Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, du 20 février 1992, 90NT00456, publié au recueil Lebon
Cour administrative d'appel de Nantes, 2e chambre, du 20 février 1992, 90NT00456, publié au recueil Lebon
Cour administrative d'appel de Nantes - 2E CHAMBRE
- N° 90NT00456
- Publié au recueil Lebon
Lecture du
jeudi
20 février 1992
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Nantes le 13 août 1990, sous le n° 90NT00456, présentée pour M. Daniel X... demeurant ... (Ille-et-Vilaine) par la société civile professionnelle "Jaigu - Chevallier", avocat à Rennes ; M. X... demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 23 mai 1990 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à ce que la ville de Dinard lui rembourse les prélèvements qu'elle a effectués sur ses salaires et s'élevant à 1 670 F du mois de février au mois de mai 1988 et à 2 168 F à partir du mois de juin 1988 jusqu'au jugement à intervenir ou jusqu'à la cessation des prélèvements, avec intérêts au taux légal ; 2°) de condamner la ville de Dinard à lui verser la somme de 36 133,22 F en remboursement des prélèvements litigieux, avec intérêts au taux légal "à compter de chaque mois de prélèvement et jusqu'à parfait paiement" ; 3°) de condamner la ville de Dinard à lui payer la somme de 10 000 F au titre de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code civil ; Vu le code du travail ; Vu le code de la sécurité sociale et la loi du 24 août 1930 ; Vu le décret n° 74-652 du 19 juillet 1974 modifié ; Vu le décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 février 1992 : - le rapport de M. Dupuy, conseiller, - les observations de Me Lecomte, avocat de la commune de Dinard, - et les conclusions de M. Cadenat, commissaire du gouvernement,
Considérant que M. X... demande à la ville de Dinard (Ille-et-Vilaine), qui l'emploie en qualité de brigadier de police municipale, à titre principal, qu'elle lui rembourse une somme de 36 133,22 F qu'elle a prélevée sur ses salaires de novembre 1987 à juillet 1989 au titre du supplément familial de traitement qu'elle lui a versé selon lui à bon droit du 1er janvier 1983 au 30 avril 1987 inclus, subsidiairement, que la restitution sollicitée soit au moins égale à la somme de 26 070,65 F représentant la part insaisissable de son traitement soumis à prélèvement ; Sur les droits de M. X... au bénéfice du supplément familial de traitement : Considérant qu'en vertu de l'article 12 du décret du 19 juillet 1974, en vigueur jusqu'au 30 octobre 1985, et de l'article 11 du décret du 24 octobre 1985, applicable à compter du 1er novembre 1985, la notion d'enfant à charge à retenir pour déterminer l'ouverture du droit au supplément familial "est celle fixée en matière de prestations familiales par le titre II du livre V du code de la sécurité sociale" ; que suivant les dispositions de l'article L.525 de ce code reprises à l'article L.521-2 du même code "les allocations sont versées à la personne qui assure, dans quelque condition que ce soit, la charge effective et permanente de l'enfant" ; Considérant que, par jugement du 5 mars 1980 du tribunal de grande instance de Saint-Malo, les trois enfants issus du mariage de M. X... avec Mme Y... ont été confiés à la garde de leur mère ; que, dès lors, nonobstant la circonstance que l'intéressé verse régulièrement une pension alimentaire pour satisfaire aux besoins essentiels de ses enfants, au demeurant en exécution des prescriptions du jugement de divorce précité, il ne peut être regardé comme ayant la charge effective et permanente de ceux-ci ; que, dès lors, M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a estimé que la ville de Dinard avait pu légalement lui demander la restitution des sommes indûment versées à raison du supplément familial de traitement au cours de la période précitée laquelle, d'ailleurs, pouvait être régulièrement étendue aux