Conseil d'Etat, 7 / 9 SSR, du 27 juillet 1984, 42701, mentionné aux tables du recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 24 mai 1982, présentée par Mme Madeleine Y..., demeurant ... , et tendant à ce que le Conseil d'Etat : 1° annule le jugement, en date du 23 mars 1982, en tant que, par ledit jugement, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation d'un avis à tiers-détenteur décerné le 23 octobre 1980 par le percepteur de Montesquiou Gers en vue de permettre le recouvrement de taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties auxquelles la requérante avait été assujettie au titre des années 1977 et 1978 dans les rôles des communes de Montesquiou et Monclar L'Osse ; 2° annule ledit avis à tiers-détenteur ;
Vu le code des tribunaux administratifs ; Vu le code général des impôts ; Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Considérant que, selon les dispositions de l'article 1846 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur à la date des poursuites : "... Toute contestation portant sur l'existence de l'obligation, sa quotité ou son exigibilité, constitue une opposition à contrainte. Elle est portée devant le tribunal administratif ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les conclusions de la demande présentée le 15 décembre 1980 par Mme Y... au tribunal administratif de Pau tendaient à l'annulation d'un avis à tiers-détenteur, délivré le 23 octobre 1980 à M. X..., son fermier, par le percepteur de Montesquiou, au motif que ledit avis manquait de base légale, dès lors que les taxes foncières relatives aux années 1977 et 1978 dont cet acte avait pour objet de permettre le recouvrement n'étaient pas exigibles à la date où il a été délivré, en raison de l'existence de réclamations contentieuses assorties de demandes de sursis de paiement ; que ladite demande constituait, dès lors, une opposition à contrainte au sens des dispositions précitées de l'article 1846 du code général des impôts ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Pau s'est déclaré incompétent pour statuer sur ladite demande ; que le jugement doit être annulé sur ce point ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme Y... devant le tribunal administratif de Pau ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1952 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en 1977 et 1978 : "1. En matière d'impôts directs recouvrés par les comptables du Trésor, le contribuable qui, par une réclamation contentieuse introduite dans les conditions fixées par le code général des impôts, conteste le bien-fondé ou la quotité des impositions mises à sa charge, peut surseoir au paiement de la partie contestée desdites impositions s'il en fait la demande dans sa réclamation introductive d'instance, et fixe le montant ou précise les bases du dégrèvement auquel il prétend. Le contribuable doit constituer des garanties propres à assurer le recouvrement des impôts contestés. Ces garanties peuvent être constituées par une consignation à un compte d'attente au Trésor, des créances sur le Trésor, des obligations dûment cautionnées, des valeurs mobilières, des marchandises déposées dans des magasins agréés par l'Etat et faisant l'objet d'un warrant endossé à l'ordre du Trésor, des affectations hypothécaires, des nantissements de fonds de commerce 1 . A défaut de constitution de garanties, le comptable peut prendre des mesures conservatoires pour les impôts contestés, la vente ne pouvant être effectuée jusqu'à ce qu'une décision ait été prise sur la réclamation contentieuse susvisée soit par l'administration, si elle est compétente, soit par le tribunal administratif. Le comptable invite par lettre recommandée le contribuable à constituer des garanties. Si le comptable estime ne pas pouvoir accepter les garanties offertes par le contribuable, parce qu'elles ne répondent pas aux conditions prévues aux alinéas précédents, le comptable notifie sa décision par lettre recommandée au contribuable ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des termes mêmes d'une lettre adressée le 24 mai 1979 par Mme Y... au percepteur de Montesquiou, qu'à cette date l'intéressée n'avait encore présenté aucune réclamation contentieuse au directeur des services fiscaux relative aux taxes foncières mises à sa charge au titre de l'année 1977, et pour lesquelles le délai légal de réclamation était expiré depuis le 31 décembre de l'année 1978, en vertu des dispositions de l'article 1932 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions mises en recouvrement en 1977 ; que, dès lors, le percepteur de Montesquiou était en droit de décerner, le 21 mai 1979, une contrainte en vue d'assurer le recouvrement de ces impositions ; qu'il suit de là que Mme Y... n'est pas fondée à soutenir que l'avis à tiers-détenteur adressé le 23 octobre 1980 à son fermier, et qui procède de cette contrainte, manque de base légale à concurrence du montant des sommes réclamées à raison des impositions en litige au titre de l'année 1977 ;
Considérant, en revanche, qu'il résulte de l'instruction, notamment du mémoire en réplique produit devant le tribunal administratif par le Trésorier-payeur général du Gers, que la requérante avait adressé, le 19 décembre 1979, au directeur des services fiscaux de ce département deux réclamations contentieuses assorties de demandes de sursis de paiement concernant les taxes foncières mises à sa charge au titre de l'année 1978 ; qu'il n'est pas contesté que les demandes remplissaient les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 1952 du code général des impôts, applicables en 1979 ; que, si le comptable n'a été informé que tardivement de l'existence de cette demande, par suite d'une omission du service d'assiette, cette demande de sursis a produit immédiatement les effets qui lui sont attachés par la loi. Que le comptable, n'ayant pas invité le contribuable à constituer des garanties, ainsi que le prévoient les dispositions précitées de l'article 1952 du code général des impôts, les impositions contestées doivent, dès lors, être regardées comme ayant cessé d'être exigibles à compter de la date du dépôt de la réclamation à la direction des services fiscaux du Gers ; qu'ainsi, à compter de cette date, la contrainte décernée le 21 mai 1979 par le percepteur de Montesquiou en vue d'assurer le recouvrement des taxes dues au titre de l'année 1978 était devenue caduque ; que, par suite, et bien que les impositions dont s'agit fussent à nouveau devenues exigibles à compter du 19 août 1980, date d'expiration du délai pour saisir le tribunal administratif à la suite des décisions de rejet prises par le directeur sur les réclamations contentieuses de Mme Y..., décisions qui ont été notifiées à l'intéressée le 18 juin 1980, il appartenait au comptable de décerner une nouvelle contrainte avant de poursuivre le recouvrement desdites impositions ; qu'il est constant qu'il ne l'a pas fait ; qu'il suit de là que la requérante est fondée à soutenir que l'avis à tiers-détenteur du 23 octobre 1980, faute d'avoir été précédé d'une contrainte, manque de base légale à concurrence du montant des sommes réclamées à raison des impositions en litige établies au titre de l'année 1978 ;
DECIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau, en date du 23 mars 1982, est annulé. Article 2 : L'opposition à contrainte de Mme Y... est admise en tant qu'elle porte sur le montant des sommes réclamées pour le paiement des taxes foncières assignées à l'intéressée au titre de l'année 1978. Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande de Mme Y... devant le tribunal administratif de Pau, et le surplus des conclusions de sa requête, sont rejetés. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Y... et au ministre de l'économie, des finances et du budget.
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