Cour administrative d'appel de Nantes, 1e chambre, du 24 mars 1998, 95NT00922, inédit au recueil Lebon
Cour administrative d'appel de Nantes, 1e chambre, du 24 mars 1998, 95NT00922, inédit au recueil Lebon
Cour administrative d'appel de Nantes - 1E CHAMBRE
- N° 95NT00922
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mardi
24 mars 1998
- Rapporteur
- M. GRANGE
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le recours, enregistré le 21 juillet 1995, présenté par le ministre du budget qui demande à la Cour : 1 ) d'annuler le jugement n 93245 en date du 21 mars 1995 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a accordé à M. Henri X... la décharge de la cotisation supplémentaire d impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1986, ainsi qu'une somme de 3 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; 2 ) de décider que M. X... sera rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu de l'année 1986 à raison de l'intégralité de l'imposition supplémentaire initialement mise à sa charge ; 3 ) d'ordonner la restitution de la somme de trois mille francs allouée par le tribunal à M. X... au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le décret n 62-1587 du 29 décembre 1962 ; Vu le code général des impôts ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience, Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 février 1998 : - le rapport de M. GRANGE, premier conseiller, - et les conclusions de M. AUBERT, commissaire du gouvernement ;
Sur le recours du ministre du budget : En ce qui concerne les conclusions tendant au rétablissement des impositions : Considérant que l'administration a remis en cause la déduction qu'avait opérée M. et Mme X... de leur revenu global de l'année 1986 de leur quote-part du déficit foncier généré par les travaux entrepris par la SCI "Neuve n 2", dont ils étaient associés, sur divers immeubles dont cette société était propriétaire dans les secteurs sauvegardés de Paris, Strasbourg et Bordeaux ; Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 156 alors applicable du code général des impôts : " ... Le revenu net est déterminé ... sous déduction : I. Du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ... ; Toutefois n'est pas autorisée l'imputation : ... 3 Des déficits fonciers lesquels s'imputent exclusivement sur les revenus fonciers des cinq années suivantes ... ; cette disposition n'est pas applicable aux propriétaires d'immeubles ayant fait l'objet de travaux exécutés dans le cadre d'une opération groupée de restauration immobilière faite en application des dispositions des articles L.313-1 à L.313-15 du code de l'urbanisme ..." ; Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L.169 du livre des procédures fiscales : "Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce ... jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due" ; Considérant que, pour accorder la décharge de l'imposition en litige, le Tribunal administratif d'Orléans a estimé que la notification de redressements adressée à M. et Mme X... le 15 janvier 1990, comportant la seule remise en cause de leur droit à imputer leur quote-part des résultats de la société sur leur revenu global en application de l'article 156-I-3 du code général des impôts, était intervenue au-delà du délai de reprise de trois ans dont dispose l'administration en vertu de l'article L.169 précité du livre des procédures fiscales, la notification de redressements adressée à la société le 22 décembre 1989 n'ayant pu avoir pour effet d'interrompre la prescription à l'égard des associés dès lors qu'elle ne comportait aucune rectification des résultats déclarés ; Considérant qu'aux termes de l'article L.55 du livre des procédures fiscales : "Sous réserve des dispositions de l'article L.56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dus en vertu du code général des impôts, les redressements correspondants sont effectués suivant la procédure de redressement contradictoire définie aux articles L.57 à L.61 A ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, que la SCI "Neuve n 2" avait mentionné dans la déclaration spéciale n 2072 des sociétés immobilières non soumises à l'impôt sur les sociétés qu'elle avait souscrite au titre de 1986 que les revenus déclarés se rapportaient à des immeubles ayant fait l'objet de travaux exécutés dans le cadre d'une opération groupée de restauration immobilière faite en application des dispositions de la loi n 62-903 du 4 août 1962 ; que l'administration, en remettant en cause, dans la notification adressée à la société, le caractère d'opération groupée de restauration immobilière que celle-ci avait entendu donner à ces travaux, a mis en évidence une inexactitude dans les éléments servant de base au calcul des impositions dues par les associés, et opéré de la sorte un redressement au sens de l'article L.55 précité du livre des procédures fiscales, nonobstant la circonstance que le montant du déficit déclaré n'a pas été modifié ; que cette notification de redressement est intervenue à l'intérieur du délai de reprise, et a, dès lors, interrompu la prescription à l'égard des associés ; que c'est par suite à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'absence d'effet interruptif de la notification de redressement adressée à la société pour accorder la décharge de l'imposition contestée ; Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés tant par le ministre du budget que par M. et Mme X... en première instance et en appel ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI "Neuve n 2" a pour objet la propriété, l'administration, l'exploitation par bail, location ou autrement de tous immeubles bâtis ou non