Cour administrative d'appel de Paris, du 29 mai 1990, 89PA01616, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête présentée par Mme Madeleine DUFFAU demeurant ... ; elle a été enregistrée au greffe de la cour le 11 mai 1989 ; Mme DUFFAU demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 70382/3 du 7 février 1989 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1979 à 1982 dans les rôles de la commune de Neuilly-sur-Seine ;

2°) de lui accorder la décharge demandée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'au-dience du 15 mai 1990 :

- le rapport de Mme de SEGONZAC, conseiller,

- et les conclusions de M. BERNAULT, commissaire du gouvernement ;

Sur l'application de la loi fiscale :

Considérant qu'aux termes de l'article 211 du code général des impôts : "1. Dans les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues à l'article 3-IV du décret n° 55-594 du 20 mai 1955 modifié et dont les gérants sont majoritaires ... les traitements, remboursements forfaitaires de frais et toutes autres rémunérations sont, sous réserve des dispositions des articles 39-3 et 211 bis, admis en déduction du bénéfice de la société pour l'établissement de l'impôt, à la condition que ces rémunérations correspondent à un travail effectif" ; que les pensions ou avantages particuliers que les sociétés à responsabilité limitée s'engagent à allouer à un ancien gérant majoritaire ou à ses ayants-droit ne peuvent être regardés comme des dépenses exposées dans l'intérêt de l'entreprise, et donc déductibles, au titre des dispositions précitées, pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés que dans des cas exceptionnels et notamment lorsque ces pensions ou avantages ont pour objet d'accorder à l'intéressé ou à ses ayants-droit une aide correspondant à leurs besoins ; qu'au cas contraire, les sommes distribuées par les sociétés, et donc appréhendées par leurs bénéficiaires, ne peuvent qu'être regardées comme des revenus de capitaux mobiliers ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté par la requérante que celle-ci a disposé, pour les années 1979, 1980, 1981 et 1982 de pensions versées au titre d'un régime collectif de retraite et de revenus de capitaux mobiliers de montants respectifs de 312.139 F, 331.450 F, 293.736 F et 278.711 F auxquels sont venus s'ajouter des versements de la société "Les forges Barriol et Dallière", s'élevant respectivement à 95.750 F, 103.560 F, 117.560 F et 128.540 F et allouées à Mme DUFFAU en sa qualité de veuve de M. Duffau, ancien gérant majoritaire et co-fondateur de cette société ; qu'ainsi, indépendamment même de l'important patrimoine immobilier dont disposait Mme DUFFAU, qui détenait également 3 574 actions de la société, la requérante ne se trouvait pas dans un cas exceptionnel justifiant que l'entreprise puisse être autorisée, en vertu des dispositions législatives précitées et quels qu'aient pu être l'importance et les mérites de la collaboration de M. Duffau au sein de l'entreprise, à faire figurer dans ses charges déductibles les sommes versées à la veuve de son ancien dirigeant après le décès de celui-ci ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les sommes versées par la société "Les forges Barriol et Dallière" avaient non le caractère de pensions, mais de bénéfices distribués imposables entre les mains de leur bénéficiaire dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

Sur la doctrine administrative :

Considérant qu'il résulte des termes mêmes des réponses ministérielles faites le 26 mars 1954 à M. X..., député, et le 22 avril 1961 à M. Y..., député, que ces réponses, qui traitent de l'imposition des rentes versées à des veuves d'associés fondateurs d'une société à responsabilité limitée, prévoient expressément, par une dérogation à la loi fiscale, que lesdites rentes peuvent être considérées non comme des revenus de capitaux mobiliers mais comme des arrérages de rentes viagères, sous réserve du droit de contrôle de l'administration et lorsqu'elles se limitent à un montant raisonnable ; que ces réponses, qui laissent un pouvoir d'appréciation au service, ne peuvent être considérées comme constituant une interprétation formelle du texte fiscal au sens de l'article L.80-A du livre des procédures fiscales ; que Mme DUFFAU ne saurait, en tout état de cause, se prévaloir des réponses ministérielles précitées, sur le fondement de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983, pour prétendre au bénéfice d'un avantage non prévu par la loi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme DUFFAU n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Article 1er : La requête de Mme DUFFAU est rejetée.
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