Conseil d'Etat, 8 / 7 SSR, du 21 décembre 1983, 41613, publié au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Recours du ministre chargé du budget, tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du tribunal administratif de Lille du 18 novembre 1981, réduisant le bénéfice imposable de la société X..., au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1971, d'une somme de 46 096 F et lui ayant accordé décharge de la différence entre les droits et pénalités qui lui avaient été primitivement assignés et ceux qui résultent de cette réduction et, d'autre part, substituant l'indemnité de retard prévue par les articles 1727 et 1734 du code général des impôts à la majoration de 30 % prévue par l'article 1729 du même code, qui avait été appliquée aux droits résultant de redressements notifiés à la société X..., pour une somme de 751 980,20 F et pour une autre somme de 775,15 F ;
2° remette à la charge de la société S.M.O.R.D. la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, au titre de l'année 1971, ainsi que les pénalités correspondantes, dont le dégrèvement a été ordonné à tort par le tribunal administratif de Lille ;
Vu le code général des impôts ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;
Considérant que le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget fait appel du jugement, en date du 18 novembre 1981, du tribunal administratif de Lille, en tant que, par ce jugement, le tribunal, d'une part, a réduit le bénéfice imposable de la société anonyme X..., au titre de l'exercice clos le 31 octobre 1971, d'un montant de 46 096 F, correspondant à des honoraires versés, le 5 avril 1971, par ladite société au cabinet d'architectes G..., en vue de la réalisation d'un " hypermarché ", d'autre part, a admis la bonne foi de la société X... en ce qui concerne deux chefs de redressements, s'élevant, au total, à 752 756,35 F et, tout en maintenant à la charge de la société les droits en principal résultant de ces redressements, a substitué à la majoration de 30 %, prévue par l'article 1729 du code général des impôts, dont ces droits avaient été assortis, l'intérêt de retard prévu par les articles 1728 et 1734 du code général des impôts ;
En ce qui concerne la déduction des honoraires versés par la société au cabinet d'architectes : Cons., en premier lieu, que le redressement correspondant au versement des honoraires dont s'agit a été notifié à la société X... le 31 juillet 1973 ; que, par application de l'article 1649 quinquies A-2 du code général des impôts, applicable en l'espèce, la société disposait d'un délai de 30 jours pour faire parvenir au service son acceptation ou ses observations ; qu'il est constant que la réponse de la société n'a été transmise que le 12 septembre 1973 ; que, dans ces conditions, la société étant réputée avoir accepté le redressement, la charge lui incombe de prouver que celui-ci n'était pas fondé ;
Cons., en second lieu, que le ministre soutient que les études effectuées par le cabinet G... en contrepartie du versement par la société X... de la somme susmentionnée de 46 096 F, alors même qu'elles n'auraient pas servi pour la construction de l'" hypermarché " susmentionné, qui a, en définitive, été édifié selon d'autres plans, ont néanmoins constitué un élément du prix de revient amortissable de cette construction, et non une charge déductible des résultats de l'entreprise, au sens de l'article 39-1-1° du code général des impôts ; que, toutefois, si la société X... produit deux attestations, datées des 21 mai 1976 et 2 février 1977, émanant respectivement du cabinet G... et de l'architecte Y..., auquel a été confié l'établissement du projet définitif de construction de l'" hypermarché ", et selon lesquelles les plans dressés par le cabinet G... n'auraient pas été utilisés, elle n'établit pas ainsi que les études et projets présentés par le cabinet G... n'ont pas été utiles à cette construction, dès lors qu'il est constant que, pour le calcul des honoraires réglés à M. Y..., les sommes qui avaient été antérieurement versées au cabinet G... ont été précomptées ; que, dans ces conditions, le ministre est, en tout état de cause, fondé à demander que la somme de 46 096 F soit réintégrée dans les bases d'imposition de la société X... à l'impôt sur les sociétés, et à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a accordé à la société X... décharge des impositions supplémentaires correspondantes, ainsi que des pénalités dont elles avaient été assorties ;
En ce qui concerne l'application à certains redressements de la majoration de 30 % : Cons. qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " Lorsqu'une personne physique ou morale ou une association tenue de souscrire ou de présenter une déclaration ou un acte comportant l'indication de bases ou éléments à retenir pour l'assiette, la liquidation ou le paiement de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques établis ... par la direction générale des impôts déclare ou fait apparaître une base ou des éléments d'imposition insuffisants, inexacts ou incomplets ..., le montant des droits éludés est majoré ... d'un intérêt de retard calculé dans les conditions fixées à l'article 1734 " ; que, selon l'article 1729 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " 1 ... Lorsque la bonne foi du redevable ne peut être admise, les droits correspondant aux infractions définies à l'article 1728 sont majorés de : 30 % si le montant des droits n'excède pas la moitié du montant des droits réellement dus ... " ;
Cons. qu'après avoir appliqué la majoration de 30 % prévue par l'article 1729-1 du code à l'ensemble de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés assignée à la société X..., au titre de l'année 1971, l'administration n'a maintenu l'application de cette majoration qu'aux impositions correspondant à deux redressements d'un montant de 751 981,20 F et de 775,15 F ;
Cons. qu'il résulte de l'instruction que les redressements susmentionnés ont été établis à la suite de la constatation faite par le vérificateur que la société X... comptabilisait par avance, et de manière forfaitaire, les achats effectués auprès d'entreprises appartenant au même groupe, déduisait le montant de ces achats de ses résultats sociaux, avant même d'avoir reçu les factures de ses fournisseurs, et omettait de procéder ensuite à l'ajustement des montants forfaitaires initialement retenus et des montants réels apparaissant sur les factures ; que la société X... a ainsi déduit de ses résultats de l'exercice clos le 31 octobre 1971, un excédent d'achats de 751 980,20 F ; que, de même, le vérificateur a relevé une majoration systématique des quantités de marchandises portées en stock dégageant, au titre du même exercice, un excédent de déductions de 775,15 F ;
Cons. qu'eu égard aux circonstances susrappelées, l'administration établit que la société X... ne peut être regardée comme ayant agi de bonne foi ; que, dès lors, elle était fondée à appliquer la majoration de 30 % prévue par l'article 1729-1 du code général des impôts aux redressements litigieux ; que, par suite, le ministre chargé du budget est fondé à demander, également sur ce point, l'annulation du jugement atta- qué ;
remise à la charge de la société de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et les majorations correspondantes, pour 1971 à concurrence des droits et pénalités ; réformation du jugement en ce sens .
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