bâtis ; qu'elle est propriétaire des logements qu'elle a acquis dans les secteurs sauvegardés de Paris, Strasbourg et Bordeaux et qui ont fait l'objet des travaux de rénovation dont il s'agit ; qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier, et qu'il n'est d'ailleurs pas soutenu, que les parts détenues par les associés donnent à ces derniers droit à la jouissance de l'un ou l'autre des logements en cause ou d'une fraction d'entre eux ; qu'ainsi, la SCI "Neuve n 2" ne peut être regardée comme dépourvue d'une personnalité morale distincte de celle des associés au sens des dispositions de l'article 1655 ter du code général des impôts ; que, par suite, M. et Mme X... n'ont pas pu acquérir la qualité de propriétaire des immeubles rénovés et ne pouvaient, dès lors, déduire de leur revenu global, sur le fondement de l'article 156-I-3 du code général des impôts, les déficits fonciers générés par la rénovation de ces immeubles par la société ; qu'en conséquence l'ensemble des moyens soulevés par M. et Mme X... selon lesquels les rénovations auraient bien été conduites dans le cadre d'opérations groupées de restauration immobilière menées à l'initiative des propriétaires sont, en tout état de cause, inopérants ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre du budget est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a accordé à M. et Mme X... la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 1986 ; En ce qui concerne les conclusions tendant à ce que la Cour ordonne la restitution de la somme de 3 000 F allouée par le tribunal à M. X... au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : Considérant, d'une part, qu'une condamnation au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel de la partie qui succombe à l'instance est l'accessoire de la condamnation de cette partie au principal ; que, dès lors que par le présent arrêt la Cour administrative d'appel annule totalement le jugement du tribunal administratif au principal, et, par suite, inverse la détermination de la partie perdante à l'instance, sa décision emporte annulation de la condamnation de cette partie prononcée par le tribunal au titre de l'article L.8-1 dudit code, et par suite, obligation pour la partie qui l'a perçue de restituer la somme en cause en exécution de l'arrêt ; Considérant, d'autre part, que le ministre chargé du budget, qui tient du décret du 29 décembre 1962 modifié le pouvoir d'émettre un ordre de recettes à l'effet d'obtenir le reversement de sommes dont un particulier est redevable envers l'Etat, n'est pas recevable à demander au juge administratif d'ordonner la restitution des sommes en cause ; Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens au titre de l'instance d'appel : Considérant que M. et Mme X... succombent dans la présente instance ; que leur demande tendant à ce que l'Etat soit condamné, sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, à leur verser une somme au titre des frais qu'ils ont exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif d'Orléans en date du 21 mars 1995 est annulé.
Article 2 : M. et Mme X... sont rétablis au rôle de l'impôt sur le revenu de l'année 1986 à raison de l'intégralité de la cotisation supplémentaire à laquelle ils ont été assujettis.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre du budget est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de M. et Mme X... tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ensemble le surplus des conclusions du recours du ministre du budget sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à M. et Mme X....
Sur le recours du ministre du budget : En ce qui concerne les conclusions tendant au rétablissement des impositions : Considérant que l'administration a remis en cause la déduction qu'avait opérée M. et Mme X... de leur revenu global de l'année 1986 de leur quote-part du déficit foncier généré par les travaux entrepris par la SCI "Neuve n 2", dont ils étaient associés, sur divers immeubles dont cette société était propriétaire dans les secteurs sauvegardés de Paris, Strasbourg et Bordeaux ; Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 156 alors applicable du code général des impôts : " ... Le revenu net est déterminé ... sous déduction : I. Du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ... ; Toutefois n'est pas autorisée l'imputation : ... 3 Des déficits fonciers lesquels s'imputent exclusivement sur les revenus fonciers des cinq années suivantes ... ; cette disposition n'est pas applicable aux propriétaires d'immeubles ayant fait l'objet de travaux exécutés dans le cadre d'une opération groupée de restauration immobilière faite en application des dispositions des articles L.313-1 à L.313-15 du code de l'urbanisme ..." ; Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L.169 du livre des procédures fiscales : "Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce ... jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due" ; Considérant que, pour accorder la décharge de l'imposition en litige, le Tribunal administratif d'Orléans a estimé que la notification de redressements adressée à M. et Mme X... le 15 janvier 1990, comportant la seule remise en cause de leur droit à imputer leur quote-part des résultats de la société sur leur revenu global en application de l'article 156-I-3 du code général des impôts, était intervenue au-delà du délai de reprise de trois ans dont dispose l'administration en vertu de l'article L.169 précité du livre des procédures fiscales, la notification de redressements adressée à la société le 22 décembre 1989 n'ayant pu avoir pour effet d'interrompre la prescription à l'égard des associés dès lors qu'elle ne