Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1e chambre, du 28 juin 1994, 93BX00796, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 13 juillet 1993 au greffe de la cour, présentée pour M. Y..., ayant élu domicile chez Me X..., ... (Haute-Garonne) ;

M. Y... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 16 avril 1993 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 402.588,22 F en réparation du préjudice subi du fait des fautes lourdes qui auraient été commises dans l'assiette et le recouvrement d'impositions indues ainsi qu'une somme de 50.000 F au titre des frais irrépétibles ;

2°) de prononcer la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice subi et à payer une somme de 50.000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 juin 1994 :

- le rapport de M. LOOTEN, conseiller ;

- et les conclusions de M. CATUS, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société civile immobilière "La Résidence des Cadres", dont M. Y... détient 720 parts a cédé un terrain à bâtir le 10 mai 1979 pour le prix de 5.000.000 F ; que M. Y... n'ayant pas, malgré la mise en demeure qui lui en avait été faite par l'administration, déposé de déclaration à raison de ses droits dans la société, l'administration a taxé d'office les plus-values réalisées à l'occasion de cette opération ; que les impositions correspondantes, pour un montant en droits et pénalités de 910.500 F, mises en recouvrement le 30 avril 1982, ont été contestées par réclamation du 19 novembre 1982 sur le fondement de l'article 238 undecies du code général des impôts ; que M. Y... ayant assorti cette réclamation d'une demande de sursis de paiement, sur une invitation du trésorier-principal de Toulouse banlieue-Ouest, il a offert, en garantie des sommes dues, des valeurs mobilières, alors évaluées à 1.157.273 F, placées sur un compte-titre bloqué ; que M. Y... ayant fait connaître au comptable du Trésor, à l'occasion d'une demande de substitution de garantie, que ces titres se dépréciaient, celui-ci a constitué une hypothèque légale sur la maison que le contribuable avait proposée en garantie de substitution mais a conservé la première garantie au double motif que la première garantie se dépréciait et que la seconde, évaluée à 400.000 F, était insuffisante ; qu'à défaut de décision sur sa réclamation, M. Y... a saisi le tribunal administratif de Toulouse, le 4 décembre 1985, d'une demande tendant à la décharge des impositions contestées et à l'octroi de dommages et intérêts ; que l'administration, par décision du 14 novembre 1986, a prononcé un dégrèvement d'office à hauteur de 867.406 F ; que le tribunal administratif, par un jugement du 6 novembre 1987, a pris acte de cette décision et a rejeté le surplus des conclusions ; que le comptable du Trésor a donné mainlevée du blocage du compte-titre le 31 décembre 1986 ; que M. Y... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à lui verser un indemnité de 402.588,22 F en réparation du préjudice qu'il aurait subi du fait des fautes qui auraient été commises dans l'assiette et le recouvrement des impositions litigieuses ; que par le jugement qu'il conteste, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

Sur l'assiette :

Considérant que, dans les circonstances susrapportées de l'espèce, le contribuable n'établit pas avoir eu l'intention de vendre les titres dont s'agit lorsque le Trésor l'a invité à constituer des garanties ni s'être trouvé dans l'obligation de les réaliser à l'issue de la période pendant laquelle l'administration se serait rendue coupable d'une inaction fautive et, en conséquence, ne démontre pas le caractère certain du préjudice allégué du fait de la dévalorisation de son portefeuille pendant ladite période ; que, par ailleurs, le préjudice censé résulter de la perte de chance d'un gain spéculatif par la vente de ces titres à leur cours le plus haut n'est pas davantage établi, faute pour le contribuable de démontrer avoir eu l'intention de les vendre à ce moment ; que, dans ces conditions, à supposer que la circonstance que l'administration n'a prononcé tardivement le dégrèvement d'office des impositions litigieuses, à hauteur de 867.406 F, par cette décision du 14 novembre 1986, constituerait une faute lourde dans l'établissement de l'impôt, M. Y..., qui ne se prévaut d'aucun autre chef de préjudice, n'est pas fondé à demander réparation à l'administration du fait de cette faute ;

Sur le recouvrement :

Considérant que les circonstances dans lesquelles le comptable du Trésor a constitué les garanties dont s'agit et donné mainlevée du blocage du compte-titre le 31 décembre 1986, soit moins d'un mois après la décision de dégrèvement, ne révèlent aucune faute du service dans le recouvrement de l'impôt, dès lors notamment que M. Y... a lui-même indiqué au Trésor que les titres qu'il avait offerts en garantie étaient susceptibles de se déprécier et qu'il n'est pas contesté que la maison proposée en garantie de substitution par M. Y..., le 25 avril 1985, pouvait alors être évaluée à 400.000 F alors qu'elle était déjà grevée d'une hypothèque de 77.000 F primant la garantie prise par le Trésor ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, ou pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; que M. Y... succombe en la présente instance ; que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat soit condamné à lui rembourser les frais irrépétibles qu'il a exposés au cours de ladite instance ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
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