cette instruction sont relatives à la procédure d'imposition et, par suite, ne peuvent être regardées comme constituant une interprétation de la loi fiscale au sens des dispositions législatives dont M. X... entend se prévaloir devant le juge de l'impôt ; que, par suite, ses prétentions sur ce point ne sont pas fondées ;

Considérant que M. X..., il est vrai, invoque également les dispositions de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983 aux termes duquel : "Tout intéressé est fondé à se prévaloir, à l'encontre de l'administration, des instructions, directives et circulaires publiées dans les conditions prévues à l'article 9 de la loi ... du 17 juillet 1978, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux lois et règlements" ;

Considérant que l'instruction susrappelée, dans la mesure où elle reconnait au contribuable le droit au bénéfice du rattachement d'un enfant majeur au foyer fiscal alors même que la demande de rattachement n'a pas été faite dans le délai de déclaration est contraire à la loi ; que, par suite, et en tout état de cause, M. X... ne peut pas, devant le juge de l'impôt, se prévaloir utilement de l'instruction administrative susrappelée ;
Article 1er : Les bases de l'impôt sur le revenu de M. X... au titre de l'année 1979 seront calculées sous déduction des cotisations patronales qu'il a payées pour le compte de son employeur.
Article 2 : M. X... est déchargé de la différence entre le montant de la cotisation à l'impôt sur le revenu qui lui a été assignée au titre de l'année 1979 et le montant qui résulte de ce qui est dit à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens en date du 22 octobre 1985 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


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