Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère Chambre, du 30 décembre 2005, 03NT01032, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu I, la requête, enregistrée au greffe de la Cour sous le n° 03NT01032 le 8 juillet 2003, présentée pour M. Raymond X, demeurant ..., par Me Mercier, avocat au barreau de Tours ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0001988 en date du 8 avril 2003 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu qui lui ont été assignées au titre des années 1997 et 1998 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 850 euros au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

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Vu II, la requête, enregistrée au greffe de la Cour sous le n° 05NT00869 le 3 juin 2005, présentée pour M. Raymond X, demeurant ..., par Me Mercier, avocat au barreau de Tours ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0202655 - 0202960 en date du 5 avril 2005 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu qui lui ont été assignées au titre de l'année 1999 et à la réduction de la taxe d'habitation qui lui a été assignée au titre de l'année 2000 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 décembre 2005 :

- le rapport de Mme Magnier, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Lalauze, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées sont relatives à un même contribuable et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les intérêts d'emprunt :

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 13 du code général des impôts : “Le (…) revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut (…) sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu.” ; que l'article 83 du même code, qui concerne l'imposition des revenus dans la catégorie des traitements et salaires, dispose que “le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : (…) 3° les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales.” ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X, associé principal et dirigeant salarié de la société DESLANDES et X, a souscrit un emprunt de 600 000 F afin de restructurer la trésorerie de la société ; que, même s'il est constant que M. X a apporté les fonds ainsi obtenus au compte courant ouvert à son nom dans les écritures de la société, en vue d'assurer la solvabilité de cette dernière et alors même que les sommes correspondantes, dont l'emprunt était réclamé par les banques de la société, ont effectivement permis à celle-ci de survivre, les charges qu'il a supportées de 1997 à 1999 au titre des intérêts de cet emprunt ne peuvent, en raison du caractère spontané de l'engagement contracté dans les conditions qui viennent d'être décrites, être regardées comme des dépenses ou frais susceptibles de donner lieu à déduction des salaires du contribuable en application des dispositions précitées du code général des impôts ;

Considérant que M. X entend toutefois se prévaloir de ce que l'administration a admis, au titre des années 1993 à 1995, antérieures aux années en litige, la déduction des intérêts de ce même emprunt alors que le contribuable était encore salarié de la société ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la réponse aux observations du contribuable en date du 30 octobre 1996 adressée à l'intéressé dans le cadre de ce précédent contrôle, que l'administration avait abandonné le redressement relatif à la réintégration des frais financiers en indiquant expressément qu'elle entendait prendre en compte les observations du contribuable précisant que les dépenses avaient été engagées pour la sauvegarde de son revenu imposable et que les sommes en cause avaient effectivement bénéficié à son entreprise ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme ayant pris une position formelle, au regard de la loi fiscale, sur la situation de fait du contribuable à la date de l'engagement de celui-ci en faveur de son entreprise, qui lui est opposable en application des dispositions de l'article L.80 B du livre des procédures fiscales sans qu'elle puisse faire état du départ à la retraite de M. X en 1995 dès lors que cette circonstance est sans incidence sur l'appréciation des conditions dans lesquelles l'engagement a été contracté ; que M. X est par suite fondé à demander la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu qui lui ont été assignés de ce chef de redressement au titre des années 1997 à 1999, soit la réduction de ses bases d'imposition à concurrence, respectivement, des sommes de 50 125 F (7 641,51 euros), 69 797 F (10 640,48 euros) et 54 964 F (8 379,21 euros) ;

En ce qui concerne les redressements faisant suite à la clôture, en 1998, d'un plan d'épargne populaire :

Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts : “L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net dont dispose chaque foyer fiscal...” et qu'aux termes de l'article 157 du même code : “N'entrent pas en compte pour la détermination du revenu net global : … 22° le versement de la prime d'épargne et de ses intérêts capitalisés ainsi que le versement au-delà de la huitième année qui suit l'ouverture du plan d'épargne populaire des produits capitalisés et de la rente viagère. Il en est de même lorsque le retrait des fonds intervient avant la fin de la huitième année, à la suite du décès du titulaire du plan ou dans les deux ans du décès du conjoint soumis à imposition commune ou de l'un des évènements suivants survenu à l'un d'entre eux : … b) cessation d'activité non salariée à la suite d'un jugement de liquidation judiciaire en application des dispositions de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 modifiée relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises… ;

Considérant que M. X a ouvert un plan d'épargne populaire le 13 septembre 1993 qu'il a clôturé le 17 octobre 1998 en retirant la totalité des fonds déposés, soit avant l'échéance de 8 années prévue par les dispositions du 22° de l'article 157 du code général des impôts ; qu'il entend toutefois bénéficier des dispositions du b) du 22° de cet article au motif qu'il n'a plus d'emploi et que son entreprise, la société DESLANDES et X a été déclarée en redressement judiciaire par un jugement du Tribunal de commerce de Tours en date du 4 février 1997 ; qu'il est toutefois constant qu'il a perdu son emploi, qui était au demeurant celui de dirigeant salarié, non pas à la suite de la liquidation judiciaire de ladite entreprise, mais dès 1995, en faisant valoir ses droits à la retraite ; qu'il ne peut par ailleurs utilement invoquer à cet égard un cas de force majeure ; que dans ces conditions, l'administration était fondée à imposer les produits de ce plan en application des dispositions de l'article 156 du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement du 5 avril 2005, que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté la totalité de ses demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'Etat à payer à M. X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°s 0202655-0202960 du Tribunal administratif d'Orléans en date du 5 avril 2005 est annulé.

Article 2 : La base de l'impôt sur le revenu assignée à M. X au titre des années 1997, 1998 et 1999 est respectivement réduite des sommes de 7 641,51 euros (sept mille six cent quarante et un euros cinquante et un centimes), 10 640,48 euros (dix mille six cent quarante euros quarante-huit centimes), et 8 379,21 euros (huit mille trois cent soixante-dix-neuf euros vingt et un centimes).

Article 3 : M. X est déchargé des cotisations d'impôt sur le revenu et des pénalités afférentes formant surtaxe par rapport à celles résultant de l'application de l'article 2.

Article 4 : Le jugement n° 0001988 du Tribunal administratif d'Orléans en date du 8 avril 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête n° 03NT01032 de M. X est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. Raymond X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

N°s 03NT01032,05NT00869

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