Conseil d'Etat, 9 / 8 SSR, du 2 juin 1976, 89361, mentionné aux tables du recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requete sommaire et le memoire ampliatif presentes pour la societe anonyme du casino municipal d'aix-thermal, dont le siege est a aix-en-provence, ..., agissant poursuites et diligences de son president directeur general en exercice, ladite requete et ledit memoire enregistres respectivement les 14 novembre 1972 et 1er octobre 1973 au secretariat du contentieux du conseil d'etat, et tendant a ce qu'il plaise au conseil reformer un jugement en date du 12 juillet 1972 par lequel le tribunal administratif de marseille a decide qu'il n'y avait lieu de statuer sur une partie de sa demande tendant a la decharge de la taxe sur les prestations de services a laquelle elle a ete assujettie par un avis de mise en recouvrement notifie le 21 septembre 1967 pour la periode du 1er novembre 1963 au 31 octobre 1966 et a rejete le surplus des conclusions de sa demande ;
Vu le code general des impots; Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le decret du 30 septembre 1953;
Considerant que, par jugement en date du 24 mai 1973, le tribunal administratif de marseille a decide qu'il n'y avait lieu de statuer sur les conclusions de la demande presentee par la societe du casino municipal d'aix-en-provence tendant a la decharge de la taxe sur les prestations de services a laquelle elle a ete assujettie pour la periode du 1er novembre 1963 au 31 janvier 1964 et a rejete le surplus des conclusions de la demande relatives a la meme taxe a laquelle ladite societe a ete assujettie au titre de la periode du 1er fevrier 1964 au 31 octobre 1966 ; que la societe du casino municipal d'aix-en-provence fait appel dudit jugement en tant qu'il a rejete le surplus des conclusions de sa demande;
Sur la regularite du jugement attaque : Sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre moyen relatif a la regularite du jugement attaque : Considerant que les premiers juges ont omis de repondre au moyen tire de la violation de l'article 1941-6 du code general des impots, ainsi que de statuer sur les conclusions relatives aux indemnites de retard; que, par suite, dans les limites des conclusions de la requete, le jugement entrepris encourt l'annulation ; Considerant que l'affaire est en etat ; qu'il y a lieu d'evoquer et de statuer immediatement sur la demande presentee par la societe devant le tribunal administratif ;
Sur le moyen tire de ce que l'administration devrait etre reputee avoir acquiesce aux faits exposes par le contribuable dans sa demande au tribunal administratif : Considerant que, si l'administration n'a produit son memoire en defense qu'apr es l'expiration du delai de six mois prevu a l'article 1941-6 du code general des impots, ledit memoire a ete presente avant la cloture de l'instruction ; qu'ainsi le moyen susenonce ne saurait etre accueilli ;
Sur la regularite de la procedure d'imposition : Considerant, en premier lieu, qu'il resulte des termes memes de la notification en date du 9 juin 1967 du redressement conteste que l'administration a entendu reintegrer dans l'assiette de la taxe sur les prestations de services due par la societe requerante la fraction des pourboires abandonnee par les joueurs qui a ete repartie entre les employes du casino autres que le personnel des jeux pendant la periode du 1er novembre 1963 au 31octobre 1966; qu'en motivant ainsi le redressement litigieux, le service n'a nullement meconnu les prescriptions de l'article 1649 quinquies a 2 aux termes desquels : "l'administration fait connaitre au redevable la nature et les motifs du redressement envisage";
Considerant, en second lieu, qu'il resulte de l'instruction que la societe requerante a, posterieurement a la notification du redressement, fait connaitre a l'administration que, "desirant beneficier des dispositions de l'article 1649 septies a, elle sollicitait le benefice de la deduction en cascade"; que, par cette derniere expression, la societe visait non l'article 1649 septies a, mais l'article 1649 septies e, aux termes duquel "en cas de verification simultanee des taxes sur le chiffre d'affaires ... de l'impot sur le revenu ou de l'impot sur les societes, les contribuables peuvent demander que les droits simples resultant de la verification soient admis en deduction des rehaussements apportes aux bases d'imposition ... "; que, par suite, la societe requerante n'est pas fondee a soutenir que la procedure d'imposition aurait ete irreguliere par le motif qu'elle n'aurait pas obtenu les informations mentionnees a l'article 1649 septies a que l'administration est tenue de donner aux contribuables qui en font la demande;