comportait aucune rectification des résultats déclarés ; Considérant qu'aux termes de l'article L.55 du livre des procédures fiscales : "Sous réserve des dispositions de l'article L.56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dus en vertu du code général des impôts, les redressements correspondants sont effectués suivant la procédure de redressement contradictoire définie aux articles L.57 à L.61 A ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, que la SCI "Neuve n 2" avait mentionné dans la déclaration spéciale n 2072 des sociétés immobilières non soumises à l'impôt sur les sociétés qu'elle avait souscrite au titre de 1986 que les revenus déclarés se rapportaient à des immeubles ayant fait l'objet de travaux exécutés dans le cadre d'une opération groupée de restauration immobilière faite en application des dispositions de la loi n 62-903 du 4 août 1962 ; que l'administration, en remettant en cause, dans la notification adressée à la société, le caractère d'opération groupée de restauration immobilière que celle-ci avait entendu donner à ces travaux, a mis en évidence une inexactitude dans les éléments servant de base au calcul des impositions dues par les associés, et opéré de la sorte un redressement au sens de l'article L.55 précité du livre des procédures fiscales, nonobstant la circonstance que le montant du déficit déclaré n'a pas été modifié ; que cette notification de redressement est intervenue à l'intérieur du délai de reprise, et a, dès lors, interrompu la prescription à l'égard des associés ; que c'est par suite à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'absence d'effet interruptif de la notification de redressement adressée à la société pour accorder la décharge de l'imposition contestée ; Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés tant par le ministre du budget que par M. et Mme X... en première instance et en appel ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI "Neuve n 2" a pour objet la propriété, l'administration, l'exploitation par bail, location ou autrement de tous immeubles bâtis ou non bâtis ; qu'elle est propriétaire des logements qu'elle a acquis dans les secteurs sauvegardés de Paris, Strasbourg et Bordeaux et qui ont fait l'objet des travaux de rénovation dont il s'agit ; qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier, et qu'il n'est d'ailleurs pas soutenu, que les parts détenues par les associés donnent à ces derniers droit à la jouissance de l'un ou l'autre des logements en cause ou d'une fraction d'entre eux ; qu'ainsi, la SCI "Neuve n 2" ne peut être regardée comme dépourvue d'une personnalité morale distincte de celle des associés au sens des dispositions de l'article 1655 ter du code général des impôts ; que, par suite, M. et Mme X... n'ont pas pu acquérir la qualité de propriétaire des immeubles rénovés et ne pouvaient, dès lors, déduire de leur revenu global, sur le fondement de l'article 156-I-3 du code général des impôts, les déficits fonciers générés par la rénovation de ces immeubles par la société ; qu'en conséquence l'ensemble des moyens soulevés par M. et Mme X... selon lesquels les rénovations auraient bien été conduites dans le cadre d'opérations groupées de restauration immobilière menées à l'initiative des propriétaires sont, en tout état de cause, inopérants ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre du budget est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a accordé à M. et Mme X... la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 1986 ; En ce qui concerne les conclusions tendant à ce que la Cour ordonne la restitution de la somme de 3 000 F allouée par le tribunal à M. X... au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : Considérant, d'une part, qu'une condamnation au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel de la partie qui succombe à l'instance est l'accessoire de la condamnation de cette partie au principal ; que, dès lors que par le présent arrêt la Cour administrative d'appel annule totalement le jugement du tribunal administratif au principal, et, par suite, inverse la détermination de la partie perdante à l'instance, sa décision emporte annulation de la condamnation de cette partie prononcée par le tribunal au titre de l'article L.8-1 dudit code, et par suite, obligation pour la partie qui l'a perçue de restituer la somme en cause en exécution de l'arrêt ; Considérant, d'autre part, que le ministre chargé du budget, qui tient du décret du 29 décembre 1962 modifié le pouvoir d'émettre un ordre de recettes à l'effet d'obtenir le reversement de sommes dont un particulier est redevable envers l'Etat, n'est pas recevable à demander au juge administratif d'ordonner la restitution des sommes en cause ; Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens au titre de l'instance d'appel : Considérant que M. et Mme X... succombent dans la présente instance ; que leur demande tendant à ce que l'Etat soit condamné, sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, à leur verser une somme au titre des frais qu'ils ont exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif d'Orléans en date du 21 mars 1995 est annulé.
Article 2 : M. et Mme X... sont rétablis au rôle de l'impôt sur le revenu de l'année 1986 à raison de l'intégralité de la cotisation supplémentaire à laquelle ils ont été assujettis.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre du budget est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de M. et Mme X... tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ensemble le surplus des conclusions du recours du ministre du budget sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à M. et Mme X....