Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, du 6 octobre 1999, 97NT00004 97NT00019, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu 1 la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 2 janvier 1997 sous le n 97NT00004, présentée par Mme X..., demeurant au Moulin de Baden, 56870 Baden (Morbihan) ;

Mme X... demande à la Cour :

1 ) d'annuler le jugement n 91-1918, 91-1020, 91-1022, 91-1121 et 91-2428 en date du 31 octobre 1996 du Tribunal administratif de Rennes en ce que par son article 2, ledit jugement, à la demande de l'Association "Les amis des chemins de ronde du Morbihan", a annulé l'arrêté en date du 28 mars 1991 par lequel le préfet du Morbihan a modifié le tracé de la servitude de passage des piétons le long du littoral, sur le territoire de la commune de Baden, en ce que cet arrêté modifie le tracé de la servitude sur sa propriété ;

2 ) de rejeter la demande présentée par l'Association "Les amis des chemins de ronde du Morbihan" devant le Tribunal administratif de Rennes ;

Vu 2 le recours du ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme, enregistré au greffe de la Cour le 3 janvier 1997 sous le n 97NT00019 ;

Le ministre demande à la Cour :

1 ) d'annuler le jugement n 91-1918, 91-1020, 91-1022, 91-1121 et 91-2428 en date du 31 octobre 1996 du Tribunal administratif de Rennes en ce que par son article 2, ledit jugement, à la demande de l'Association "Les amis des chemins de ronde du Morbihan", a annulé l'arrêté en date du 28 mars 1991 par lequel le préfet du Morbihan a modifié le tracé de la servitude de passage des piétons le long du littoral, sur le territoire de la commune de Baden, en ce que cet arrêté modifie le tracé de la servitude sur la propriété de Mme X... ;

2 ) de rejeter la demande présentée par l'Association "Les amis des chemins de ronde du Morbihan" devant le Tribunal administratif de Rennes ;

3 ) de condamner ladite association à verser à l'Etat une somme de 5 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 septembre 1999 :

- le rapport de M. MARGUERON, premier conseiller,

- les observations de Me TREGUIER, avocat de Mme X... et de la fédération départementale des chasseurs du Morbihan,

- les observations de Mme ECHARD, présidente de l'Association "Les amis des chemins de ronde du Morbihan",

- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête de Mme X... et le recours du ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme susvisés sont dirigés contre le même jugement, par lequel le Tribunal administratif de Rennes a, à la demande de l'Association "Les amis des chemins de ronde du Morbihan", annulé l'arrêté en date du 28 mars 1991 du préfet du Morbihan modifiant le tracé de la servitude de passage des piétons le long du littoral sur le territoire de la commune de Baden, en tant que cet arrêté a modifié le tracé de la servitude sur la propriété dite du "Moulin de Baden" appartenant à Mme X..., et a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer notamment, sur la demande de l'intéressée qui tendait également à l'annulation de cet arrêté ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la requête de Mme X... :

Considérant que l'intérêt à faire appel d'un jugement s'apprécie par rapport à son dispositif et non à ses motifs ; que Mme X... ne conteste pas le jugement du Tribunal administratif de Rennes en tant qu'il décide qu'il n'y a pas lieu de statuer sur sa propre demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 mars 1991, mais dirige son appel contre la partie du jugement qui en prononce l'annulation à la demande de l'Association "Les amis des chemins de ronde du Morbihan", en critiquant les motifs de cette annulation ; que, par suite, ainsi que le soutient l'Association "Les amis des chemins de ronde du Morbihan", elle ne justifie pas à ce titre d'un intérêt à faire appel ; que sa requête n'est, dès lors, pas recevable et doit être rejetée ;

Sur le recours du ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande présentée par l'Association "Les amis des chemins de ronde du Morbihan" devant le Tribunal administratif de Rennes :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de ses statuts, l'Association "Les amis des chemins de ronde du Morbihan" a pour objet : "1. De participer, sur tout le littoral du Morbihan, à la création ou à la sauvegarde des "chemins de ronde", c'est-à-dire des chemins publics côtiers, des servitudes de passage établies conformément à la loi du 19 juillet 1976 et des sentiers divers, parallèles ou perpendiculaires à la mer et permettant d'y accéder et de la longer ... 3. D'introduire tous recours, gracieux ou contentieux, contre toutes initiatives privées ou actes administratifs qui ... compromettraient ou ruineraient l'assiette matérielle ou juridique, l'entretien, la conservation des chemins de ronde ..." ; qu'un tel objet lui donnait un intérêt à demander l'annulation de l'arrêté du 28 mars 1991 du préfet du Morbihan, contrairement à ce que soutient le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme ;

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du préfet du Morbihan :