Considerant, enfin, que le desaccord oposant le contribuable a l'administration portait sur le point de savoir si les pourboires verses a certains employes du casino entre le 1er novembre 1963 et le 31 octobre 1966, et dont le montant resulte des etats nominatifs fournis par l'entreprise elle-meme sont ou non passibles de la taxe sur les prestations de services ; qu'ainsi le litige depend uniquement de l'interpretation des articles 256-1, 270 et 274-1 du code general des impots relatifs au fait generateur et a l'assiette de la taxe sur les prestations de services ; qu'il suit de la que le desaccord, ne portant sur aucune question de fait, n'est pas au nombre de ceux dont il appartient a la commission departementale de connaitre; que, par suite, la circonstance que, malgre la demande expresse du contribuable, l'administration n'a pas saisi la commission departementale est sans influence sur la regularite de la procedure d'imposition ;
Sur le principe de l'imposition : Sur le moyen tire de la violation des articles 256-1, 270 et 274-1 ; Considerant qu'en application des articles susmentionnes la taxe sur les prestations de services est percue, a l'occasion des affaires faites en france, en ce qui concerne toutes les operations autres que les ventes, sur le montant des courtages, commissions, remises, salaires, "prix de location et autres profits definitivement acquis" ;
Considerant que les pourboires dont beneficient les employes du casino constituent, pour l'entreprise, quelle que soit l'activite a laquelle sont affectes ces employes, une ressource qui s'ajoute au produit des jeux ainsi qu'aux autres recettes commerciales, et au moyen ... de laquelle sont payees, en tout ou partie, les remunerations dues aux employes qui, en l'absence de tout lien de droit entre eux-memes et les clients, demeurent des preposes de la societe requerante, unis a cette derniere par un contrat de travail et tenant de ce seul contrat leur droit a remuneration; qu'il en est de meme pour les employes des jeux, nonobstant la reglementation particuliere applicable a la repartition des pourboires dont ils beneficient; que, par suite, l'ensemble des pourboires litigieux, y compris ceux dont ont beneficie quatre employes des jeux et qui, selon l'administration, n'auraient ete inclus que par erreur dans les bases de l'imposition contestee mai s qui demeurent en litige, constituent pour l'entreprise un profit definitivement acquis soumis a la taxe sur les prestations de services en application des dispositions susmentionnees du code general des impots ;
Sur le moyen de l'article 1649 quinquies e : Considerant qu'aux termes dudit article, dans sa redaction en vigueur a la date de notification de l'avis de mise en recouvrement litigieux : "il ne sera procede a aucun rehaussement d'impositions ant erieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un different sur l'interpretation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est demontre que l'interpretation sur laquelle est fondee la premiere decision a ete, a l'epoque, formellement admise par l'administration";
Considerant que ne peuvent etre regardees comme des interpretations, formellement admises par l'administration, d'un texte fiscal, ni, en tout etat de cause, une instruction administrative portant reglementation des jeux dans les casinos publiee en 1951 des lors que la taxe sur les prestations de services n'a ete instituee que par l'article 1er de la loi du 10 avril 1954, ni le fait, pour l'admini stration, de ne pas avoir releve appel d'un jugement de premiere instance qui avait donne satisfaction au contribuable;
Considerant que la societe requerante fait egalement etat d'une lettre en date du 14 janvier 1964 par laquelle le ministre de l'economie et des finances a fait connaitre au president du syndicat des casinos autorises que, eu egard aux regles de distribution des pourboires alloues aux personnels des jeux employes par les casinos, ainsi qu'a celles qui sont applicables a la comptabilisation de ces sommes, ces dernieres ne sont pas passibles de la taxe sur les prestations de services ; qu'en analysant les conditions juridiques dans lesquelles sont comptabilises et repartis les pourboires alloues aux personnels des jeux, et en rapprochant lesdites conditions des dispositions relatives au fait generateur de la taxe sur les prestations de services, l'administration a interprete les dispositions des articles 256-1, 270 et 274-1 du code general des impots dans le sens que les pourboires alloues par les casinos autorises aux personnels des jeux ne sont pas soumis a la taxe sur les prestations de services. que, par suite, en se prevalant des dispositions de l'article 1649 quinquies e, l'entreprise requerante est fondee a soutenir que c'est a tort que l'administration a compris certains pouroires attribues aux personnels des jeux tels qu'ils sont definis par la convention collective en date du 29 janvier 1957 dans les bases de l'imposition litigieuse ;
