Conseil d'Etat, 7/8/9 SSR, du 8 janvier 1982, 12543, publié au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Recours du ministre du budget tendant à l'annulation du jugement du 11 mars 1978 du tribunal de Fort-de-France statuant sur la demande de M. X... Marius en tant que ce jugement tout en reconnaissant la validité du commandement a décidé que les effets de la contrainte délivrée le 9 juin 1976 par le trésorier-payeur général de la Martinique à l'encontre de M. X... ont été suspendus à compter du 30 juin 1976, date de la réclamation présentée par le contribuable et assortie d'une demande de sursis de paiement ;
Vu le code des tribunaux administratifs ; le code général des impôts ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;
Considérant que le trésorier principal de Fort-de-France a décerné, le 9 juin 1976, une contrainte à l'encontre de M. X... pour les impositions assignées à ce contribuable au titre des années 1970, 1971, 1972 et 1973 et mises en recouvrement les 15 et 30 avril 1976 et qu'un commandement a été signifié le même jour au contribuable ; que le 25 juin 1976, M. X... a formé une opposition à contrainte auprès du trésorier-payeur général de la Martinique ; que, le 30 juin 1976, M. X... a présenté une réclamation au directeur départemental des impôts de Fort-de-France tendant à la décharge de l'ensemble des impositions susmentionnées ; que cette réclamation était assortie d'une demande de sursis de paiement qui a été transmise au trésorier principal de Fort-de-France le 19 juillet 1976 ; que, le 21 juillet 1976, ce comptable a invité le contribuable à constituer des garanties ; que M. X... a donné suite à cette invitation en formulant une offre de garantie par une lettre qui a été reçue par le service le 18 août 1976 ; qu'entre temps par une décision du 3 août 1976, le trésorier-payeur général, tout en réduisant la portée de la contrainte et les frais de commandement pour tenir compte des sommes versées par M. X... avant le 9 juin 1976, a rejeté pour le surplus l'opposition à contrainte formée par ce dernier ; qu'enfin les garanties proposées par le contribuable ont été rejetées par une décision du trésorier payeur de Fort-de-France en date du 7 décembre 1976, qui est devenue définitive faute d'avoir été contestée dans le délai prévu à l'article 1952-2 du code général des impôts devant le juge du référé administratif ;
Cons. que, M. X... ayant attaqué devant le tribunal administratif de Fort-de-France la décision du 3 août 1976 par laquelle le trésorier-payeur général avait rejeté partiellement son opposition à contrainte, le tribunal, par un jugement du 11 mars 1978, après avoir rejeté les conclusions de M. X... tendant à l'annulation du commandement, a décidé que l'intéressé était fondé à soutenir que les effets dudit commandement avaient été suspendus du jour où le comptable avait été informé des demandes de sursis de paiement présentées par le contribuable dans sa réclamation le 30 juin 1976 ; que le ministre du budget fait appel, sur ce dernier point, du jugement du tribunal administratif de Fort-de-France ; que, par la voie d'un recours incident, M. X... conclut à ce que lui soit accordée la décharge des frais de commandement restant à sa charge, soit 10 027 F ;
Cons. qu'aux termes de l'article 1846 du code général des impôts : " les dispositions de l'article 1910 sont applicables à toutes les réclamations relatives aux poursuites en matière de contributions directes et d'amendes. Ces réclamations revêtent la forme soit d'une opposition à l'acte de poursuites, soit d'une opposition à la contrainte administrative. L'opposition doit, à peine de nullité, être formée dans le mois de la notification de l'acte et, s'il s'agit d'une opposition à contrainte, dans le mois de la notification du premier acte qui procède de cette contrainte. Si la demande est portée devant les tribunaux, elle doit, sous la même sanction, être introduite dans le mois de l'expiration du délai imparti au chef de service pour statuer, en application de l'article 1910, ou dans le mois de la notification de la décision. L'opposition à l'acte de poursuites ne peut viser que la validité en la forme de l'acte. Elle est portée devant les tribunaux judiciaires et jugée comme en matière sommaire. Toute contestation portant sur l'existence de l'obligation, sa quotité ou son exigibilité constitue une opposition à contrainte. Elle est portée devant le tribunal