Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème Chambre, du 19 juin 2003, 99NT02403

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu l'ordonnance n° 21-1354 du 1er septembre 1999 du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat attribuant à la Cour administrative d'appel de Nantes le jugement de la requête de Mme Yvette X ;

Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris les 20 mai et 28 juillet 1999, présentés pour Mme Yvette X, demeurant ..., par Me Philippe BLONDEL, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 97-163 du 11 mars 1999 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 août 1996 du président du conseil général du Cher lui refusant l'agrément en qualité d'assistante maternelle à titre permanent ainsi que de sa décision du 26 novembre 1996 rejetant son recours gracieux ;

C+ CNIJ n° 01-02-03-05

n° 35

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) de condamner le département du Cher à lui verser la somme de 50 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

...............................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;

Vu la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 ;

Vu le décret n° 92-1051 du 29 septembre 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mai 2003 :

- le rapport de M. MARGUERON, président,

- et les conclusions de M. MILLET, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le jugement attaqué du Tribunal administratif d'Orléans a été notifié à Mme X le 26 mars 1999 ; que ce n'est que dans le mémoire ampliatif, enregistré le 28 juillet 1999 que la requérante a contesté la régularité de ce jugement en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de sa demande tendant à l'application des dispositions alors en vigueur de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; qu'il suit de là que le moyen dont s'agit, fondé sur une cause juridique distincte de celles qui servaient de fondement à la requête sommaire, constitue une demande nouvelle qui, présentée tardivement, n'est pas recevable ;

Sur la légalité des décisions des 26 août et 26 novembre 1996 du président du conseil général du Cher :

Considérant qu'aux termes de l'article 123-1 du code de la famille et de l'aide sociale, en vigueur à la date de la décision du président du conseil général du Cher : La personne qui accueille habituellement des mineurs à son domicile, moyennant rémunération, doit être préalablement agréée par le président du conseil général du département où elle réside. L'agrément est accordé pour une durée fixée par voie réglementaire si les conditions d'accueil garantissent la santé, la sécurité et l'épanouissement des mineurs accueillis ; il précise le caractère permanent ou non de l'accueil... Tout refus d'agrément doit être dûment motivé... ;

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 22 juillet 1983 susvisée : Le département est responsable des services et actions suivants et en assure le financement : ...2° Le service de l'aide sociale à l'enfance prévu par le titre II du code de la famille et de l'aide sociale... ; que cette disposition a eu pour effet de confier au président du conseil général de chaque département le pouvoir de statuer sur les demandes d'agrément en vue d'accueillir un ou des mineurs hors du domicile de ses parents ou de son tuteur, alors même que le principe et les modalités d'exercice de ce pouvoir n'ont été explicitement mentionnés dans les dispositions du code de la famille et de l'aide sociale que par la loi n° 92-642 du 12 juillet 1992 ; qu'ainsi, le président du conseil général du Cher a pu légalement, par arrêté du 3 mai 1991, déléguer sa signature en matière d'agrément des assistantes maternelles à M. Y, directeur de la prévention et du développement social du département et signataire des décisions attaquées des 26 août et 26 novembre 1996 ;

Considérant que la demande d'agrément à titre permanent en qualité d'assistante maternelle présentée par Mme X a fait l'objet d'enquêtes par les services sociaux compétents du département du Cher et a été soumise à deux commissions instituées par ce département, respectivement au niveau de la circonscription d'action sanitaire et sociale et au niveau départemental ; que les avis, tous deux défavorables, émis par ces commissions l'ont été au regard d'une grille d'évaluation définie par le président du conseil général et destinée à harmoniser les avis émis par les commissions comme par les travailleurs sociaux sur les demandes d'agrément ; que si le président du conseil général, ainsi qu'il ressort des écritures du département, a tenu compte de ce que ces avis avaient été exprimés conformément aux critères retenus dans cette grille d'évaluation, il ne ressort pas des pièces du dossier que le signataire de la décision attaquée se serait borné à les suivre, sans porter une appréciation sur la demande au moins au regard des critères précités, et que cette décision serait ainsi intervenue en méconnaissance de l'étendue de la compétence dévolue au président du conseil général par les dispositions alors en vigueur de l'article 123-1 du code de la famille et de l'aide sociale ;

Considérant que Mme X n'apporte pas plus que devant le Tribunal administratif, qui a d'ailleurs pu, pour cette raison et sans méconnaître les principes, énoncés notamment à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatifs à la charge de la preuve devant les juridictions, rejeter le moyen comme dépourvu de précisions, d'éléments de nature à établir la composition irrégulière qu'elle allègue des commissions de circonscription et départementales qui se sont prononcées sur sa demande d'agrément ;

Considérant que, dès lors qu'une invitation, à laquelle elle n'a pas donné suite, à un entretien destiné à expliquer les raisons de l'avis défavorable émis par la commission de circonscription lui a été faite par le médecin de la protection maternelle et infantile, plus de deux mois avant la réunion de la commission départementale, Mme X n'est pas fondée à soutenir que la décision du 26 août 1996 serait intervenue en méconnaissance du principe du caractère contradictoire de la procédure ;

Considérant que cette décision de refus d'agrément, à laquelle les avis des deux commissions précités, qu'elle vise, n'avaient pas à être obligatoi-rement joints, répond à l'exigence de motivation posée par les dispositions ci-dessus rappelées de l'article 123-1 du code de la famille et de l'aide sociale ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X a fait connaître aux services du département chargé de l'instruction de sa demande d'agrément en qualité d'assistante maternelle pour l'accueil de mineurs à titre permanent qu'elle-même et son mari adhéraient à la doctrine des Témoins de Jéhovah ; qu'elle ne conteste pas qu'ils n'en suivraient pas personnellement les préceptes dans leur vie familiale et sociale ; qu'en raison des menaces d'isolement social et de marginalisation auxquels les règles de vie qui en découlent exposeraient ainsi un mineur confié à titre permanent, le président du conseil général du Cher a pu légalement, sans méconnaître les stipulations des articles 9 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, estimer, pour refuser l'agrément sollicité, que les caractéristiques présentées par le couple risquaient de ne pas concourir à l'épanouissement de l'enfant accueilli, que les conditions d'accueil doivent notamment garantir en vertu des dispositions de l'article 123-1 du code de la famille et de l'aide sociale ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le président du conseil général aurait pris une autre décision s'il ne s'était fondé que sur ce seul motif ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le département du Cher, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à Mme X la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme Yvette X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Yvette X, au département du Cher et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

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