Considerant, en revanche, qu'aux termes de la lettre precitee du 14 janvier 196, le ministre de l'economie et des finances rapelle que les pourboires alloues aux employes des casinos autres que ceux de la branche des jeux doivent etre compris dans l'assiette de la taxe sur les prestations de services ; que, par suite, cette lettre ne peut etre regardee comme une interpretation aux termes de laquelle l'administration aurait admis que les pourboires dont s'agit devaient echapper a la taxe sur les prestations de services ;
Sur le montant de l'imposition : Considerant, d'une part, que les pourboires litigieux qui, ainsi qu'il a ete dit ci-dessus, constituent une ressource pour l'entreprise, sont imposables, en tant qu'ils sont attribues aux personnels autres que ceux de la branche des jeux, pour leur totalite a la taxe sur les prestations de services, sans que puissent etre soustraites des bases d'imposition les charges sociales que, selon la societe requerante, elle a supportees a raison des pourboires dont s'agit; que le redevable ne peut davantage utilement soutenir que, du fait de l'imposition a la taxe sur les prestations de services, il ne serait pas en mesure de repartir l'integralite des pourboires entre les beneficiaires;
Considerant, d'autre part, que, comme il a ete dit ci-dessus, la societe requerante est en droit d'obtenir la decharge des impositions correspondant aux pourboires encaisses par quatre employes des jeux pendant la periode restant en litige; que, selon les indications non contestees de l'administration, ces pourboires s'elevent a 31.870 francs pour la periode s'etendant du 1er novembre 1963 au 31 octobre 1964 ; que, la periode ecoulee entre le 1er novembre 1963 et le 31 janvier 1964 n'etant plus en litige, le montant des pourboires deductibles de l'assiette des impositions qui demeurent contestees doit etre, compte tenu des precisions figurant aux etats de pourboires dresses par l'entreprise, reduit a 25.425 francs; que, compte tenu d'une erreur materielle de 30 francs non contestee, la base d'imposition litigieuse doit etre diminuee de 25.395 francs, et les droits en principal de 2.157,50 francs ;
Sur les interets de retard : Considerant que c'est par une exacte ppplication de l'article 1728 du code general des impots que l'administration, constatant a l'examen des declarations de chiffres d'affaires produites par la societe et des versements operes par elle au titre de la taxe sur les prestations de services, une insuffisance des elements d'imposition, a mis a la charge de la societe requerante l'indemnite de retard prevue a l'article 1727 du meme code applicable au montant des droits eludes ;
Considerant qu'il resulte de tout ce qui precede que la societe du casino municipal d'aix-en-provence est fondee a soutenir que c'est a tort que, par le jugement attaque, le tribunal administratif de marseille a refuse de lui accorder reduction, a concurrence de 2.157,50 francs, des impositions de taxe sur les prestati ons de services qui ont ete mises a sa ch arge par l'avis de mise en recouvrement en date du 21 septembre 1967, deduction faite d'une somme de 9.786,90 francs de droits en principal pour laquelle le tribunal administratif a decide qu'il n'y avait lieu de statuer ; qu'en revanche, le surplus des conclusions de la requete devant le conseil d'etat et de la demande devant le tribunal administratif doivent etre rejetes;
Decide : Article 1er.- l'article 2 du jugement susvise en date du 12 juillet 1972 du tribunal administratif de marseille est annule. Article 2 .- les droits en principal de taxe sur les prestations de services qui ont ete mis a la charge de la societe du casino municipal d'aix-en-provence par l'avis de mise en recouvrement en date du 21 septembre 1967, deduction faite d'une somme de 9.786,90 francs pour laquelle le tribunal administratif de paris a decide qu'il n'y avait lieu de statuer, sont reduits d'une somme de 2.157,50 francs. Article 3 .- le surplus des conclusions de la demande presentee par la societe du casino municipal d'aix-en-provence devant le tribunal administratif de marseille, et des conclusions de la requete sont rejetes.
Article 4 .- les frais de timbre exposes par la societe du casino municipal d'aix-en-provence devant le conseil d'etat et s'elevant a 80 francs, lui seront rembourses. Article 5 .- expedition de la presente decision sera transmise au ministre de l'economie et des finances.
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