Cour administrative d'appel de Nancy, 2e chambre, du 27 juin 1996, 94NC00999, mentionné aux tables du recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête enregistrée le 7 juillet 1994 présentée pour M. René Y... domicilié ... (Meurthe et Moselle) ;

M. Y... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 10 mai 1994 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa requête tendant à obtenir l'annulation de rappels d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti, au titre des années 1984 à 1986 ;

2°) de lui accorder la décharge de ces impositions s'élevant, en droits et pénalités, aux montant respectifs de :

- 101 813 F au titre de l'année 1984, - 223 389 F au titre de l'année 1985, - 21 995 F au titre de l'année 1986. Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 juin 1996 :

- le rapport de M. BATHIE Conseiller-rapporteur,

- les observations de Me X... représentant M. Z...,

- et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 44 quater du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : "Les entreprises créées du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1986, soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et répondant aux conditions prévues au 2° et 3° du II et du III de l'article 44 bis sont exonérées de l'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices industriels et commerciaux qu'elles réalisent à compter de la date de leur création jusqu'au trente-cinquième mois suivant celui au cours duquel cette création est intervenue. Les bénéfices réalisés au cours des vingt quatre mois suivant la période d'exonération précitée ne sont retenus dans les bases de l'impôt sur le revenu ... que pour la moitié de leur montant ..." ; qu'aux termes de l'article 44 bis II-2° du même code auquel il est fait renvoi : "A la clôture de l'exercice, le prix de revient des biens d'équipement amortissables suivant le mode dégressif en application des dispositions du 1 de l'article 39 A doit représenter au moins les deux tiers du prix de revient total des immobilisations corporelles amortissables" ; qu'aux termes de cet article 39 A-1 du code général des impôts : "L'amortissement des biens d'équipement, autres que les immeubles d'habitation, les chantiers et les locaux servant à l'exercice de la profession, acquis ou fabriqués à compter du 1er janvier 1960 par les entreprises industrielles, peut être calculé suivant un système d'amortissement dégressif, compte tenu de la durée d'amortissement en usage dans chaque nature d'industrie" ; qu'enfin l'article 22 de l'annexe II du même code, qui précise les biens susceptibles d'être amortis selon un système dégressif et susévoqués, mentionne notamment ; " ... Matériels et outillages utilisés pour des opérations industrielles de fabrication, de transformation ou de transport ... Installations de magasinage et de stockage ..." ;

Considérant que, en application de ces dispositions combinées, le tribunal administratif de Nancy a estimé, par le jugement attaqué et susvisé, que M. Y... ne pouvait légalement bénéficier de l'exonération d'impôt sur le revenu à laquelle il estimait avoir droit, au titre des années 1984 à 1986, au seul motif que le seuil des biens d'équipement amortis selon un mode dégressif, et prévu par l'article 44 bis II 2° précité, n'était pas atteint dans son entreprise nouvellement créée au cours des exercices en litige ;

Considérant que M. Y... avait initialement inclus, parmi ses matériels amortissables selon un système dégressif, deux véhicules-ateliers ; que cette caractéristique des biens ayant été remise en cause par le vérificateur, le seuil susévoqué ne se trouvait plus atteint, ce qui a constitué l'un des motifs des redressements d'impôt sur le revenu en litige ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de l'instruction que l'entreprise du requérant était spécialisée dans la fabrication et l'installation de vérandas ; que les véhicules susévoqués servaient à transporter chez les clients à la fois les éléments du produit commandé, et l'outillage adéquat, permettant le montant et l'installation sur place de ces vérandas ; que, dans les conditions particulières du cas d'espèce, ces véhicules doivent être regardés comme des matériels utilisés pour des opérations industrielles de transport, au sens de l'article 22 de l'annexe II du code général des impôts précité ;

Considérant, en deuxième lieu, que la seule circonstance que ces biens auraient été, en réalité, amortis selon un système linéaire, ne fait pas obstacle à ce qu'ils soient pris en compte pour le calcul du seuil susévoqué, dès lors que ce dernier, aux termes de l'article 44 bis II 2° précité, est uniquement tributaire des biens d'équipements "amortissables" selon un mode dégressif ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne permettait à l'administration d'exclure de la catégorie des biens amortissables selon un mode dégressif, les véhicules-ateliers susmentionnés au seul motif qu'ils n'auraient eu moins de deux tonnes de charge utile ;

Considérant, en quatrième lieu, que les galeries de toit qui constituaient des accessoires de ces véhicules doivent suivre le même régime d'amortissement que ces derniers ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le motif que le contribuable ne remplissait pas la condition légale susanalysée relative aux conditions d'amortissement de ses biens d'équipement, pour lui refuser la décharge des impositions en litige ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés devant les premiers juges et repris dans la présente instance ;

Considérant que M. Y... contestait également l'autre motif de la remise en cause de son exonération d'impôt sur le revenu, tiré de ce qu'il n'aurait pas créé une entreprise véritablement nouvelle ;

Considérant, en premier lieu, que l'entreprise individuelle du requérant a été créée le 1er janvier 1983 ; que si elle a repris une partie des personnels et des moyens matériels de la Société Nouvelle du Bâtiment alors en phase de liquidation amiable, et dont M. Y... était associé pour moitié et gérant, il est établi que l'entreprise individuelle s'est rapidement spécialisée dans la fabrication et le montage de vérandas, et a ainsi constitué une clientèle propre, distincte de la société précitée, dont il n'est d'ailleurs pas établi qu'elle aurait possédé les moyens appropriés à ce secteur d'activités ; que c'est donc à tort que l'administration s'est fondée sur la circonstance que l'entreprise individuelle de M. Y... avait été créée pour la reprise d'une activité préexistante, pour lui refuser l'exonération d'impôt prévue en faveur des entreprises nouvelles, sur le fondement des dispositions de l'article 44 bis III, applicables en l'espèce par renvoi de l'article 44 quater et dont il ressort que : "Les entreprises créées dans le cadre d'une concentration ou d'une restructuration d'activités préexistantes ou pour la reprise de telles activités ..." se trouvent exclues de l'avantage fiscal en litige ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'administration n'établit pas qu'un contrat de franchise conclu avec la Société Aluminium Système, aurait constitué un élément essentiel des conditions d'exploitation de l'entreprise, et limiterait tout caractère de nouveauté ; que le contribuable précise, sans être utilement contredit, que ces relations contractuelles sont demeurées marginales et éphémères ;

Considérant qu'il résulte de toutes ces données que M. Y... doit être regardé comme apportant la preuve qui lui incombe, que son entreprise individuelle créée en 1983, répondait aux conditions exigées par l'article 44 quater précité, lui ouvrant droit à l'exonération d'impôt régi par ces dispositions ; que dès lors, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, M. Y... est fondé à obtenir la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu en litige ;
Article 1er : Le jugement susvisé du 10 mai 1994 du tribunal administratif de Nancy est annulé.
Article 2 : M. René Y... est déchargé des suppléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 1984 à 1986, pour des montants respectifs en droits et pénalités de : 101 813 F, 223 389 F et 21 995 F.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y... et au ministre délégué au budget.
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