sommes antérieurement versées à ce titre depuis l'ordonnance de non conciliation du 15 juin 1978 ; Sur le montant de la créance de la ville de Dinard légalement recouvrable au titre de la période en cause : Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L.145-1 et suivants et R.145-1 du code du travail rendues applicables aux fonctionnaires civils et militaires par la loi du 24 août 1930, les traitements et soldes des fonctionnaires ne sont saisissables que dans les proportions fixées par l'article R.145-1 ; que les règles de la comptabilité publique ne sauraient faire échec à ces dispositions du code du travail ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le receveur percepteur de Dinard a réalisé le prélèvement, pour le compte de cette collectivité locale, sur les traitements versés par cette dernière à M. X... de novembre 1987 à juillet 1989 d'une somme totale de 36 133,22 F représentant le supplément familial de traitement qu'elle lui avait indûment servi au titre de la période du 1er janvier 1983 au 30 avril 1987 ; que, toutefois, la répétition des sommes indûment payées à M. X... ne pouvait être effectuée, par voie de retenue sur les traitements et indemnités dûs à l'intéressé au titre des mois de novembre 1987 à juillet 1989 que dans la limite de la portion saisissable de ces traitements et indemnités ; que M. X... soutient sans être contredit par la ville de Dinard, son employeur, que son salaire moyen mensuel s'est établi pendant la période considérée à la somme de 6 605,00 F diminuée de celle de 2 687,00 F représentant la pension alimentaire versée pour ses enfants, soit, à la somme de 3 918 F ; qu'il résulte de l'application des dispositions de l'article R.145-1 du code du travail que la fraction saisissable du traitement de M. X... pour ladite période s'est élevée à la somme totale de 20 569,50 F et non à celle de 10 062,57 F comme le soutient le requérant ; que, par suite, ce dernier est fondé à soutenir que les retenues opérées sur ses traitements au cours de la période précitée ont méconnu les prescriptions ci-dessus du code du travail en tant, seulement, qu'elles ont porté sur la différence entre la somme totale prélevée et la fraction saisissable de ses traitements soit sur la somme de 15 563,71 F et à demander le remboursement de cette somme à la ville de Dinard ; Sur la demande d'intérêts : Considérant que l'obligation où se trouve la commune de Dinard de reverser à M. X... ladite somme de 15 563,71 F en application des dispositions précitées du code du travail ne prive aucunement cette même somme de son caractère indû comme il est dit plus haut ; que dans ces conditions, M. X... ne saurait prétendre à ce qu'une telle somme produise "intérêts au taux légal à compter de chaque mois de prélèvement, et mois par mois, jusqu'au parfait paiement", ainsi qu'il le demande ; Sur l'application des dispositions de l'article L.8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : Considérant qu'aux termes de l'article L.8.1 dudit code : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.8.1 et de condamner la ville de Dinard et M. X... au paiement, respectivement, de la somme de 10 000 F et de celle de 5 000 F qu'ils se réclament mutuellement au titre des frais exposés par chacun d'eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 23 mai 1990 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. X... tendant au remboursement par la commune de Dinard de la fraction non saisissable de ses salaires.
Article 2 : La commune de Dinard (Ille-et-Vilaine) est condamnée à verser à M. Daniel X... la somme de quinze mille cinq cent soixante trois francs et soixante et onze centimes (15 563,71 F).
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Dinard tendant au bénéfice de l'article L.8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. X..., à la commune de Dinard et au ministre de l'intérieur.