Considérant qu'aux termes de l'article L.160-6 du code de l'urbanisme : "Les propriétés privées riveraines du domaine public maritime sont grevées sur une bande de trois mètres de largeur d'une servitude destinée à assurer exclusivement le passage des piétons. L'autorité administrative peut, par décision motivée prise après avis du ou des conseils municipaux intéressés et au vu du résultat d'une enquête publique effectuée comme en matière d'expropriation : a) Modifier le tracé ou les caractéristiques de la servitude, afin, d'une part, d'assurer, compte tenu notamment de la présence d'obstacles de toute nature, la continuité du cheminement des piétons ou leur libre accès au rivage de la mer, d'autre part de tenir compte des chemins ou règles locales préexistants ; le tracé modifié peut grever exceptionnel-lement des propriétés non riveraines du domaine public maritime ; b) A titre exceptionnel, la suspendre. Sauf dans le cas où l'institution de la servitude est le seul moyen d'assurer la continuité du cheminement des piétons ou leur libre accès au rivage de la mer, la servitude instituée aux alinéas 1 et 2 ci-dessus ne peut grever les terrains situés à moins de quinze mètres des bâtiments à usage d'habitation édifiés avant le 1er janvier 1976, ni grever les terrains attenants à des maisons d'habitation et clos de murs au 1er janvier 1976" ;

Considérant que le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme soutient que la modification du tracé de la servitude de passage des piétons le long du littoral sur la propriété de Mme X... devait être modifié pour tenir compte, sur le fondement des dispositions du dernier alinéa de l'article L.160-6 du code de l'urbanisme, de ce que le tracé de la servitude instituée en application de son premier alinéa empruntait la digue de l'étang du "Moulin de Baden" sur laquelle est implanté un ancien moulin à marée, qui contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, aurait été affecté à un usage d'habitation avant le 1er janvier 1976 ;

Considérant que si des attestations, au demeurant établies une vingtaine d'années après les faits qu'elles relatent, indiquent que plusieurs personnes ont pu être épisodiquement reçues dans l'ancien moulin à marée avant 1976, un acte, rectificatif d'un précédent acte de donation-partage, dressé par notaire en 1978 décrit le bâtiment, distinct de l'ancienne maison du meunier située sur la même propriété, comme ne comportant qu'une pièce en rez-de-chaussée et un grenier, sans qu'il soit fait mention du moindre équipement intérieur, sanitaire en particulier ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, contrairement à ce qui est soutenu, ce bâtiment ait fait l'objet jusqu'en 1976 d'une imposition particulière à la taxe d'habitation ; que les documents produits relatifs à des travaux antérieurs à 1976 attestent du remplacement des fenêtres ainsi que d'un plancher, mais ne démontrent pas que les travaux d'installation de plomberie sanitaire également mentionnés aient été réalisés dans le moulin à marée et non dans l'ancienne maison de meunier ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi que le moulin à marée aurait été, au 1er janvier 1976, dans un état d'aménagement tel qu'il pouvait être regardé comme d'ores et déjà transformé à cette même date en bâtiment à usage d'habitation au sens des dispositions précitées de l'article L.160-6 du code de l'urbanisme ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté en date du 28 mars 1991 du préfet du Morbihan en tant que ledit arrêté modifiait le tracé de la servitude de passage des piétons le long du littoral sur la propriété de Mme X... ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel de condamner Mme X... et l'Etat à payer chacun à l'Association "Les amis des chemins de ronde du Morbihan" une somme de 2 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, les mêmes dispositions font obstacle à ce que l'Association "Les amis des chemins de ronde du Morbihan" qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à l'Etat, à Mme X... et à la fédération départementale des chasseurs du Morbihan la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de condamner l'Etat à payer à la fédération départementale des chasseurs du Morbihan et la fédération départementale des chasseurs du Morbihan à payer à l'Association "Les amis des chemins de ronde du Morbihan" les sommes qu'elles demandent respectivement au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de Mme X... et le recours du ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme sont rejetés.
Article 2 : Mme X... et l'Etat verseront chacun à l'Association "Les amis des chemins de ronde du Morbihan" une somme de deux mille francs (2 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Les conclusions de l'Association "Les amis des chemins de ronde du Morbihan" tendant à la condamnation de la fédération départementale des chasseurs du Morbihan, ensemble les conclusions de l'Etat, de Mme X... et de la fédération départementale des chasseurs du Morbihan tendant à la condamnation de l'Association "Les amis des chemins de ronde du Morbihan" et les conclusions de la fédération départementale des chasseurs du Morbihan tendant à la condamnation de l'Etat au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X..., au ministre de l'équipement, des transports et du logement, à l'Association "Les amis des chemins de ronde du Morbihan" et à la fédération départementale des chasseurs du Morbihan.
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