Conseil d'Etat, 7 / 9 SSR, du 10 juin 1983, 18452 18562, publié au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Recours du ministre du budget et Requête de la compagnie Air France tendant :
1° à l'annulation du jugement du 24 avril 1979 du tribunal administratif de Paris annulant à la demande de la commune de Villeneuve-le-Roi, la décision du préfet du Val-de-Marne du 13 décembre 1974 approuvant les propositions du directeur des services fiscaux de ce département relatives à l'imposition à la contribution des patentes d'entreprises situées sur le territoire de ladite commune ;
2° au rejet de la demande présentée par la commune de Villeneuve-le-Roi devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu le code général des impôts ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;
Considérant ... jonction ; . .
Cons. que, le maire de Villeneuve-le-Roi ayant critiqué les matrices de la contribution des patentes arrêtées par le service des impôts, pour les années 1973 et 1974, en ce qui concerne quinze entreprises industrielles et commerciales situées sur le territoire de la commune, parmi lesquelles la compagnie nationale Air France, cette contestation a été soumise par le directeur des services fiscaux au préfet du Val-de-Marne, conformément aux dispositions de l'article 324 de l'annexe III au code général des impôts pris pour l'application de l'article 1493 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux deux années d'imposition susmentionnées ; qu'à la demande de la commune de Villeneuve-le-Roi, le tribunal administratif de Paris a, par le jugement du 24 avril 1979 dont le ministre du budget et la compagnie Air France font appel, annulé pour excès de pouvoir la décision du préfet en date du 13 décembre 1974, ainsi que l'état par lequel le directeur des services fiscaux a arrêté ces bases et que la décision du préfet approuve ;
Sur la recevabilité de la commune de Villeneuve-le-Roi à demander l'annulation de la décision du préfet du Val-de-Marne et de l'état qu'elle approuve : Cons. que, contrairement à ce que soutient la compagnie Air France, une commune a toujours intérêt à poursuivre l'annulation pour excès de pouvoir des matrîces de la contribution des patentes qu'elle estime erronées ou établies en méconnaissance de prescriptions législatives ou réglementaires ;
Sur la légalité des décisions contestées : Cons. qu'aux termes de l'article 1636 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition : " En aucun cas, les majorations de loyers intervenues après le 31 décembre 1947 en ce qui concerne les locaux ou immeubles à usage commercial, industriel ou artisanal ne peuvent donner lieu ni pour les propriétaires, ni pour les locataires, à des majorations des impôts et taxes visés aux titres Ier, II et III ci-dessus " ; que ce texte déroge au principe général selon lequel la valeur locative servant de base au droit proportionnel de patente doit être déterminée eu égard à la situation de l'entreprise au 1er janvier de l'année d'imposition ; que cette dérogation, ne visant que les locaux ou immeubles, ne s'applique pas au matériel mobile de l'entreprise ;
Cons., en premier lieu, que, la règle qui vient d'être rappelée ayant sa source dans la loi elle-même, sont inopérants les moyens tirés par le ministre de ce que l'exclusion de l'outillage mobile du champ d'application de l'article 1636 précité aurait pour effet de transformer la nature de la patente en en faisant un impôt assis principalement sur les outillages industriels, de ce qu'elle méconnaîtrait le principe d'égalité des contribuables devant l'impôt, enfin, de ce que d'autres textes législatifs, étrangers à la définition des bases de la patente, n'établissent pas de discrimination entre les immeubles et l'outillage mobile ;
Cons., en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient la compagnie nationale Air France, les directives administratives contraires à la loi ne peuvent pas donner une base légale à une décision administrative elle-même contraire à la loi, même si, par application des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, ces directives peuvent, dans certains cas, être invoquées par le contribuable à l'appui d'une demande en décharge ou en réduction des impositions qui lui sont assignées ;
Cons., en troisième lieu, qu'il ne ressort ni des dispositions de la loi n° 68-108 du 2 février 1968, ni de ses travaux préparatoires que le législateur a entendu modifier la portée des dispositions de l'article 1636 précité du code général des impôts ou encore valider l'interprétation qu'en a donnée l'administration en prescrivant à ses services de faire abstraction, pour la détermination de la valeur locative de l'outillage mobile, des majorations de loyers postérieures au 31 décembre 1947 ;
Cons., en quatrième lieu, que, si l'article 9-I de la loi n° 73-1229 du 31 décembre 1973 dispose que " Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi portant remplacement de la contribution des patentes, les taux des impositions qui seront perçues au profit des départements, des communes et de leurs groupements au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, de la taxe d'habitation et de la contribution des patentes, seront fixées de manière que la répartition constatée en 1973, dans chaque commune, entre les quatre anciennes contributions directes, ne soit affectée que par les variations de la matière imposable ", ces dispositions n'ont eu ni pour objet, ni pour effet d'étendre aux outillages mobiles la règle d'évaluation au 31 décembre 1947 qui résulte des dispositions de l'article 1636 du code général des impôts, ou de valider l'interprétation de l'administration selon laquelle l'outillage mobile est soumis aux mêmes règles d'évaluation que les immeubles ;
Cons. qu'il est constant que la valeur locative de l'outillage mobile des quinze entreprises situées sur le territoire de la commune de Villeneuve-le-Roi a été retenue, dans les matrices de la patente des années 1973 et 1974, en faisant abstraction des majorations de loyers postérieures au 31 décembre 1947 ; que, dès lors, le ministre du budget et la compagnie nationale Air France ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris, accueillant la requête de la commune de Villeneuve-le-Roi, a annulé la décision susvisée du préfet du Val-de-Marne en date du 13 décembre 1974 et l'état n° 1216 qui approuve et récapitule les matrices ainsi fixées ;

rejet .N
1 Cf. Centre régional de lutte contre le cancer " François X... ", 26 nov. 1982, n° 24.380.
2 Cf. S., Commune de Corbs, 27 nov. 1942, p. 334.
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