Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, du 2 mai 2005, 02MA01709, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'Appel de Marseille le 16 Août 2002 sous le n° 02MA01709, présentée pour M. Munir X, élisant domicile ..., par la société d'avocats Gerbi-Robichon ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'infirmer le jugement n° 97-4774 du Tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Marseille soit déclarée responsable des conséquences dommageables de l'accident de baignade dont il a été victime le 28 juillet 1987 ;

2°) de condamner la ville de Marseille à l'indemniser de la totalité des divers préjudices dont il a été atteint ;

3°) de condamner la même collectivité à lui verser 10.000 F au titre des frais irrépétibles ;

4°) de dire que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter du 19 mars 1997, avec capitalisation ;

Il soutient :

- que le 28 juillet 1987, il a été victime d'un accident sur la plage du Prado à Marseille, en plongeant à un endroit où la profondeur de l'eau était insuffisante ;

- qu'il est resté paralysé, souffrant d'une tétraplégie complète et définitive ;

- que cet accident est imputable à la commune de Marseille pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage public et en raison de la faute commise dans la surveillance et la protection des baigneurs ;

- que le tribunal administratif a retenu à tort la prescription quadriennale opposée par le maire de Marseille ;

- qu'en effet, en application de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, M. X peut être considéré comme ignorant l'existence de sa créance ;

- qu'il a subi de nombreuses interventions chirurgicales et n'a pu se consacrer à l'indemnisation de son préjudice ;

- qu'étant de nationalité turque, il n'a aucune connaissance de la loi française ; que la date de consolidation retenue par le tribunal est erronée, dés lors que l'expert retient celle du 10 juillet 1998 et fait état de modifications de l'état de santé du requérant entre 93 et 98, amenant le taux d'I.P.P de 90 à 85 % ;

- qu'il ressort tant du constat d'huissier du 24 décembre 1996, que du rapport d'enquête déligenté par l'agence Sud Intelligence le 25 avril 2000, que les impératifs de sécurité du ponton litigieux ne sont pas respectés ;

- qu'une expertise avant-dire-droit sur les circonstances de l'accident serait utile et qu'il convient que la Cour la prescrive ;

- que la commune de Marseille a commis une faute dans l'exercice des pouvoirs de police du maire ;

- qu'elle n'établit pas la matérialité de la signalisation dont elle allègue l'existence ;

- qu'aucun panneau n'interdit les plongeons au niveau de la troisième partie du ponton ;

- qu'aucune rambarde de protection ne fait obstacle aux plongeons ;

- que d'autres accidents sont survenus dans le secteur, provoquant une pétition de riverains ;

- que la commune de Marseille ne produit pas les arrêtés municipaux réglementant la baignade en 1987 ;

- que le rapport d'expertise fait bien apparaître qu'une première consolidation au 1er septembre 1989, a été suivie d'une certaine amélioration au niveau des membres supérieurs et d'une nouvelle consolidation au 10 juillet 1998 ;

- qu'il justifie des chefs de préjudice suivants :

* au titre de l'I.T.T : pour la période du 25 juillet 1987 au 1er septembre 1989 : 24.694,74 euros, pour la période du 1er octobre 1989 au 10 juillet 1998 : 9.146,94 euros ;

* au titre des frais médicaux et pharmaceutiques annuels : 3.596,80 euros ;

* au titre de l'I.P.P : 411.612,35 euros ;

* au titre de l'assistance à tierce personne : 35.144,14 euros ;

* au titre des frais matériels : 202.657,98 euros ;

* au titre de l'aménagement du logement : 9.476,54 euros ;

* au titre de l'aménagement du véhicule : 22.987,50 euros ;

* au titre des déplacements et voyages : 41.365,52 euros ;

* au titre du préjudice d'agrément : 53.357,16 euros ;

* au titre du préjudice sexuel : 76.224,51 euros ;

* au titre du pretium doloris : 30.489,80 euros ;

* au titre du préjudice esthétique : 15.244,90 euros ;

Que toutes sommes doivent porter intérêts à compter du 19 mars 1997, date de la réclamation préalable, lesdits intérêts devant eux-mêmes donner lieu à capitalisation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 17 mars 2003, présenté pour la ville de Marseille par Me Mazet, avocat ; elle demande la confirmation pure et simple du jugement du tribunal administratif ;

…………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 25 mars 2005 :

- le rapport de M. Chavant, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Firmin, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant, en premier lieu, que dans le jugement attaqué du 26 juin 2002 le Tribunal administratif de Marseille a implicitement mais nécessairement répondu au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, relative à la prescription quadriennale, en retenant cette prescription et en écartant par suite l'exception prévue par l'article 3 de la loi en faveur de celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ; qu'au demeurant, la circonstance que M. X, de nationalité turque, ne connaisse pas la loi française ne saurait lui ouvrir droit à sa méconnaissance ; qu'en outre, le rapport d'expertise conclut à la consolidation de son état au 1er septembre 1989 ; que les améliorations ponctuelles qui se sont manifestées postérieurement à cette date ne sauraient faire obstacle à la computation des délais de prescription opérée par le tribunal, ni au droit de la commune d'opposer ladite prescription ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal n'aurait pas répondu à celui relatif à la méconnaissance de l'article 3 de la loi susmentionnée du 31 décembre 1968 doit être écarté ;

Sur la responsabilité :

Considérant, que M. X n'apporte en appel aucun élément nouveau sur les circonstances de l'accident litigieux et se borne à solliciter une expertise complémentaire en vue de les éclaircir ; qu'en l'absence de tout témoignage ou de tout autre indice d'une évolution des connaissances en la matière, celle ci serait frustratoire 18 ans après les faits ; que, par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions de la requête à cette fin ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que l'accident est exclusivement imputable à l'imprudence de la victime, qui a plongé dans un endroit où l'interdiction de cette pratique, en raison d'une profondeur d'eau insuffisante, se trouvait matérialisée au sol, sans qu'il fût nécessaire d'installer des rambardes ou de répéter l'interdiction à l'extrémité du ponton ; qu'en l'absence de faute de police et de défaut d'entretien normal de l'ouvrage public susceptible d'être retenus à l'encontre de la commune de Marseille, il y a lieu de rejeter la requête présentée par M. X ;

DECIDE

Article 1er : La requête présentée par M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. X, à la commune de Marseille, à la CPAM de l'Isère et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

Copie en sera adressée à M. Deruty, expert.

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N° 02MA1709




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