Conseil d'Etat, 9 / 8 SSR, du 2 juin 1976, 94758, publié au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requete sommaire et le memoire ampliatif presentes pour la societe anonyme y, dont le siege est a z, representee par son president-directeur general et ses administrateurs en exercice, ladite requete et ledit memoire enregistres au secretariat du contentieux du conseil d'etat respectivement les 17 avril 1974 et 14 novembre 1974 et tendant a ce qu'il plaise au conseil annuler un jugement en date du 27 fevrier 1974 par lequel le tribunal administratif de besancon a rejete sa demande en decharge des cotisations supplementaires a l'impot sur les societes auxquelles elle a ete assujettie au titre des annees 1960, 1961 et 1962 dans les roles de la commune de z. Vu le code general des impots ; Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le decret du 30 septembre 1953 ;
Sur la regularite du jugement attaque : Considerant que, d'une part, le tribunal administratif ne s'est pas borne a affirmer l'existence de liens etroits d'interdependance entre la societe requerante et le sieur, mais a, en outre, precise la nature de ces liens en indiquant que le sieur x etait le seul acheteur etranger des produits de la societe et en soulignant les liens de parente existant entre lui et le principal dirigeant de la societe ; que, d'autre part, apres avoir constate que les bases d'imposition contestees ont ete etablies conformement a l'avis de la commission departementale des impots, le tribunal administratif a precise que la societe n'a, ni dans ses productions, ni par l'expertise, apporte la preuve que les reintegrations litigieuses seraient mal fondees ou exagerees ; que, dans ces conditions, le tribunal, qui n'etait pas tenu de repondre a tous les arguments invoques par la societe requerante a l'appui de ses moyens et conclusions, a suffisamment motive sa decision ;
Sur la charge de la preuve : Considerant que, par un jugement avant-dire-droit en date du 24 octobre 1969, devenu definitif, le tribunal administratif a decide qu'il appartenait a la societe requerante d'apporter la preuve de l'exageration des bases d'imposition, etablies conformement a l'avis de la commission departementale ; que, dans ces conditions, ladite societe ne peut utilement soutenir que la charge de la preuve incomberait a l'administration ;
Sur la reintegration des sommes transferees a l'etranger : Considerant qu'aux termes de l'article 57 du code general des impots, dans sa redaction en vigueur a la fin de chacune des annees d'imposition, et dont les dispositions sont applicables, en vertu de l'article 209 du meme code, a la determination des benefices passibles de l'impot sur les societes : "pour l'etablissement de l'impot sur le revenu des personnes physiques du par les entreprises qui sont sous la dependance ou qui possedent le controle d'entreprises situees hors de france, les benefices indirectement transferes a ces dernieres, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorpores aux resultats accuses par les comptabilites. - a defaut d'elements precis pour operer les redressements prevus a l'alinea precedent, less produits imposables sont determines par comparaison avec ceux des entreprises similaires exploitees normalement" ;
Considerant que l'administration a reintegre dans les benefices realises en 1960, 1961 et 1962 par la societe y les sommes respectives de 39.565 f, 157.865 f et 312.208 f. regardees comme indument transferees au profit du sieur x, lequel residait en suisse ;
Considerant, en premier lieu, qu'il resulte de l'instruction que le sieur x etait proprietaire de la marque w sous laquelle etaient fabriques les electrophones automatiques produits par la societe y, et qu'il pouvait interdire a tout moment a ladite societe l'usage de cette marque des lors qu'aucun contrat ne le liait a elle pour son exploitation ; que le sieur x, principal acheteur etranger des appareils fabriques par la societe, intervenait en outre dans la gestion de la societe y et dans la "commercialisation" en france des appareils vendus a d'autres clients, conjointement avec son fils qui possedait 69% des parts de ladite societe et assumait les fonctions de directeur commercial ; qu'il resulte de ces circonstances qu'au cours des annees litigieuses, la societe requerante se trouvait sous la dependance du sieur x, au sens des dispositions precitees de l'article 57 du code general des impots ;
Considerant, en second lieu, qu'il resulte de l'instruction, et notamment de l'expertise ordonnee par les premiers juges, qu'au cours des annees litigieuses, et notamment en 1961 et 1962, la societe y a vendu au sieur x une part importante de sa production, et lui a consenti des prix de vente inferieurs a ceux qu'elle pratiquait a l'egard de ses autres clients ; que la societe y n'etablit pas que les conditions de vente consenties au sieur x etaient justifiees par son interet commercial ; que, si elle soutient que les diminutions de prix consenties avaient pour objet de compenser l'avantage tire de l'utilisation gratuite de la marque w, elle n'apporte aucun element permettant d'apprecier la valeur de cet avantage ; qu'enfin, les reintegrations operees par l'administration ont tenu comptedes frais de "commercialisation" a l'etranger pris en charge par le sieur x. qu'ainsi, la societe y, a qui incombe, comme il a ete dit ci-dessus, la charge de combattre la presomption resultant du texte susrappele, n'apporte pas la preuve que les avantages consentis au sieur x, et reintegres par l'administration dans ses benefices, ne constituaient pas des benefices transferes a l'etranger, au sens des dispositions precitees de l'article 57 du code general des impots ;
Considerant, enfin, que l'administration a pu trouver dans la comptabilite de la societe requerante les elements precis qui lui ont permis d'effectuer les redressements litigieux, et n'avait pas, des lors, a recourir a des comparaisons avec d'autres entreprises pour determiner le montant des sommes a reintegrer dans les benefices imposables ;
Sur la reintegration d'une fraction des commissions versees : Considerant que la societe y a inclus dans ses charges d'exploitation de l'exercice 1962 une somme de 563.600 f versee au sieur x, son representant pour la france ; que l'admin istration, estimant que le montant de cette commission ne correspondait que pour moitie a une depense justifiee par les interets de l'exploitation, en a reintegre la moitie, soit 281.800 f, dans le benefice imposable de ladite annee ; qu'il resulte de l'instruction qu'apres avoir consenti au sieur x, par contrat en date du 10 juillet 1961, une commission de 200 f par appareil vendu, la societe requerante a, par avenant audit contrat en date du 17 juillet 1961, accepte que le montant de cette commission soit porte a 400 f, en sus d'un salaire mensuel fixe de 1.000 f et du remboursement de divers frais ; que la societe ne demontre pas que l'importance anormale des remunerations versees a son representant au regard du prix de revient des appareils vendus serait justifiee par un travail effectif, et notamment par les modalites particulieres de "commercialisation" de ses fabrications ;
Considerant qu'il resulte de ce qui precede que la societe y n'est pas fondee a soutenir que c'est a tort que, par le jugement attaque, le tribunal administratif de besancon a rejete sa demande en decharge des impositions litigieuses ;
Decide : Article 1er. - la requete susvisee de la societe y est rejetee. Article 2. - expedition de la presente decision sera transmise au ministre de l'economie et des finances.
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