administratif " ; qu'aux termes de l'article 1952 du même code : " 1. En matière d'impôts directs recouvrés par les comptables du Trésor, le contribuable qui, par une réclamation contentieuse introduite dans les conditions fixées par le code général des impôts, conteste le bien-fondé ou la quotité des impositions mises à sa charge, peut surseoir au paiement de la partie contestée desdites impositions s'il en fait la demande dans sa réclamation introductive d'instance, et fixe le montant ou précise les bases du dégrèvement auquel il prétend. Le contribuable doit constituer des garanties propres à assurer le recouvrement des impôts contestés ... A défaut de constitution de garanties, le comptable peut prendre des mesures conservatoires pour les impôts contestés, la vente ne pouvant être effectuée jusqu'à ce qu'une décision ait été prise sur la réclamation contentieuse susvisée soit par l'administration, si elle est compétente, soit par le tribunal administratif. Le comptable invite par lettre recommandée le contribuable à constituer des garanties. Si le comptable estime ne pas pouvoir accepter les garanties offertes par le contribuable, parce qu'elles ne répondent pas aux conditions prévues aux alinéas précédents, le comptable notifie sa décision par lettre recommandée au contribuable " ;
Sur le recours du ministre du budget : Cons. qu'il résulte des dispositions combinées des articles 1846 et 1952 que les impositions contestées par un contribuable qui a assorti sa réclamation d'une demande régulière de sursis de paiement et qui a régulièrement offert des garanties cessent d'être exigibles à compter de la date à laquelle le comptable a eu connaissance des garanties offertes par le contribuable et tant que le comptable n'a pas régulièrement notifié son refus desdites garanties ; que par suite, dans l'hypothèse où une contrainte a été, antérieurement, à cette date, décernée pour le recouvrement des impositions contestées, ladite contrainte devient caduque à compter de la date à laquelle les impositions ont cessé d'être exigibles ; qu'enfin, si lesdites impositions redeviennent exigibles par suite de la notification du refus des garanties, il appartient au comptable de décerner une nouvelle contrainte afin de poursuivre le recouvrement desdites impositions ;
Cons. qu'il résulte de ce qui précède que la contrainte litigieuse, alors même qu'elle a été légalement décernée le 9 juin 1976, est devenue caduque le 18 août 1976, date à laquelle le comptable a eu connaissance des garanties offertes, et que, si les impositions constestées sont redevenues exigibles le 7 décembre 1976, date à laquelle le comptable a notifié son refus d'accepter les garanties offertes, sans que le contribuable ait déféré ce refus au juge du référé administratif, il appartenait au comptable, le cas échéant, de décerner une nouvelle contrainte afin de reprendre les poursuites pour le recouvrement desdites impositions ; que, dans ces conditions, le tribunal administratif, en même temps qu'il rejetait, comme il l'a fait, les conclusions du contribuable tendant à l'annulation du commandement, devait constater que la contrainte était caduque, au lieu de déclarer suspendus les effets du commandement ; que, dès lors, le ministre n'est fondé à contester le jugement attaqué qu'en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif a retenu, comme point de départ des effets, sur les poursuites, de la demande de sursis déposée par M. X..., le 30 juin 1976, date de la présentation de cette demande, au lieu du 18 août 1976, date où le comptable a reçu l'offre de garanties du contribuable ;
Sur le recours incident de M. X... : Cons. qu'il ne résulte pas de l'instruction de l'administration ait à tort engagé dès le 9 juin 1976 des poursuites tendant au recouvrement des impositions assignées à M. X... ; que si, comme il a été dit plus haut, la contrainte est devenue caduque le 18 août 1976, cette caducité ne vaut que pour l'avenir et ne vicie pas rétroactivement la validité de la contrainte ; que les frais afférents au commandement litigieux doivent dès lors être laissés à la charge du contribuable, alors même que les impositions ont ultérieurement cessé d'être exigibles ;
point de départ des effets fixé au 18 août 1976, réformation du jugement en ce sens ; rejet du surplus des conclusions du recours du ministre et du recours incident de M. X... .
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