Considérant que M. X... demande à la ville de Dinard (Ille-et-Vilaine), qui l'emploie en qualité de brigadier de police municipale, à titre principal, qu'elle lui rembourse une somme de 36 133,22 F qu'elle a prélevée sur ses salaires de novembre 1987 à juillet 1989 au titre du supplément familial de traitement qu'elle lui a versé selon lui à bon droit du 1er janvier 1983 au 30 avril 1987 inclus, subsidiairement, que la restitution sollicitée soit au moins égale à la somme de 26 070,65 F représentant la part insaisissable de son traitement soumis à prélèvement ; Sur les droits de M. X... au bénéfice du supplément familial de traitement : Considérant qu'en vertu de l'article 12 du décret du 19 juillet 1974, en vigueur jusqu'au 30 octobre 1985, et de l'article 11 du décret du 24 octobre 1985, applicable à compter du 1er novembre 1985, la notion d'enfant à charge à retenir pour déterminer l'ouverture du droit au supplément familial "est celle fixée en matière de prestations familiales par le titre II du livre V du code de la sécurité sociale" ; que suivant les dispositions de l'article L.525 de ce code reprises à l'article L.521-2 du même code "les allocations sont versées à la personne qui assure, dans quelque condition que ce soit, la charge effective et permanente de l'enfant" ; Considérant que, par jugement du 5 mars 1980 du tribunal de grande instance de Saint-Malo, les trois enfants issus du mariage de M. X... avec Mme Y... ont été confiés à la garde de leur mère ; que, dès lors, nonobstant la circonstance que l'intéressé verse régulièrement une pension alimentaire pour satisfaire aux besoins essentiels de ses enfants, au demeurant en exécution des prescriptions du jugement de divorce précité, il ne peut être regardé comme ayant la charge effective et permanente de ceux-ci ; que, dès lors, M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a estimé que la ville de Dinard avait pu légalement lui demander la restitution des sommes indûment versées à raison du supplément familial de traitement au cours de la période précitée laquelle, d'ailleurs, pouvait être régulièrement étendue aux sommes antérieurement versées à ce titre depuis l'ordonnance de non conciliation du 15 juin 1978 ; Sur le montant de la créance de la ville de Dinard légalement recouvrable au titre de la période en cause : Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L.145-1 et suivants et R.145-1 du code du travail rendues applicables aux fonctionnaires civils et militaires par la loi du 24 août 1930, les traitements et soldes des fonctionnaires ne sont saisissables que dans les proportions fixées par l'article R.145-1 ; que les règles de la comptabilité publique ne sauraient faire échec à ces dispositions du code du travail ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le receveur percepteur de Dinard a réalisé le prélèvement, pour le compte de cette collectivité locale, sur les traitements versés par cette dernière à M. X... de novembre 1987 à juillet 1989 d'une somme totale de 36 133,22 F représentant le supplément familial de traitement qu'elle lui avait indûment servi au titre de la période du 1er janvier 1983 au 30 avril 1987 ; que, toutefois, la répétition des sommes indûment payées à M. X... ne pouvait être effectuée, par voie de retenue sur les traitements et indemnités dûs à l'intéressé au titre des mois de novembre 1987 à juillet 1989 que dans la limite de la portion saisissable de ces traitements et indemnités ; que M. X... soutient sans être contredit par la ville de Dinard, son employeur, que son salaire moyen mensuel s'est établi pendant la période considérée à la somme de 6 605,00 F diminuée de celle de 2 687,00 F représentant la pension alimentaire versée pour ses enfants, soit, à la somme de 3 918 F ; qu'il résulte de l'application des dispositions de l'article R.145-1 du code du travail que la fraction saisissable du traitement de M. X... pour ladite période s'est élevée à la somme totale de 20 569,50 F et non à celle de 10 062,57 F comme le soutient le requérant ; que, par suite, ce dernier est fondé à soutenir que les retenues opérées sur ses traitements au cours de la période précitée ont méconnu les prescriptions ci-dessus du code du travail en tant, seulement, qu'elles ont porté sur la différence entre la somme totale prélevée et la fraction saisissable de ses traitements soit sur la somme de 15 563,71 F et à demander le remboursement de cette somme à la ville de Dinard ; Sur la demande d'intérêts : Considérant que l'obligation où se trouve la commune de Dinard de reverser à M. X... ladite somme de 15 563,71 F en application des dispositions précitées du code du travail ne prive aucunement cette même somme de son caractère indû comme il est dit plus haut ; que dans ces conditions, M. X... ne saurait prétendre à ce qu'une telle somme produise "intérêts au taux légal à compter de chaque mois de prélèvement, et mois par mois, jusqu'au parfait paiement", ainsi qu'il le demande ; Sur l'application des dispositions de l'article L.8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : Considérant qu'aux termes de l'article L.8.1 dudit code : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.8.1 et de condamner la ville de Dinard et M. X... au paiement, respectivement, de la somme de 10 000 F et de celle de 5 000 F qu'ils se réclament mutuellement au titre des frais exposés par chacun d'eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 23 mai 1990 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. X... tendant au remboursement par la commune de Dinard de la fraction non saisissable de ses salaires.
Article 2 : La commune de Dinard (Ille-et-Vilaine) est condamnée à verser à M. Daniel X... la somme de quinze mille cinq cent soixante trois francs et soixante et onze centimes (15 563,71 F).
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Dinard tendant au bénéfice de l'article L.8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. X..., à la commune de Dinard et au ministre de l'intérieur.