Cour administrative d'appel de Paris, 2e chambre, du 28 février 1995, 91PA00731, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

VU la requête sommaire présentée par M. X..., demeurant ..., par Me Y... de la SCP WAQUET-FARGE-HAZAN, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; elle a été enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel le 31 juillet 1991 ; M. X... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 18 avril 1991 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu, et des pénalités y afférentes, auxquels il a été assujetti au titre des années 1983 à 1985 ;

2°) de le décharger desdits compléments et pénalités ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 30.000 F sur le fondement de l'article 1er du décret du 2 septembre 1988 ; VU les autres pièces du dossier ;

VU le code général des impôts ;

VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 février 1995 :

- le rapport de M. GIRO, président-rapporteur,

- les observations de la SCP WAQUET, Y..., HAZAN, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour M. X...,

- et les conclusions de Mme BRIN, commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure de vérification :

Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas de l'avis de vérfication de comptabilité en date du 1er octobre 1986 ni de la notification de redressements en date du 13 avril 1987 qui ont été adressés à M. X..., que, comme le soutient ce dernier, le contrôle fiscal dont il a fait l'objet, lequel a pu porter, faute de la présentation par l'intéressé d'une comptabilité commerciale, sur tous documents, y compris touchant ses revenus fonciers, afférents à ses activités susceptibles d'entrer dans le champ d'application de l'article 235 quinquiès du code général des impôts et ne s'est soldé par aucun autre redressement que dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux en vertu de cet article, ait en réalité consisté, nonobstant la mention en ce sens portée par erreur sur la décision de rejet opposée le 28 septembre 1988 à sa réclamation, en une vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble, qui n'eût pas été précédée de la remise de l'avis correspondant ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que les opérations de vérification se sont déroulées, du 21 octobre au 12 novembre 1986, sur place, en présence du fils du requérant et du comptable de ce dernier, sans qu'il soit démontré, notamment par les attestations produites, que le vérificateur ait refusé de nouer avec ces personnes un débat contradictoire ; que ledit agent a pu légalement, en réponse à une lettre du 11 décembre 1986 qui l'informait de ce que M. X... n'avait pu assister en personne à la vérification en raison de graves difficultés de santé, se dire prêt à accéder à la demande du requérant tendant à discuter avec lui au début de l'année 1987 suivante des conséquences fiscales qu'il entendait tirer du contrôle, tout en lui indiquant que celles touchant ses revenus de l'année 1983, seraient, ainsi qu'il fut fait, notifiées avant le 31 décembre 1986, afin de respecter les règles relatives à la prescription du droit de reprise ;

Sur le principe des impositions litigieuses :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

Considérant qu'aux termes des dispositions, applicables en l'espèce, de l'article 235 quinquiès du code général des impôts : "I. Les profits réalisés du 1er janvier 1982 au 31 décembre 1986 à l'occasion de cessions habituelles d'immeubles ou fractions d'immeubles en vue de la vente ou de droits s'y rapportant, par des personnes physiques et par des sociétés visées aux articles 8 et 239 ter, sont soumis, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, à un prélèvement ... Il est assis sur le résultat de l'ensemble des opérations effectuées au cours de l'année civile" ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours des années 1983 à 1985, M. X... a procédé à la cession de la quasi-totalité des lots, comprenant 82 logements, qu'il possédait dans un immeuble sis à Reims, par suite de l'attribution qui lui en avait été faite à la dissolution, le 12 juin 1972, de la société civile immobilière Résidence des jardins de Saint-Rémi, créée l'année précédente entre lui et un co-associé à fin de la construction dudit immeuble à diviser en lots à usage principalement d'habitations ; que, d'une part, compte étant tenu, comme il était loisible à l'administration de le faire sans méconnaître l'autorité de la chose jugée par le Conseil d'Etat dans son arrêt n° 14.742 du 1er octobre 1980, des cessions effectuées, avant celles présentement litigieuses, par trois sociétés civiles immobilières de construction-vente créées en 1968, 1969 et 1970 dont le requérant détenait respectivement 50 %, 50 % et 99 % des parts, et eu égard à la continuité sur trois ans et à l'importance du nombre des ventes par lot ici en cause, les profits litigieux doivent être regardés comme ayant été réalisés par l'intéressé à l'occasion de cessions habituelles d'immeubles ou fractions d'immeubles, au sens des dispositions précitées ; que, d'autre part, en se bornant à faire état d'un contrat de prêt octroyé par le Crédit Lyonnais mentionnant que les fonds étaient destinés au financement de la construction d'un "immeuble locatif", ce qui ne faisait pas obstacle à un éventuel arbitrage ultérieur en faveur de la cession des lots, à se prévaloir des statuts de la société civile immobilière qui ne contiennent aucune indication de ce point de vue ou d'une attestation de son co-associé qui n'est revêtue d'aucune force probante, à avancer le fait qu'il était tombé gravement malade à l'époque des cessions en cause, enfin à soutenir qu'il aurait voulu, grâce au produit de ces dernières, remédier aux difficultés financières rencontrées par ses enfants au travers de deux autres sociétés civiles immobilières dont ils étaient membres, mais dont il était en même temps lui-même l'associé majoritaire, M. X... ne démontre pas que l'immeuble en cause, alors même que les lots en sa possession auraient été déclarés par lui pour l'imposition sur les grandes fortunes et qu'ils ont été de facto donnés en location sans discontinuité de 1972 au jour de leur vente, n'aurait pas été construit, contrairement à ce que fait présumer le caractère habituel susindiqué de son activité de vendeur d'immeubles, en vue de sa revente ;

