Conseil d'Etat, 7/8/9 SSR, du 3 février 1984, 27227, publié au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Recours du ministre du budget, tendant :
1 à titre principal : a à l'annulation du jugement du 17 juin 1980 du tribunal administratif de Lille accordant à la société anonyme Etablissements Léonelli frères la décharge du supplément de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1969 au 31 décembre 1972 ; b à la remise intégrale de l'imposition contestée à la charge de la société anonyme Etablissements Léonelli frères ;
2 à titre subsidiaire : a à la remise à la charge de la société anonyme Etablissement Léonelli frères de l'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée à concurrence de 2 772 F de droits et 766,62 F de pénalités ; b à la réformation en ce sens du jugement du tribunal administratif de Lille du 17 juin 1980 ;
Vu le code général des impôts ; le code des tribunaux administratifs ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;
Considérant que le société anonyme Etablissements Léonelli frères, qui exploite un commerce de vins en gros, vend ses produits dans des bouteilles de verre et reçoit de l'acheteur, en sus du prix du vin, une certaine somme par bouteille, qu'elle s'engage à rembourser moyennent la restitution de cette bouteille en bon état ; que l'administration a soumis à des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée, au titre de la période du 1er janvier 1969 au 31 décembre 1972, le montant des consignations des bouteilles non restituées par les clients, dont le nombre a été déterminé selon une méthode statistique ; que la société n'a demandé la réduction de l'imposition qu'à concurrence d'une somme de 66 475 F de droits en principal et de 18 384,36 F de pénalités, correspondant au montant qu'elle a ainsi acquitté à raison de la consignation des bouteilles non rendues par les clients ; que le ministre du budget fait appel du jugement, en date du 17 juin 1980, par lequel le tribunal administratif de Lille a accueilli ladite demande ;
Cons. qu'aux termes de l'article 261 du code général des impôts : " sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée ... 3... 1° a ... les ventes de biens usagés faites par les personnes qui les ont utilisés pour les besoins de leurs exploitations " ;
Cons. qu'eu égard tant à la nécessité dans laquelle se trouvait la société Etablissement Léonelli frères, pour poursuivre son exploitation, de mettre en oeuvre en permanence une certaine quantité de bouteilles consignées à sa clientèle, qu'à la durée de plus d'une année, déterminée ainsi qu'il a été dit ci-dessus par une méthode statistique, pendant laquelle les bouteilles dont s'agit, qui sont des emballages récupérables non identifiables, sont affectées à l'exploitation, celles-ci constituent des immobilisations ;
Cons., d'une part, que les dispositions de l'article 38 ter de l'annexe III au code général des impôts, issu de l'article 2 du décret du 28 octobre 1965, lesquelles prévoient que les emballages récupérables non identifiables par nature peuvent être portés parmi les valeurs d'exploitation, n'ont pas eu pour objet, et n'auraient d'ailleurs pu avoir légalement pour effet, d'autoriser une inscription dans les stocks d'emballages commerciaux auxquels les nécessités de l'exploitation, de même que les modalités et la durée de leur utilisation, confèrent le caractère d'une immobilisation ;
Cons., d'autre part, que, s'il est constant que la société Etablissements Léonelli frères a, en fait, inscrit le montant des consignations des emballages litigieux dans ses stocks, cette circonstance a été le fruit d'une erreur comptable qui, en tout état de cause, ne peut lui être opposée de manière pertinente pour la détermination de l'assiette de la taxe sur valeur ajoutée ;
Cons. que les bouteilles dont s'agit, constituant, ainsi qu'il vient d'être dit, des immobilisations, et ayant d'ailleurs, en l'espèce, toutes déjà servi lorsque la clientèle est réputée les avoir achetées, doivent être regardées comme des " biens usagés " au sens des dispositions précitées du 3 de l'article 261 du code général des impôts, alors même que certaines d'entre elles n'auraient pas perdu de valeur en fonction de l'usage plus ou moins prolongé qui en a été fait, et qu'une partie d'entre elles a été acquise par la clientèle après n'avoir été utilisée qu'une seule fois ;
Cons. qu'il résulte de ce qui précède que le ministre du budget, qui ne soutient pas que les premiers juges auraient statué au delà des conclusions de la demande dont ils étaient saisis, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a accordé à la société Etablissement Léonelli frères la décharge du supplément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été assigné au titre de la période du 1er janvier 1969 au 31 décembre 1972 ;
rejet .
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