Conseil d'Etat, 7 / 9 SSR, du 22 juin 1983, 21662, publié au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Requête de la société X... tendant à :
1° l'annulation du jugement du 11 octobre 1979 du tribunal administratif de Nancy rejetant sa demande tendant à la réduction du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des exercices 1971, 1972, 1973 et 1974 mis en recouvrement le 30 avril 1976 ;
2° la réduction de l'imposition contestée ;
Vu le code général des impôts ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;
Sur la déduction des redevances destinées à l'exécution de la garantie totale prévue aux marchés : Considérant que la société anonyme X... a pour activité l'entretien et l'exploitation d'installations de chauffage, la fourniture de combustibles et l'entretien d'installations sanitaires ; qu'elle assure notamment le chauffage de grands ensembles immobiliers et éventuellement la production d'eau chaude sanitaire ; que la société, qui n'est pas propriétaire des installations dont le fonctionnement lui est confié, conclut avec ses clients des contrats de fourniture de chaleur de longue durée avec garantie totale des installations ; que le prix convenu avec les clients comprend alors des redevances annuelles stipulées comme étant la contre-partie de la garantie totale prévue au marché ; que la société a, au cours des exercices clos en 1971, 1972 et 1973, réduit la valeur des encaissements reçus des clients de sommes équivalentes au montant de ces redevances ; que, dans les écritures de l'exercice clos en 1974, elle a constitué des provisions pour risques contractuels d'un montant de 1 036 902,77 F ; que l'administration a réintégré l'ensemble de ces sommes dans les bénéfices sociaux ;
En ce qui concerne les exercices clos en 1971, 1972 et 1973 : Cons. que, sous l'intitulé " créditeurs divers ", la société a comptabilisé des sommes destinées à l'exécution de la garantie totale à un poste créé au passif du bilan de chacun de ces exercices, alors que, s'agissant de charges futures ainsi que la société l'a d'ailleurs reconnu, les dépenses correspondantes pouvaient seulement donner lieu, le cas échéant, à la constitution de provisions ; qu'aux termes de l'article 39-1-5° du code général des impôts, les provisions ne peuvent être déduites du bénéfice qu'à la condition notamment " qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice et figurent au relevé des provisions prévu à l'article 54 " ; que, cette double condition n'étant pas remplie, c'est à bon droit que l'administration a réintégré les sommes dont il s'agit dans les bénéfices de chacun des trois exercices, sans que la société requérante puisse utilement se prévaloir, pour contester le bien-fondé de cette réintégration, de ce qu'elle a elle-même spontanément réintégré ces sommes dans les écritures de l'exercice clos en 1974 ; que l'administration a d'ailleurs, corrélativement, retranché des résultats de cet exercice le montant de cette dernière réintégration ;
En ce qui concerne l'exercice clos le 30 juin 1974 : Cons. qu'aux termes de l'article 38-2 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, le bénéfice net imposable " est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt ... L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés " ; qu'aux termes de l'article 39-1 du même code, " le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... notamment ... 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précises et que des événements en cours rendent probables ... " ; qu'il résulte de ces dispositions que, si une entreprise peut porter en provision au passif du bilan de clôture d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qu'elle ne supportera qu'au cours d'exercices ultérieurs, c'est à la condition notamment que le mode de calcul de la provision soit propre à exprimer avec une approximation suffisante le montant prévisible de ces pertes ou charges à la date de la clôture du bilan ; qu'en outre, dans le cas où les charges que l'entreprise sera appelée à supporter au cours d'exercices ultérieurs trouvent leur origine dans des contrats dont l'exécution se poursuivra au cours de ces exercices et où, en raison des stipulations de ces contrats, leur exécution sera également une source de recettes pour l'entreprise, celle-ci ne peut porter en provision que l'excédent, s'il en existe un, du montant global des pertes ou charges redoutées sur le montant global des recettes ;
Cons., d'une part, qu'il résulte de la règle ci-dessus rappelée que, si la société est fondée à soutenir qu'en raison des engagements souscrits dans des contrats conclus avant le 30 juin 1974, elle pouvait tenir pour probable qu'elle aurait à supporter, au cours des exercices ultérieurs couverts par ces contrats, la charge de remplacer à ses frais des matériels dont elle assure la garantie, elle n'était pas en droit, même si elle était en mesure d'évaluer avec une précision suffisante le montant de cette charge, de porter en provision l'intégralité de ce montant, mais seulement l'excédent de celui-ci sur le montant global des redevances qu'elle pouvait attendre de l'exécution de ces mêmes contrats ;
Cons., d'autre part, que si, pour chaque matériel, le montant des charges pouvant résulter de la mise en jeu de la garantie au cours du contrat ne pouvait pas être prévu avec précision, en revanche, eu égard au nombre élevé des contrats souscrits et des matériels couverts par la garantie, le montant probable de la charge globale que la société serait appelée à supporter au cours des exercices ultérieurs pouvait être déterminé par voie statistique avec une approximation raisonnable ; qu'enfin la détermination du montant global des redevances à percevoir au cours des exercices ulté- rieurs en exécution des contrats déjà souscrits ne présentait pas de difficultés ;
Cons., dans ces conditions, que la société n'était en droit de constituer la provision litigieuse que si elle peut justifier de l'existence et du montant d'un excédent, pouvant être tenu pour probable au 30 juin 1974, du montant global des charges à supporter sur le montant global des recettes à percevoir à raison de l'exécution, au cours des exercices ultérieurs, des contrats conclus avant cette date ; que, l'état de l'instruction ne permettant pas au Conseil d'Etat de se prononcer immédiatement sur ce chef de litige, il y a lieu d'ordonner une expertise sur ce point ;
Sur l'avantage en nature résultant de l'utilisation à des fins personnelles d'un véhicule automobile appartenant à la société : Cons. que, si l'avantage en nature résultant de l'utilisation personnelle d'un véhicule de la société par son président directeur général a été regardé comme un supplément de salaire et réintégré dans les bases de l'impôt sur le revenu établi au nom du bénéficiaire de cet avantage, il est constant que l'ensemble des dépenses exposées pour l'entretien et l'assurance de ce véhicule a été admis dans les charges déductibles pour la détermination des résultats de la société imposables à l'impôt sur les sociétés ; qu'ainsi la contestation soulevée sur ce point par la société est sans objet ;
rejet des conclusions de la requête relatives aux impositions supplémentaires établies au titre des années 1971, 1972 et 1973 ; expertise relative à l'imposition de 1974 .
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