En ce qui concerne l'application de la doctrine administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L.80 B du livre des procédures fiscales : "La garantie prévue au premier alinéa de l'article L.80 A est applicable lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal" ;

Considérant que la notification de redressements adressée en date du 18 juin 1985 à M. X... au titre de ses revenus de l'année 1983, laquelle a fait suite à un simple contrôle des pièces de son dossier complété par ses réponses à des demandes d'information, et n'a eu d'autre objet que de rectifier à la hausse le calcul du montant de ses plus-values imposables pour ladite année tel que déclaré par le contribuable dans le cadre des articles 150 A et suivants du code général des impôts, ne contenait aucune prise de position formelle, même implicite, quant au régime fiscal applicable, eu égard à sa situation de fait, aux profits réalisés par le contribuable sur les cessions d'immeubles en cause, sur laquelle l'administration n'eût pu revenir sans méconnaître la garantie visée par l'article L.80 B précité ; qu'il en va de même de la notification de redressements du 20 décembre 1973 en ce qu'elle qualifiait de revenus fonciers les produits des locations des appartements dont s'agit ; qu'enfin M. X... ne saurait utilement invoquer une réponse à parlementaire en tout état de cause postérieure à la mise en recouvrement des impositions

Sur le montant des impositions litigieuses :

Considérant que M. X..., qui ne conteste pas avoir été régulièrement taxé par voie d'évaluation d'office, supporte par application de l'article L.193 du livre des procédures fiscales la charge de prouver l'exagération des impositions litigieuses ;

Considérant, en premier lieu, que si le requérant soutient que l'imposition mise en recouvrement à son encontre au titre de l'année 1985 serait supérieure au produit de la base légale à concurrence de laquelle la notification du 19 mai 1987 a interrompu la prescription, par le taux légal applicable, le moyen manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, que compte tenu de leur nature de stocks, le prix de revient des appartements en cause, à prendre en considération pour la détermination des profits nets de construction, était, comme l'a fait l'administration, le prix réel pour lequel ils sont entrés dans le patrimoine du requérant, sans tenir compte de l'érosion monétaire intervenue depuis 1972 ;

Considérant, en troisième lieu, que M. X... soutient qu'au cours des mêmes années 1983 à 1985, il aurait enregistré au travers des sociétés civiles immobilières Concorde et l'Eden de Mougins dont il aurait été également membre, à concurrence respective de 80 et 60 % des parts, des pertes sur des opérations de construction-vente, qui eussent dû être imputées sur les profits réalisés par l'entremise de la société Résidence Saint-Rémi ; que, dans son dernier mémoire l'administration, sans contester le principe de cette imputation, avance des chiffres différents de ceux du contribuable en ce qui concerne les montants des déficits enregistrés par la SCI Concorde ; qu'il y a lieu, en l'état présent du dossier et avant dire-droit sur ce point, de communiquer ledit dernier mémoire de l'administration afin de supplément d'instruction contradictoire aux héritiers de M. X... en les invitant à y répondre dans le délai d'un mois ;
Article 1er : Il sera avant-dire droit procédé au supplément d'instruction contradictoire décrit dans les motifs du présent arrêt.
Article 2 : Tous droits et moyens des parties demeurent réservés pour autant qu'il n'y est pas statué par le présent arrêt.
Retourner en haut de la page